La Banque du Canada a annoncé aujourd’hui qu’elle majorait son taux directeur de 25 points de base pour le fixer à 0,5 %, une première depuis le début de la pandémie il y a deux ans. La décision de la banque centrale aura comme conséquence de pousser la plupart des prêteurs à hausser les coûts d’emprunt, par exemple pour les prêts hypothécaires.
« Les effets du variant omicron de la COVID-19 sur l’économie s’estompent plus rapidement qu’on s’y attendait, mais le virus continue de circuler et la possibilité que de nouveaux variants apparaissent reste préoccupante », a noté la Banque du Canada dans un communiqué publié aujourd’hui. « La demande est robuste, surtout aux États-Unis. L’engorgement des chaînes d’approvisionnement mondiales reste problématique, même s’il y a des indications que certaines contraintes se sont atténuées. »
Dans son communiqué, la Banque du Canada souligne aussi que l’invasion de l’Ukraine par la Russie provoque une hausse marquée des prix du pétrole et d’autres produits de base, ce qui pourrait peser sur la croissance économique mondiale. Néanmoins, la Banque du Canada a annoncé qu’elle garderait son portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada stable, du moins pour le moment. Une réduction de la taille des positions de la banque centrale pourrait durcir encore plus les conditions financières et amplifier les pressions à la hausse exercées sur les taux d’intérêt.
Les institutions financières comme la Banque Scotia centrale utilisent le taux directeur de la banque centrale comme balise pour fixer leur taux de base, soit le taux de référence dont elles se servent pour établir les coûts des emprunts qu’elles accordent à leurs clients sous forme de prêts, de lignes de crédit ou de prêts hypothécaires. Cliquez ici pour consulter le taux de base en vigueur sur les prêts de la Banque Scotia.
Le geste de la banque centrale était attendu par les analystes. Le taux de 0,5 % de la Banque centrale du Canada est supérieur à celui de la Réserve fédérale américaine (la Fed), fixé à 0,25 %, mais les observateurs s’attendent à ce que celle-ci hausse son taux pour la première fois en trois ans et demi le 16 mars prochain.1 Dans le monde entier, les autorités monétaires procèdent à des hausses de taux d’intérêt pour lutter contre la flambée inflationniste la plus marquée depuis plusieurs décennies. En janvier, le taux d’inflation au Canada s’est établi à 5,1 % sur douze mois (var. ann.), un sommet en plus de 30 ans et en hausse par rapport à un taux de 4,8 % sur douze mois en décembre.2 Le calcul de l’inflation se fonde sur l’indice des prix à la consommation (IPC), qui lui-même repose sur le calcul du coût d’un panier représentatif des biens et services achetés par les ménages canadiens.
La hausse des taux d’intérêt, ou coût d’emprunt, freine la demande pour des prêts, limite l’offre en liquidités et entraîne éventuellement un ralentissement de la hausse des prix, et même parfois une inversion de cette tendance. Durant la pandémie, la plupart des économies occidentales ont profité de taux historiquement bas visant à soutenir les entreprises et les ménages en période de confinement et de restriction.
« Comme presque tous les prévisionnistes, le service des Études économiques de la Banque Scotia anticipait que la Banque du Canada procéderait à une hausse de son taux directeur aujourd’hui, fait savoir Brett House, économiste en chef adjoint de la Banque Scotia. « Nous nous attendons à ce que la banque centrale hausse graduellement son taux jusqu’à 2 % d’ici la fin de l’année 2022 et jusqu’à 2,5 % au cours des six premiers mois de l’année prochaine. » Cliquez ici pour consulter les publications des Études économiques de la Banque Scotia.
Selon M. House, le taux d’inflation au Canada devrait demeurer supérieur à 3 % en glissement annuel jusqu’à la fin de l’année 2023. Toujours selon lui, la vigueur de la demande des consommateurs et la hausse des salaires devraient pousser la Banque du Canada à procéder à des hausses de taux pour maîtriser l’inflation.
« Les finances et la tolérance au risque varient d’une personne à l’autre, mais les titulaires d’un prêt hypothécaire à taux variable devraient sans aucun doute considérer sérieusement les avantages, notamment financiers, d’opter pour un prêt à taux fixe, ajoute M. House. Les Canadiens devraient évaluer soigneusement leurs options en faisant appel à un conseiller en financement résidentiel ou à leur planificateur financier. »
Les investisseurs devraient toutefois éviter d’apporter impulsivement des changements radicaux à leur portefeuille en réaction à une hausse des taux d’intérêt, d’après M. House, rappelant du même souffle qu’étant économiste et non un conseiller financier, il ne donne pas de conseils explicites en matière de placement.
« Les actifs risqués, comme les actions, perdent habituellement de la valeur dans les premiers temps suivants une série de hausses d’un taux directeur, mais si l’on se penche sur les hausses de taux réalisées au cours des 40 dernières années, l’on constate que les indices boursiers recouvrent généralement leurs pertes et gagnent parfois même du terrain dans les six mois suivants une première hausse des taux d’intérêt. »
La Banque du Canada a notamment comme mandat l’application de certaines politiques monétaires, par exemple la fixation des taux d’intérêt visant à maintenir le taux d’inflation aux alentours d’une cible de 2 % sur douze mois. Le taux directeur est aussi appelé « taux de financement à un jour » puisqu’il représente le coût que les institutions financières paient pour emprunter des fonds pour une journée.
La pandémie de COVID-19 a provoqué des interruptions dans la chaîne d’approvisionnement de divers sous-secteurs de la fabrication, par exemple celui des puces électroniques, tandis que des pénuries de main-d’œuvre dans certaines industries découlant d’une baisse de l’immigration ont entraîné des hausses de salaire, qui ont à leur tour donné lieu à une hausse des prix de certains produits. Par ailleurs, l’intensification des phénomènes dus aux changements climatiques, comme les sécheresses, a nui à la production de denrées alimentaires destinées aux populations et de céréales pour le bétail. Tous ces facteurs ont contribué à la flambée inflationniste courante.
La plupart des économistes prévoient une baisse de l’inflation globale au cours des deux prochaines années. De l’avis de bon nombre d’analystes, l’inflation, à mesure que les difficultés d’approvisionnement et de transport se résoudront et que les répercussions de la pandémie s’estomperont dans certaines sphères économiques, devrait se rétablir aux alentours d’un taux annuel de 2 % sur douze mois d’ici 2024.3 Ils estiment peu probable que la flambée inflationniste persiste, comme ce fut le cas dans les années 1970 lorsque l’envolée des prix du pétrole avait entraîné une hausse généralisée des coûts. Les observateurs sont aussi d’avis que les Canadiens seront en mesure de composer avec une hausse des prix et des taux d’intérêt.
« Le resserrement des conditions du marché de l’emploi, la hausse des salaires et la santé financière relativement solide des ménages devraient permettre aux Canadiens de s’adapter à l’inflation et à une hausse des taux d’intérêt, quoique le gonflement des enveloppes de rémunération puisse se traduire par une poussée inflationniste plus tenace qu’à l’habitude », précise Brett House.
« Le fait que la banque centrale canadienne est prête à lever les mesures monétaires d’urgence mises en œuvre pour soutenir l’économie du pays représente en fait un vote de confiance envers la capacité des ménages et des entreprises à soutenir la reprise et la croissance de l’économie après les fermetures de 2020. »
Écoutez le balado Perspectives (disponible en anglais seulement) et découvrez le point de vue de Jean-François Perrault, économiste en chef de la Banque Scotia, sur la hausse des taux annoncée aujourd’hui.