- L’économie du Canada continue de croître…
- ... à l’heure où la négativité reste trop élevée.
- Or, la BdC aura besoin d’un peu d’aide dans ses prévisions.
- Le débat sur une surbaisse est toujours largement tributaire des données.
- Les marchés ont fait fi des données du Canada et des États-Unis.
- Les données américaines laissent généralement entendre que la Fed est prudente…
- ... en prévision de la publication des nouveaux emplois demain.
- PIB canadien, évolution en % sur un mois, en données désaisonnalisées, août 2024
- Données réelles : 0,0
- Scotia : -0,1
- Consensus : 0,0
- Auparavant : 0,1 (révisées à partir de 0,2)
- Pronostic « éclair » du PIB de septembre : +0,3
L’économie du Canada a clôturé le T3 sur une note plus ferme qu’attendu. Or, dans ses prévisions sur la croissance pour le S2 de 2024, la Banque du Canada aura besoin de beaucoup d’aide pour les réaliser. C’est loin d’être impossible. Or, le débat qui se donne libre cours sur l’assouplissement continu de la politique, ce qui comporte un risque de surbaisse, continuera de prioriser la publication massive des données d’ici la décision que rendra la BdC le 11 décembre.
Avant de parler des chiffres, permettez-moi d’attirer votre attention sur le graphique 1. On pourrait croire qu’en raison de tout le pessimisme qui règne, l’économie canadienne est en train de caler. Balivernes. Foutaises. L’économie pourrait mieux se porter; or, les hausses de taux de l’ordre de 5 points de pourcentage n’ont pas causé de récession, n’ont pas fait plonger le PIB et ont permis de rester sur la voie d’une légère expansion. La croissance fait moins bien que l’expansion de la colonne de l’offre, ce qui explique en partie la désinflation et les baisses de taux. L’économie pourrait faire mieux. Elle n’est pourtant pas en mode de crise, et je continue de croire que la présidentielle américaine et les risques externes s’inscrivent dans une toile de fond par ailleurs constructive pour l’expansion du secteur des ménages en 2025-2026.
Essentiellement, le pronostic éclair de Statistique Canada pour le PIB laisse entrevoir une croissance de 0,3 % sur un mois pour août. Le chiffre de 0 % sur un mois en données désaisonnalisées pour août correspondait au précédent pronostic de Statistique Canada, selon lequel le mois restait « essentiellement inchangé », ce qui est un peu mieux que ce que j’avais prévu. Si août a été un peu plus vigoureux que ce que j’avais prévu, c’est seulement parce que malheureusement le taux de croissance de juillet, soit 0,2 % sur un mois, a été révisé légèrement à la baisse d’un cran, ce qui donne un meilleur point de départ pour un rebond du PIB d’août, soit 0 % au lieu de ‑0,1.
Tout ceci donne un suivi de la croissance du PIB de l’ordre de 1 % pour le T3 dans l’ensemble de la solide croissance de septembre, une croissance nulle pour août et une croissance plus faible que celle qui avait été présumée en juillet, mais accompagnée de fortes réserves (graphique 2). La prévision de croissance de la BdC pour le PIB du T3, soit 1,5 %, fait appel au concept différent du PIB calculé selon les dépenses (par rapport aux résultats mensuels calculés selon la production). Les différences peuvent paraître dans l’apport des stocks et de la balance commerciale nette à la croissance, ce que la colonne des dépenses capte plus facilement. Le PIB calculé selon les dépenses permet essentiellement de savoir comment on a réussi à hausser les revenus, notamment en ajoutant ou en diminuant les stocks et en tenant compte des changements dans le fuitage des importations. Autrement dit, on ne peut pas vraiment dire que le pronostic de la BdC est trop ambitieux, puisque les données sur les échanges commerciaux et sur les stocks sont incomplètes.
