Par Shelley White, pour le réseau Women of Influence
Le conseil de Deborah Service, vice-présidente, Services technologiques mondiaux de la Banque Scotia, aux jeunes femmes qui cherchent à réaliser leurs aspirations professionnelles? Soyez ouverte d’esprit et curieuse.
« Ne vous limitez pas et ne limitez pas vos perspectives en vous disant que votre potentiel se borne à ce que vous savez, confie Deborah Service, vice-présidente, Gestion des services, Services technologiques mondiaux de la Banque Scotia. Il est toujours possible d’apprendre et de maîtriser de nouvelles connaissances. Votre parcours professionnel prend parfois un tournant inattendu, qui vient réorienter votre vie pour le mieux. »
C’est un principe qui a bien servi Deborah dans toute sa carrière. Née en Jamaïque, elle a passé son enfance à Brooklyn dans l’État de New York. Elle n’avait jamais pensé faire carrière dans les technologies de l’information.
« Quand j’étais à l’université, si vous m’aviez dit que j’allais finir par travailler en informatique, j’aurais éclaté de rire, lance Deborah, qui a étudié la psychologie au City College de New York. Je me rappelle qu’à l’époque, je détestais les ordinateurs et tout ce qui se rapportait à la technologie. »
C’est une conversation charnière qui l’a amenée à changer d’idée. Pour pouvoir payer ses droits de scolarité, elle est entrée au service, comme préposée à la saisie des données, d’une société immobilière qui appartenait à Barbara Corcoran (qui allait devenir une vedette de l’émission Shark Tank sur la chaîne ABC). Sans se contenter d’« entrer l’information à l’écran », elle a appris à se servir du système informatique qu’on lui avait confié, en mettant à l’essai différentes applications — ce qui faisait souvent planter le système dans ses explorations.
« Un samedi, alors que je travaillais, celui qui avait créé le système informatique est venu faire une mise à niveau, se souvient‑elle. Et puisque j’étais jeune et que je n’avais peur de rien, je lui ai lancé "Dites donc, c’est votre programme?" Et il a répondu "Oui, c’est exact." Et moi d’enchaîner : "Il ne fonctionne pas très bien." »
Loin d’être vexé, le concepteur du système lui a demandé de lui indiquer quels étaient les points problématiques. Elle lui a expliqué les lacunes du système, et il a tout de suite reconnu son potentiel.
« Il m’a dit que j’avais une notion intuitive de ce que les systèmes sont censés accomplir et que ceux et celles qui avaient cette intuition n’étaient guère nombreux, poursuit‑elle. Il m’a tendu sa carte professionnelle et m’a dit : "Quand vous aurez fini vos études, donnez‑moi un coup de fil et si vous voulez un emploi, je vous embaucherai." »
Et c’est exactement ce qu’elle a fait dès qu’elle a décroché son diplôme.
« N’embauchez pas des gens qui vous ressemblent. Il faut voir plus loin que les curriculums vitæ et éviter de s’en remettre uniquement à l’expérience déclinée sur une feuille de papier. Interviewez les candidats, creusez au plus profond de leur personnalité et cernez ce qu’ils pourraient vraiment apporter à votre équipe, à vos activités et à vos clients! »
Ce premier emploi lui a ouvert les yeux : elle a tout de suite su que travailler dans la technologie, ce n’est pas seulement faire de la programmation. Dans les 20 années qui ont suivi, elle a enrichi ses compétences, en travaillant dans des secteurs différents de l’industrie des technologies de l’information dans plusieurs organismes ou entreprises, dont la Federal Reserve Bank de New York, Thomson Reuters et Time Warner. Après avoir été tour à tour technicienne « touche-à-tout », experte d’UNIX et gestionnaire de centres de données et à force de travailler dans la gestion des services, elle a adopté une approche centrée sur la clientèle pour assurer les services de technologie de l’information.
« Si je me suis intéressée à la gestion des services, c’est parce qu’on savait que les "technos" font plus que du travail technique : ils sont en fait les piliers de nombreuses fonctions opérationnelles, explique‑t‑elle. Le rôle de la gestion des services a évolué pour s’assurer que les opérations et les technologies fassent bon ménage. »
Sa carrière est aussi le fruit de son évolution personnelle. À l’époque où elle a commencé, elle manquait de confiance dans ses propres aptitudes, surtout à cause du sexisme et des préjugés qu’elle affrontait dans une industrie dominée par les hommes. Elle rend hommage à l’un de ses premiers mentors, Vincent Cohan, aujourd’hui premier vice‑président des Services technologiques mondiaux à la Banque Scotia, qui l’a amenée à sortir de sa zone de confort pour lui faire découvrir des expériences nouvelles.
