- La Banque du Canada et la Réserve fédérale devraient abaisser leur taux directeur à chacune de leurs réunions d’ici la fin de l’année et longtemps en 2025.
- La croissance se ralentit à l’heure où l’impact du durcissement passé se fait sentir. Or, nous nous attendons à ce que l’activité économique se raffermisse peu à peu à mesure que les taux directeurs baisseront. Il semble qu’à ce stade, les banquiers centraux nord‑américains aient réussi un atterrissage en douceur.
- Les risques de hausses potentielles des dépenses des ménages continuent de nous inquiéter, compte tenu des taux d’épargne élevés et des économies cumulées, de la forte croissance des revenus, de l’écart abyssal entre l’offre et la demande sur le marché du logement et de la croissance démographique sans précédent. Nous supposons que les dépenses s’amélioreront peu à peu. Or, un rebond plus important ou plus fulgurant des dépenses pourrait mettre en péril les baisses de taux de la Banque du Canada au milieu de 2025.
- La mise en garde habituelle s’impose : les résultats de l’élection américaine pourraient donner lieu à d’importants changements dans ces prévisions.
La voie à suivre pour les taux d’intérêt devient de plus en plus claire. Puisque l’inflation et la croissance s’essoufflent, en partie à cause des impacts décalés de la politique monétaire, les banquiers centraux du Canada et des États‑Unis paraissent confiants dans leur évaluation : les taux d’intérêt baisseront substantiellement dans les prochains mois. La grande question sur les taux directeurs porte sur le rythme de baisses des taux, et non sur la question de savoir si les taux sont appelés à baisser. Il est essentiel, dans cette évaluation, d’avoir une idée de la dynamique de la croissance, de l’inflation et des risques dans un cas comme dans l’autre. Même si la croissance fléchit dans ces deux pays, nous croyons que leur économie atterrit en douceur et n’obligera pas les banques centrales à intervenir d’urgence pour étayer la croissance. C’est pourquoi nous nous attendons à ce que les baisses se déroulent peu à peu au Canada et aux États-Unis : nous prévoyons deux autres baisses au Canada cette année et trois aux États-Unis. Il existe une multitude de risques, et même si les marchés et la plupart des économistes semblent prioriser les risques de baisse pour les prévisions et les taux d’intérêt, nous continuons de croire que les risques de hausse sont considérables dans les deux cas.
Parlons d’abord du Canada : les signes d’un fléchissement de l’économie sont évidents. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour la Banque du Canada, puisque ce fléchissement est essentiellement structuré. Les taux directeurs élevés se répercutent sur l’économie. Or, les données sont compliquées à analyser. Si la croissance du deuxième trimestre a été plus solide qu’attendu, elle est en grande partie attribuable au secteur public (qui comprend l’éducation et la santé). Les ménages ont continué d’épargner, puisque la croissance du revenu disponible est toujours largement supérieure aux dépenses. Les ventes de voitures ont repris du mieux lorsque les taux d’intérêt ont baissé; or, le marché du logement n’a pas encore réagi substantiellement à la baisse des coûts du crédit. Le marché du travail s’est ralenti, mais continue de produire des gains de salaires très solides malgré la hausse substantielle du taux de chômage dans l’année écoulée. Cette hausse du taux de chômage s’explique dans une large mesure par le surcroît de population que nous avons observé dans l’année écoulée. Par contre, ce surcroît de population continue d’étayer la consommation, de faire baisser la productivité à court terme et a creusé l’écart entre l’offre et la demande dans le marché du logement.
La réactivité de l’économie à la baisse des taux d’intérêt est la grande question qui nous vient à l’esprit. La baisse des coûts du crédit viendra manifestement muscler la demande; on doute toutefois de l’ampleur de ce mouvement et peut-être surtout de la vitesse à laquelle cette baisse pourrait se dérouler. Notre modèle laisse entendre que la demande refoulée est considérable pour le logement, l’investissement et la consommation . Il laisse aussi entendre que cette demande refoulée se résorbera graduellement dans les prochains trimestres. C’est ce dont nous faisons état dans nos prévisions et c’est la raison pour laquelle nous nous attendons à un rythme de croissance de 1,1 % cette année et de 1,9 % l’an prochain. Il y a toutefois un risque que cette demande refoulée soit plus importante ou qu’elle se résorbe plus rapidement que ce que l'évolution passée laisserait entendre. En particulier, deux points de données sont d’actualité à cet égard : l’accumulation de l’épargne excédentaire, qui se chiffre aujourd’hui à 470 milliards de dollars environ, et le taux d’épargne des particuliers, qui est supérieur à 7 % (graphiques 1 et 2). Le taux d’épargne est à son plus haut depuis le milieu des années 1990, en excluant la période pandémique. Il faut aussi parler de l’écart évident entre l’offre et la demande de logement, et il y a un risque, puisque la baisse des taux pourrait provoquer un rétablissement plus rapide des dépenses des ménages et de l’investissement résidentiel. Ce risque serait plus aigu sur le marché du logement du printemps. Il s’agit toujours d’un risque à ce stade; or, un rebond plus vif des dépenses des ménages que celui auquel on s’attend aujourd’hui viendrait freiner les pressions désinflationnistes et pourrait, en 2025, obliger la Banque du Canada à baisser les taux moindrement que ce à quoi on s’attend aujourd’hui. Toujours est‑il que nous prévoyons que le gouverneur Tiff Macklem baissera les taux d’intérêt à 3,0 % au milieu de 2025.
Ce que les emprunteurs doivent savoir, c’est que la perspective d’une baisse des taux d’intérêt à plus long terme est faible. Le rendement des obligations du gouvernement du Canada à 5 ans est de l’ordre de 2,8 % au moment d’écrire ces lignes. Ces taux d’intérêt à plus long terme sont déjà intégrés dans la baisse escomptée des taux directeurs de part et d’autre de la frontière. Du point de vue du primoaccédant potentiel à la propriété, nous ne nous attendons pas à des taux à 5 ans nettement moindres à terme, et en fait, nous prévoyons que ces taux dériveront à la hausse lorsque les marchés anticiperont une prime à terme appropriée dans la courbe des rendements. La baisse des coûts du crédit sera nettement plus concentrée dans les échéances rapprochées, ainsi que dans les taux de crédit préférentiels.
Aux États-Unis, nous nous attendons aujourd’hui à ce que la Réserve fédérale abaisse les taux d’intérêt de 75 points de base d’ici la fin de l’année et à ce que le taux directeur plonge à 3,5 % d’ici au milieu de 2025. Nous ne croyons pas que l’économie américaine soit en récession ni qu’elle soit appelée à sombrer en récession. Les indicateurs économiques restent généralement solides, malgré les signes manifestes d’un fléchissement. Ce fléchissement est tout à fait évident sur le marché de l’emploi. Les dépenses des ménages restent assez solides, tout autant que le secteur des services de l’économie américaine. Pour l’heure, nous croyons que le président Jérome Powell et consorts devraient envisager une série de baisses graduelles.
Nos points de vue seront impactés par l’élection américaine, qui s’annonce toujours aussi serrée. Le résultat de cette élection pourrait avoir des conséquences considérables sur l’économie mondiale et sur les marchés. Or, puisque les sondages indiquent que le résultat de l’élection sera serré, nous n’en constaterons les résultats que lorsque l’on connaîtra le vainqueur et la composition du Congrès.
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