- Le PIB de juillet a crû plus rapidement que le consensus, ce qui concorde avec l’estimation de la Banque Scotia.
- Les détails sont généralement favorables.
- Or, la croissance aurait été plus vigoureuse, n’eût été les effets des feux de forêt.
- Autrement dit, l’économie pourrait rebondir à partir d’août.
- C’est en partie la raison pour laquelle il faut passer sous silence le pronostic « essentiellement inchangé » d’août…
- ... ainsi que le fait que le pronostic éclair est communément atroce.
- Le PIB du T3 suit un pistage anémique, ce qui laisse entrevoir une dégradation d’une ampleur incertaine dans les prévisions de la BdC pour le T3.
- L’analyse rétrospective, l’analyse prospective et la BdC
- PIB canadien, juillet, évolution sur un mois en %, en données désaisonnalisées :
- Données réelles : 0,2
- Scotia : 0,2
- Consensus : 0,1
- Auparavant : 0,0
- Pronostic « éclair » d’août : « essentiellement inchangé »
Je pense que dans l’ensemble, le ton et les détails qui sous‑tendent les chiffres sont solides. Les marchés ne s’en sont pas du tout préoccupés, puisque les obligations à 2 ans du Canada ont remonté de concert avec les bons du Trésor à 2 ans des États‑Unis après que l’inflation fondamentale américaine des DCM ait sous‑ciblé le consensus d’un cran (+0,1 % sur un mois en données désaisonnalisées). La paire USD/CAD a elle aussi fait fi des détails. Les marchés des swaps indexés sur le taux à un jour continuent d’anticiper un peu moins qu’un point de pourcentage de baisses de taux dans les deux dernières réunions cette année, ce qui me paraît excessif puisqu’il n’y a pas de crise.
Le PIB a progressé plus vite qu’attendu en juillet. Je ne tiendrais pas compte du pronostic d’août. Or, la BdC devra dégrader son pistage de la croissance du T3.
En juillet, le PIB a crû de 0,2 % sur un mois, ce qui concorde avec mon estimation supérieure au consensus et ce qui dépasse les trois quarts des estimations consensuelles. Le PIB d’août a été guidé par le pronostic « essentiellement inchangé », dont je ne tiendrais pas compte pour des raisons dont je parlerai dans un moment.
Le PIB enchaîne ainsi une quatrième hausse mensuelle consécutive et un sixième gain dans les sept derniers mois. La croissance tendancielle est légère. Or, on pourrait croire que l’économie s’effondre en raison de toutes les mauvaises nouvelles annoncées, surtout dans le cadre du spectacle de variétés politique.
C’est ce qui nous donne un pistage de 1 % pour la croissance du PIB sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé au T3, d’après les comptes de la colonne de la production si on s’en remet au chiffre de 0,2 pour juillet, au résultat anémique d’août selon le pronostic très provisoire de l’agence et au résultat atone de septembre, simplement pour prioriser le calcul de ce qui est connu jusqu’à maintenant (graphique 1).
Ces chiffres pourraient se répercuter ou non sur la croissance du PIB d’après les dépenses trimestrielles, puisque ce dernier chiffre permet mieux de capter les stocks et les effets nets de la balance commerciale. Il révèle probablement une baisse importante de la prévision initiale de la BdC, soit 2,8 % sur un trimestre pour la croissance du PIB du T3, qui sera plus vraisemblablement de l’ordre d’un pour cent quand la BdC le révisera le mois prochain. Or, on ne peut pas du tout se prononcer exactement sur le résultat dans cet ordre de grandeur.
Les détails de juillet ont été solides et ont probablement sous‑comptabilisé les conditions sous‑jacentes de l’économie canadienne. Douze des 16 secteurs ont inscrit une hausse, quatre ont baissé, mais aucun des secteurs en baisse n’a apporté une contribution pondérée à la croissance du PIB (graphique 2).
Pourquoi les conditions ont‑elles été sous‑comptabilisées? Parce que, comme l’a déclaré Statistique Canada, « [l]es feux de forêt ont eu une incidence sur plusieurs industries au pays en juillet ». Il faut dire que la tragédie de Jasper est l’exemple extrême le plus frappant et le plus déplorable parmi les catastrophes qui se sont produites pour toute une collectivité dans ce coin idyllique du pays.
L’effet des feux de forêt est probablement la raison pour laquelle le modèle élémentaire que j’ai appliqué pour le PIB mensuel a donné lieu à une croissance plus rapide que mon estimation de 0,2 %.
