- L’IPC fondamental s’est accéléré pour un quatrième mois d’affilée.
- Les facteurs de désaisonnalisation continuent de fausser les données…
- ... ce qui nous amène à nous demander pourquoi le Jerome Powell que nous avons connu en juillet a depuis disparu.
- La demande excédentaire et les changements dans les politiques américaines vont probablement continuer de faire frémir l’inflation fondamentale.
- IPC américain/IPC fondamental, évolution en % sur un mois, octobre 2024, en données désaisonnalisées :
- Données réelles : 0,24/0,28
- Banque Scotia : 0,2/0,3
- Consensus : 0,2/0,3
- Mois précédent : 0,2/0,3
Aux États-Unis, l’inflation fondamentale s’est ralliée au consensus, et à 0,3 % sur un mois en données désaisonnalisées, elle est encore trop élevée pour atteindre les objectifs du FOMC. Les estimations ont été en plein dans le mille, elles ont quand même précipité une remontée des taux, de sorte que les contrats à terme sur les fonds fédéraux ont renchéri de 5 points de base l’anticipation d’une baisse en décembre, qui s’établit aujourd’hui à 18 sur 25 points de base, et ce qui a fait baisser de 11 points de base le rendement des bons du Trésor à 2 ans.
Pourquoi? Les deux marchés étaient prêts pour la surprise à la hausse qu’une faible minorité du consensus avait estimée, et parce que cette surprise ne s’est pas produite, les acteurs du marché ont bondi sur l’occasion en amont. Ou encore, ils ont écouté le président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, qui est intervenu tout de suite après le communiqué de presse — à tort, selon moi — pour déclarer qu’il ne croyait pas que l’inflation était empêtrée au‑dessus de la cible des 2 %, alors qu’elle paraît certainement l’être.
Toujours est‑il que le communiqué même est avare d’information. Avant la communication du FOMC le 18 décembre, on pourra prendre connaissance d’un autre rapport sur l’IPC le 11 décembre, d’un autre rapport sur les DCM le 27 novembre, des salaires non agricoles le 6 décembre, des révisions du PIB du troisième trimestre le 27 novembre, du dénouement des résultats des emplettes des Fêtes le Vendredi fou et le Cyberlundi, et sans nul doute du complément d’information sur les risques des politiques américaines dans la foulée du scrutin.
Les détails
À 0,3 % sur un mois en données désaisonnalisées, l’IPC de base n’a guère pu compter sur les effets de l’arrondissement, puisqu’il s’est chiffré à 0,28 % sur un mois en données désaisonnalisées. Quant à l’interprétation des DCM fondamentales, je crois qu’il faut s’attendre à un autre résultat de l’ordre de 3 % sur un mois, en données désaisonnalisées et annualisées, le 27 novembre, après le chiffre de 3,1 % sur un mois, en données désaisonnalisées et annualisées, en septembre.
Sur un an, l’IPC a gagné 2,6 %; l’IPC fondamental, sauf les aliments et l’énergie, a décollé de 3,3 %.
Toujours est‑il que pour un troisième mois d’affilée, nous avons effacé le passage à vide temporaire de l’IPC (graphique 1). Sur un mois en données désaisonnalisées et annualisées, l’IPC fondamental est passé de 2 % en mai, de 0,8 % en juin et de 2 % en juillet à 3,4 %, 3,8 % et 3,4 %, respectivement, en août, septembre et octobre. La moyenne mobile sur trois mois se situe aujourd’hui à 3,5 % sur un mois en données désaisonnalisées et annualisées.
Il s’agit d’un regain considérable par rapport au passage à vide temporaire de mai à juillet (graphique 2), et c’est la cinquième fois qu’un passage à vide donne lieu à des pressions renouvelées.
Les facteurs de désaisonnalisation ont ici joué le rôle auquel on s’attendait. Le facteur de désaisonnalisation fondamental d’octobre s’est établi à 0,999714. Dans les cinq dernières années comprises entre 2020 et 2024, les facteurs de désaisonnalisation ont atteint leur plus haut dans les annales pour tous les mois d’octobre (graphique 3). Leur mode de calcul accuse un parti pris permanent de récence. S’ils ont sous‑joué l’inflation durant l’été, les facteurs de désaisonnalisation la surjouent aujourd’hui.
