• Les baromètres privilégiés de la BdC pour l’inflation fondamentale ont à nouveau étonné à la hausse.
  • Cette baisse des rendements des marchés à court terme ne rend pas fidèlement compte des chiffres.
  • Effectivement, les taux d’intérêt hypothécaires et les concerts n’ont pas porté les baromètres fondamentaux.
  • Voici pourquoi les chiffres ne comptent tout simplement pas.

L’inflation au Canada a envoyé à l’ensemble de la direction de la Banque du Canada un autre coup de semonce. Les marchés n’en ont pas tenu compte et ont mal réagi en portant légèrement à la baisse les rendements à court terme au Canada après la publication du communiqué. S’ils l’ont fait, c’est parce qu’ils ont interprété les chiffres différemment du sens que je leur donne dans cette note ou parce que dans le plan d’ensemble, le compte rendu d’aujourd’hui ne compte vraiment pas pour beaucoup. Pourquoi? Il y aura un autre rapport sur l’IPC en janvier avant que la BdC rende sa décision le 29 janvier, soit le jour même de la décision du FOMC et neuf jours après l’investiture du nouveau président des États-Unis. C’est alors que nous constaterons que les guerres tarifaires auront vraiment été lancées. Ce sont les problèmes qui comptent vraiment et qui s’inscrivent dans le contexte de la vive incertitude politique. L’IPC? Pas vraiment.

Essentiellement, les deux indices de l’inflation fondamentale privilégiés de la BdC ont à nouveau explosé. Et non, ce n’est ni à cause de la prise en compte des taux d’intérêt hypothécaires dans l’un de ces baromètres, ni à cause de Taylor Swift.

L’IPC en moyenne tronquée s’est envolé de 3,5 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé. L’IPC en médiane pondérée a gagné 4 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé. Dans l’ensemble, la moyenne a augmenté de 3,75 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé.

C’est encore trop explosif. Les moyennes mobiles sur trois mois de ces baromètres s’établissent aujourd’hui à 3,5 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé dans un cas comme dans l’autre. Ces moyennes s’accélèrent, non seulement ponctuellement, mais aussi tendanciellement depuis quelques mois (graphique 1). Ce qui était le baromètre fondamental de prédilection de la BdC — en excluant seulement l’alimentation et l’énergie — s’est fortement ralenti (graphique 2), et il en a été de même de l’IPCX et de l’IPC en excluant huit des constituantes les plus volatiles.

Graphique 1 : Les baromètres fondamentaux privilégiés de la BdC; Graphique 2 : L'inflation fondamentale au Canada

Les baromètres privilégiés de la BdC nous apprennent que les pressions inflationnistes fondamentales restent nettement supérieures à la cible de 2 % de la BdC à la rigueur, ce qui est important. C’est la raison pour laquelle il ne faudrait pas tenir compte du chiffre de synthèse de l’IPC sur un an, soit 1,9 % sur un an, ce qui est légèrement inférieur au consensus, mais supérieur au chiffre que j’avais estimé. En définitive, c’est l’évolution de l’inflation fondamentale qui guide l’inflation de synthèse du point de vue de ce que la politique monétaire a la meilleure occasion de maîtriser grâce aux pressions qui s’exercent sur les prix, et il faut évaluer ces pressions selon des conditions sur un mois de plus grande fréquence à la rigueur.

Les services ont en général mené le bal, puisque l’IPC des biens hors alimentation et énergie s’est ralenti (graphiques 3 et 4).

Graphique 3 : Inflation des services canadiens; Graphique 4 : L'inflation des biens au Canada

On a bien relevé quelques bizarreries statistiques. Or, elles n’ont pas eu d’importance, même si elles ont été divertissantes. Il ne faudrait surtout pas la critiquer, mais Taylor Swift et ses concerts expliquent probablement le bond sur un mois de 11 % dans l’hébergement des voyageurs en Ontario. Or, dans l’ensemble, les services de voyages ont été exclus du baromètre en moyenne tronquée dans la tranche supérieure de 20 % de la répartition. Il faut aussi réduire cette hausse selon la pondération de l’Ontario.