Ce chiffre pourrait vouloir dire que les effets amortisseurs des feux de forêt en juillet pourraient s’inverser à la hausse à partir d’août, lorsque l’effet des feux de forêt se stabilisera.
Ce chiffre veut aussi dire qu’il faut être attentif à ce que donne le PIB de juillet dans le pistage du PIB d’après les dépenses du T3. Les perturbations causées par les feux de forêt — et peut‑être même celles qui se sont répercutées sur le transport ferroviaire en août — pourraient expliquer les raisons pour lesquelles les stocks ont brusquement augmenté en juillet. Les stocks manufacturiers ont gagné 0,9 % sur un mois en données désaisonnalisées en juillet, et les stocks du commerce de gros ont progressé de 0,5 % sur un mois en données désaisonnalisées. Les données sur l’investissement dans les stocks témoignent d’une combinaison de chocs séquentiels précis, non souhaités et planifiés sur les chaînes logistiques, portés par les chocs renouvelables, et l’investissement dans les stocks pourrait constituer un facteur important du PIB du T3 du point de vue des dépenses.
C’est ce qui nous ramène au pronostic « éclair » de Statistique Canada en août, selon lequel le PIB était « essentiellement inchangé ». Premièrement, c’est sans importance, puisque ses estimations initiales ont donné de piètres résultats auparavant. Le graphique 3 fait état de l’écart entre l’estimation éclair et le résultat ultime de la croissance mensuelle du PIB. Les révisions sont courantes et sont parfois très importantes. Statistique Canada avait déjà annoncé que le PIB de juillet était « essentiellement inchangé », et dans ce cas, il s’établit à 0,2 % à peine.
Deuxièmement, le choc des feux de forêt sur juillet pourrait expliquer un rebond à partir d’août.
Ces chiffres tracent le portrait d’une économie sous‑performante, mais qui progresse toujours tendanciellement malgré les énormes hausses de taux pendant la pandémie et les chocs séquentiels qu’elle a encaissés.
Pour ce qui est des chiffres par habitant, les lecteurs habitués savent que j’ai deux avis sur la question. La productivité canadienne est atroce. Or, aucun parti politique n’a de plan utile pour les mesures à prendre, et les milieux d’affaires comme les travailleurs sont trop disposés à se délester de leurs responsabilités pour jouer leur rôle. Deuxièmement, il faut être attentif à la croissance de la population comme facteur de la baisse du PIB par habitant. En effet, il ne s’est pas écoulé suffisamment de temps pour que le choc démographique se répercute sur le PIB, ce qui ne se produira certes pas en une année ou en deux ans à peine : il faut plutôt compter plusieurs années. Par ailleurs, il faut soustraire du calcul les temporaires (résidents non permanents), constitués des étudiants internationaux, des travailleurs étrangers temporaires et des demandeurs d’asile. Si je pense qu’il faut le faire, c’est parce que les contingents fixés pour eux sont réduits, ce qui devrait spectaculairement faire baisser à terme la croissance de la population, non pas dans un mois ou un trimestre, mais sur les prochaines années. Il s’agit d’une population transitoire, et il ne faudrait pas s’attendre à ce qu’elle apporte son concours au PIB à court terme proportionnellement aux Canadiens nés dans ce pays et aux immigrants résidents permanents.
Toujours est‑il que le débat qui se donne libre cours au Canada porte essentiellement sur deux tensions. La BdC doit‑elle surbaisser ses taux et basculer dans un mode de quasi‑panique parce que la croissance du PIB est légère et sous‑performante et qu’elle augmente légèrement la capacité excédentaire, avec un écart de production estimé à à peine plus de ‑1 %? Ou devrait‑elle être plus patiente, s’en tenir à son rebond prévisionnel et être attentive aux risques de hausse compte tenu de l’épargne refoulée massive et de la demande dans le secteur des ménages, ainsi que des mesures de relance budgétaire en cours, qui pourraient se multiplier dans une année électorale, en plus de l’assouplissement du financement hypothécaire et des gains réels de salaires qui s’emballent par rapport à la faible productivité? Je pencherais pour cette dernière piste de solution. Si la BdC penche pour la première piste et privilégie un assouplissement rapide, je conseillerais de hausser les prévisions de croissance et d’inflation et de recommencer éventuellement à hausser les taux. La première moitié du mandat de sept ans du gouverneur Tiff Macklem a été catastrophique. S’il veut se racheter avant la fin de son mandat en juin 2027, je crois qu’il devrait viser le jeu le plus long.
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