Une façon de corriger les distorsions des facteurs de désaisonnalisation consiste à lisser les données. Pendant la conférence de presse de juillet, le président Jerome Powell a déclaré qu’il se penchait sur les données lissées de toute l’année parce qu’il avait connaissance des distorsions des facteurs de désaisonnalisation qui surcomptabilisaient l’inflation au début de l’année, pour ensuite la sous‑comptabiliser, puis la surcomptabiliser encore. Voici ce qu’il a déclaré dans cette conférence de presse. Je n’ai fait qu’y ajouter mon commentaire de rédacteur pour remettre cette citation en contexte :
« Si ce n’est que la saisonnalité qui a fait augmenter l’inflation auparavant, c’est que l’inflation a été plus forte à la fin de l’année et qu’elle a produit les problèmes contraires de désaisonnalisation. [Note de la rédaction : Contraire par rapport aux chiffres anémiques de mai et de juin qu’il a évoqués dans cette conférence de presse.] C’est pourquoi nous analysons l’inflation sur 12 mois. »
De même, il savait à l’époque que les facteurs de désaisonnalisation venaient fausser l’inflation, en l’augmentant au début de l’année, en l’abaissant, puis en l’augmentant probablement à nouveau vers la fin de l’année. Il a déclaré que la solution consistait à lisser les données, mais il a renoncé à cette logique et a abaissé les taux de 50 points de base dès la salve d’ouverture, en adoptant un discours conciliant. Il a eu tort de le faire, et toute cette décision revient aujourd’hui le hanter.
Nous devons donc lisser les données. Pour l’IPC fondamental sur un mois, la moyenne depuis le début de l’année s’établit aujourd’hui à 3,3 % sur un mois, en données désaisonnalisées et annualisées, ce qui vient effacer toutes les distorsions du facteur de désaisonnalisation sur l’ensemble de l’année. La moyenne mobile sur six mois ne se redresse pas intégralement pour tenir compte de ces distorsions parce qu’elle exclut la première partie de l’année; elle se situe à 2,6 % sur un mois, en données désaisonnalisées et annualisées. La moyenne mobile sur trois mois s’inscrit à 3,5 %, ce qui ne donne encore là qu’une idée partielle des effets des distorsions du facteur de désaisonnalisation.
L’essentiel de ce passage à vide cède la place à un rebond grâce aux services fondamentaux. La hausse des prix des véhicules d’occasion et des prix des logements y a concouru; or, ce sont les services fondamentaux qui ont porté l’évolution à la hausse. En octobre, l’IPC des services fondamentaux (soit les services sauf le logement et l’énergie) a gagné 0,3 % sur un mois, ce qui prolonge la séquence des hausses à trois d’affilée, après les gains de 0,4 % en septembre et de 0,3 % en août (graphique 4). L’explosion des prix des services récréatifs, des billets d’avion, des services dans les hôpitaux et des services financiers, entre autres, fait partie des facteurs qui ont porté ces hausses.
Pour renchérir encore l’inflation des prix des services fondamentaux, l’inflation du logement s’est relevée en gagnant 0,4 % sur un mois en données désaisonnalisées, contre 0,2 % le mois précédent. Les loyers des résidences principales ont encore gagné 0,3 % sur un mois en données désaisonnalisées; toutefois, les loyers équivalents des propriétaires se sont accélérés (de 0,4 % sur un mois en données désaisonnalisées contre 0,3 % le mois précédent).
Les prix des biens fondamentaux n’ont essentiellement pas bougé cette fois, à 0 % sur un mois en données désaisonnalisées (graphique 5).
Tous ces points signifient qu’il est inexact de prétendre que l’économie américaine est soumise à une pression déflationniste vaste et continue. Les chiffres ont décroché de leurs pics, mais de peu, et reprennent de la vigueur après un passage à vide transitoire.
Les graphiques 6 à 9 font état des changements non pondérés et des apports pondérés à l’IPC par constituante, sur un an et sur un mois.
À quoi faut‑il s’attendre maintenant, compte tenu de l’augmentation de l’inflation fondamentale? Puisque la demande agrégée aux États-Unis est excédentaire et que l’écart de production est positif (graphique 10), et en raison des politiques inflationnistes, la situation est probablement appelée à perdurer en fonction des données lissées. Publiquement, les banquiers centraux diront toujours que rien ne change, qu’il n’y a rien à voir ici et qu’ils ne s’adapteront que lorsqu’ils connaîtront les changements dans les politiques et que ces changements auront été mis en œuvre, puisqu’ils ne souhaitent pas être forcés à spéculer sur les changements dans les politiques ou à se distraire de leur mandat et à marcher sur d’autres plates-bandes. C’est ce qui mène à deux résultats, comme je l’ai écrit la semaine dernière. Premièrement, il y aura toujours des décalages parce qu’on commettra des faux pas monétaires qui interviendront au plus mauvais moment et qui se dérouleront en série. Deuxièmement, en privé, il est tout à fait probable que les différents membres du FOMC réfléchissent aux révisions à apporter aux projections de la synthèse des prévisions économiques de décembre, dont le tracé en pointillé.
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