Le PIB canadien pour le T4 comprend un acquis de croissance de 0,8 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé. Ce concept estime l’effet de l’élan sous la forme de l’acquis calculé pour le T4 avant de prendre connaissance des données effectives du T4. Ce qui laisse entendre que le PIB du T4 a été léthargique au début du trimestre; or, la situation aurait facilement pu être pire, n’eût été la hausse du pronostic éclair de septembre.
Le graphique 3 donne la répartition de l’apport des secteurs dans le PIB d’août. Les gains comptabilisés dans cinq secteurs environ compensent les pertes dans trois autres secteurs; il n’y a guère eu de variations dans les autres secteurs.
Statistique Canada ne fait pas la répartition de l’estimation éclair pour septembre; or, dans son discours prévisionnel, il précise que « les hausses dans la finance et l’assurance, la construction et le commerce de détail ont été en partie effacées par les baisses dans l’extraction minière et pétrogazière, l’exploitation en carrière, le pétrole et le gaz ». Il ne fait aucun doute qu’une partie du rebond s’est aussi déroulée depuis le creux des incendies de forêt et des grèves du mois précédent.
Quel chemin prendra la BdC d’ici sa réunion du 11 décembre? Même si son parcours est toujours largement tributaire des données, nous pouvons nous avancer très provisoirement et dire que la BdC a besoin d’un peu d’aide des statistiques pour réaliser sa prévision de 2 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé pour le T4 et de 1,5 % pour le T3. Si elle n’obtient pas cette aide, elle sera confrontée à une capacité excédentaire supérieure à celle qu’elle attendait jusqu’à la fin de l’année, ce qui soulève de nouvelles inquiétudes à propos du sous‑ciblage de la cible inflationniste de 2 % et ce qui pourrait maintenir le risque de surbaisse.
Ceci dit, il y a deux cycles de chiffres sur la population active, un rapport sur l’IPC, d’autres données sur le PIB pour le T3 et le chiffre préliminaire d’octobre, la présidentielle américaine et la Fed, entre autres, tous en prévision de la décision que prendra la BdC le 11 décembre. Enlevons donc nos chapeaux en aluminium de conspirationnistes : il s’agira de traquer patiemment les données et l’évolution de la conjoncture.
Par ailleurs, nous disposons désormais d’un point de repère par rapport auquel on peut intensifier le suivi de la croissance du PIB en septembre. Le graphique 4 nous apprend que le pronostic éclair se déroule assez bien dans le temps, qu’il y a des surprises dans les deux sens et qu’il faut apporter à ce pronostic une révision moyenne de 0,1 % sur un mois, depuis qu’on a commencé à publier ces pronostics et ne rien changer si on exclut les premières années les plus volatiles lorsqu’on a commencé le suivi en 2022.
LES STATISTIQUES AMÉRICAINES
Une salve de rapports américains a été constructive pour le suivi de la croissance; or, le suivi de l’inflation sous‑jacente envoie un signal prudent au FOMC.
Voici ce qui s’est passé avant de parler des interventions de la Fed.
- Essentiellement, l’inflation des DCM de base a crû de 0,25 %, ce qui a été essentiellement arrondi à 0,3 % sur les écrans, alors que l’inflation du mois précédent a été révisée à la hausse à 0,2 %, chiffre qui a été arrondi à partir du résultat de 0,16 % sur un mois en données désaisonnalisées. Ce résultat est nettement supérieur à ceux qui ont été publiés auparavant; or, selon la légère tendance récente, tout indique qu’il faut être très prudent avant de déclarer victoire sur l’inflation (graphique 5). Les prix des services essentiels (à terme) sont un facteur clé qui porte une partie de cette récente tendance haussière (graphique 6).
- En outre, l’indice du coût de l’emploi a gagné 0,8 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en chiffres non annualisés (consensus de 0,9 %; 1,0 % pour la Scotia), ce qui n’est pas une tendance légère, même si elle est un brin plus légère qu’escompté. La tendance est nettement orientée à la baisse; toutefois, le rythme annualisé de 3,2 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé reste supérieur à la cible inflationniste de 2 % du FOMC (graphique 7).