Deuxièmement, les taux d’intérêt hypothécaires ont légèrement mêlé les cartes, mais non suffisamment pour avoir vraiment de l’importance. Les taux d’intérêt hypothécaires étaient pour la première fois inclus dans l’IPC en moyenne tronquée, non seulement depuis l’ère pandémique, mais même avant (graphique 5). Autrement dit, ils n’augmentent plus assez rapidement pour être exclus. Cette fois, il n’a pas été éradiqué dans la tranche supérieure de 20 % de la répartition pondérée des prix dans l’ensemble du panier de l’IPC. En appliquant la pondération de 5,4 % du panier à la hausse de 0,6 % sur un mois en données désaisonnalisées, le bond de 7,1 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé des taux d’intérêt hypothécaires a apporté en chiffres pondérés 0,6 point de pourcentage à la hausse de 3,5 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé dans l’ensemble de l’IPC en moyenne tronquée. C’est pourquoi la trimoyenne aurait été de 2,9 % sans les taux d’intérêt hypothécaires, ce qui est encore trop explosif. 

Graphique 5 : Constituantes unimensuelles de novembre comprises et exclues dans le baromètre de l'IPC-tronqué de la Banque du Canada

Et puisque les taux d’intérêt hypothécaires ne s’inscrivaient pas dans le prix pondéré du 50e percentile dans l’ensemble du panier, il ne s’agissait pas du chiffre inflationniste en médiane pondérée.

Tout ceci pour dire qu’en excluant les taux d’intérêt hypothécaires, la moyenne de la trimoyenne et de la moyenne pondérée en chiffres inflationnistes a été de l’ordre de 3,5 % sur un mois en rythme désaisonnalisé et annualisé, et ni l’un ni l’autre de ces chiffres n’a été touché par les concerts.

Les frais de logement ont à nouveau augmenté, essentiellement parce que la hausse des loyers d’après le coût de remplacement des propriétaires — portée par les prix des constructeurs — a été ralentie le mois dernier (graphiques 6 à 8).

Graphique 6 : Les frais de logement au Canada; Graphique 7 : Les loyers au Canada; Graphique 8 : IPC canadien : Coût de remplacement par le propriétaire

Les transports ont plus augmenté que ce que j’avais cru, en raison d’une autre hausse des prix des véhicules, alors que les prix des billets d’avion ont affiché un modeste gain (graphiques 9 à 13).

Graphique 9: IPC canadien : Transport; Graphique 10 : IPC canadien : Achat privé de voitures particulières; Graphique 11 : IPC canadien : Essence; Graphique 12 : IPC canadien : transport aérien
Graphique 13 : IPC canadien : Prix des aliments

Les prix des vêtements se sont ralentis après avoir bondi dans le mois précédent (graphique 14), et l’IPC non désaisonnalisé a fait du surplace, alors que l’IPC fondamental non désaisonnalisé a perdu –0,1 % sur un mois en chiffres non désaisonnalisés. Hormis ces facteurs, le reste du rapport est toutefois nettement plus explosif que ce à quoi je m’attendais.

Graphique 14 : IPC canadien : Vêtements et chaussures

Nous invitons aussi le lecteur à consulter les graphiques 15 et 16, qui font la répartition des constituantes sur un an en chiffres non pondérés en pourcentage et des apports pondérés à l’IPC, ainsi que les graphiques 17 et 18, qui font de même pour les constituantes sur un mois.

Graphique 15 : Évolution sur 12 mois des catégories détaillées en novembre de l'IPC canadien; Graphique 16 : Évolution sur 12 mois des catégories détaillées en novembre de l'IPC canadien
Graphique 17 : Évolution mensuelle des catégories détaillées en novembre de l'IPC canadien; Graphique 18 : Évolution mensuelle des catégories détaillées en novembre de l'IPC canadien

Enfin, je vous invite à prendre connaissance du tableau détaillé complémentaire, ainsi que des autres micrographiques et baromètres.

Revenons maintenant sur ce qui compte vraiment.

Tableau : RÉPARTITION DES CONSTITUANTES DE L'INFLATION CA
Tableau : RÉPARTITION DES CONSTITUANTES DE L'INFLATION CA