Deborah se souvient d’avoir travaillé avec Vincent Cohan à la Thomson Corporation au début des années 2000, et de réunions avec des fournisseurs de technologies qui « croyaient vraiment que j’étais là pour servir le café ou prendre des notes parce que j’étais la seule femme, et surtout la seule Noire, dans la pièce », se rappelle‑t‑elle.
« Même si j’animais la réunion, ils ne s’adressaient qu’à Vinny. Il les laissait faire, avant de se tourner vers moi et de lancer : "Deb, qu’en pensez‑vous?". Et il enchaînait, "Messieurs, si vous croyez que c’est moi qu’il faut convaincre, détrompez-vous. C’est elle qu’il faut convaincre. Si elle n’est pas d’accord, tant pis pour vous", dit‑elle. Il a joué ce petit jeu quelques fois, jusqu’à ce que les gens finissent par comprendre. »
Pesque 20 ans plus tard, elle confie qu’elle est fière de savoir que les grandes sociétés nord‑américaines sont plus nombreuses à s’engager publiquement sur la voie de la diversité et de l’inclusion, en précisant que la Banque Scotia est un chef de file à cet égard.
« La Banque Scotia est consciente de l’importance de la diversité et d’une culture professionnelle inclusive. Nous donnons la priorité aux clients — et nos dirigeants, nos employés, nos produits et nos services doivent être représentatifs des marchés, précise‑t‑elle. L’inclusion, c’est plus qu’un mot à la mode : c’est un engagement que nous prenons pour être une équipe gagnante. »
Cet engagement consiste aussi bien à atteindre des cibles d’embauche — la Banque s’est engagée à confier à des Noirs au moins 3,5 % des postes de cadre supérieur et des sièges à son conseil d’administration au Canada d’ici 2025 — qu’à souligner le Mois de l’histoire des Noirs et à promouvoir le mentorat et le recrutement des talents existants et nouveaux parmi les Noirs.
« C’est l’occasion de réfléchir aux sacrifices et aux contributions de celles et de ceux qui nous ont précédés, s’exclame‑t‑elle. En toute honnêteté, il ne devrait pas être nécessaire de souligner le Mois de l’histoire des Noirs. Toutefois, à l’heure actuelle, surtout si on pense à ce qui se produit dans le monde, il semble qu’il faille rappeler que les gens de couleur ont apporté un énorme concours à l’avancement de la race humaine dans son ensemble. »
Elle dresse la liste des grands inventeurs et scientifiques noirs, par exemple Frederick Jones, qui a inventé la réfrigération mobile dans les années 1930, et la Dre Kizzmekia Corbett, scientifique auprès de l’Institut national de la santé des États-Unis, qui a mis au point l’un des vaccins ARN messager aujourd’hui utilisé dans la lutte contre la pandémie de COVID-19.
Deborah affirme toutefois qu’il y a encore du travail à faire pour encourager les jeunes femmes, surtout les Noires, à miser sur la technologie comme choix de carrière.
« Il n’y a pas autant de candidates à ces postes que ce que je souhaiterais. Nous devons les approcher pendant leurs études et leur donner de l’information sur les différentes trajectoires que peut suivre leur carrière, explique‑t‑elle. Selon l’idée qu’on se fait à l’heure actuelle, le travail dans la technologie consiste à programmer ou à travailler à toute heure tous les jours de la semaine. En réalité, les perspectives sont très vastes : on peut se consacrer à des activités comme la gestion des services et l’architecture. Et nous devons nous assurer que les gens comprennent que la technologie constitue pour chaque entreprise le moyen d’exercer ses activités. Qu’il s’agisse de la musique, du jardinage ou de l’agriculture, la technologie facilite notre travail. Nous devons faire évoluer l’idée de perspectives offertes. »
Deborah a aussi un message à adresser aux « gendarmes » — soit les cadres supérieurs qui ont, dans tous les secteurs, le pouvoir de vraiment changer le monde.
« N’embauchez pas des gens qui vous ressemblent, conseille-t-elle. Il faut voir plus loin que les curriculums vitæ et éviter de s’en remettre uniquement à l’expérience déclinée sur une feuille de papier. Interviewez les candidats, creusez au plus profond de leur personnalité et cernez ce qu’ils pourraient vraiment apporter à votre équipe, à vos activités et à vos clients!»