- De concert avec les données sur les prix et sur les coûts, tout porte à croire que la croissance est bien orientée. Les dépenses de consommation ont augmenté de 0,5 % sur un mois en données désaisonnalisées et en chiffres non annualisés en septembre (consensus et Scotia : 0,4 %); elles ont été révisées à la hausse à 0,3 % sur un mois en données désaisonnalisées en août par rapport à 0,2 %. Nous connaissons aujourd’hui la répartition mensuelle du gain de consommation déclaré hier pour le T3, soit 3,7 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé, et le calcul de l’acquis sur le T4 est utile. Puisque nous n’avons pas encore de données pour le T4, les dépenses de consommation réelles aux États-Unis inscrivent déjà un gain de 1,2 point de pourcentage sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé pour l’acquis. Vivement la saison des emplettes des Fêtes!
- Enfin, les demandes initiales hebdomadaires de l’assurance-chômage sont retombées à 216 000 la semaine dernière contre 228 000 la semaine précédente. On peut donc croire que le marché du travail reste vigoureux.
Les marchés n’ont guère réagi aux données américaines publiées, essentiellement parce que les données publiées réaffirment largement les attentes vis-à-vis d’une baisse d’un quart de point dans la décision du jeudi 7 novembre (plutôt que le mercredi à cause de la présidentielle américaine du mardi).
Les variables du double mandat éloignent la perspective d’une surbaisse. La création d’emplois non agricoles de septembre a été solide (+254 000), même s’ils ont été faussés par un facteur de désaisonnalisation étonnamment élevé. Les DCM de base pour septembre se sont accélérées en raison des révisions à la hausse.
Et pourtant, Jerome Powell reprendra probablement ce qu’il entrevoit comme des signes d’un rééquilibrage de la demande agrégée et de l’offre agrégée, qui justifient une posture moins restrictive et un pronostic prudent.
À mon avis, il est improbable que les données qui seront publiées demain sur les nouveaux emplois aient beaucoup d’importance, en partie à cause de la composition et de leurs facteurs porteurs.
1. La Fed envisagerait un choc transitoire des ouragans et des grèves sur la croissance de l’emploi; ces ouragans et grèves entravent l’embauche et l’acceptation des emplois. Les statistiques nous apprennent que les données sur la création d’emploi dans le prochain mois ou les deux prochains mois rebondiront vigoureusement. Et la Fed explique toujours que des disruptions comme la politique monétaire ne peuvent rien contre les tempêtes qui se sont produites et que les mauvaises nouvelles s’annulent dans les efforts de reconstruction.
2. Or, si les données sur la création d’emploi sont vraiment aussi vigoureuses que celles qu’a publiées ADP et malgré les tempêtes et les grèves, il s’agit d’une tout autre affaire. Il faut aussi surveiller demain la publication des chiffres saisonniers, puisque le facteur de désaisonnalisation d’octobre sera lui aussi probablement élevé et qu’il y a donc énormément de facteurs contradictoires pour l’annonce sur les nouveaux emplois. Les facteurs de désaisonnalisation souffrent d’un parti pris de récence puisqu’ils sont estimés selon une méthode qui est faussée en fonction des trois années les plus récentes; autrement dit, la croissance de l’emploi de la première année a tendance à être surcomptabilisée, à être sous-comptabilisée en été, puis à être de nouveau surcomptabilisée maintenant en raison du calendrier des bouleversements causés par la pandémie.
J’ai estimé que les nouveaux emplois s’établiront à 95 000 demain. J’ai un peu moins confiance que ce chiffre sera aussi faible après qu’ADP ait télégraphié une probabilité de 10 % que les emplois non agricoles ressortent aux alentours de 100 000 ou moins, mais non beaucoup moins. Je crois que les heures de travail vont porter le fardeau des chocs d’octobre, qui devraient être négatifs pour le prochain rapport sur les revenus des particuliers à publier dans un mois.
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