- La croissance de l’emploi a nettement surpassé les attentes…
- … et la tendance reste explosive.
- Le taux de chômage a évolué à la baisse malgré la forte croissance de la population et du nombre de travailleurs actifs.
- La croissance des salaires a rebondi.
- Les heures de travail ont décollé en décembre malgré les grèves…
- … et un T4 sans entrain laisse entrevoir un rebond des heures favorable au PIB au T1.
- N’eussent été que des emplois, la BdC ne bougerait pas…
- … or, de l’information plus importante pointe à l’horizon sur les tarifs et la réaction du Canada.
- Les marchés ont porté les rendements à la hausse, en réduisant les attentes de la BdC, alors que le dollar CA s’illustre.
- Les emplois au Canada sur un mois, en milliers/taux de chômage en %, décembre, en données désaisonnalisées, décembre
- Résultats réels : 90,9/6,7
- Banque Scotia : 15/6,7
- Consensus : 25/6,9
- Auparavant : 50,5/6,8
Le marché canadien de l’emploi continue de se déchaîner : la croissance de l’emploi a fait exploser les précédentes attentes de tous. Nous invitons le lecteur à prendre connaissance des faits saillants dans le graphique 1 et dans le tableau de synthèse ci‑dessus. Il n’y a pas d’autres moyens de décrire la réalité. Si la situation du marché de l’emploi était le seul facteur important à ses yeux, la BdC aurait mis de côté toutes les discussions sur une nouvelle détente des taux. Ce n’est évidemment pas le seul facteur qui compte, comme nous allons probablement le constater assez tôt. Mais pour l’heure, on ne peut que parler d’une quelconque faiblesse du marché de l’emploi. Les analystes qui ont porté ce discours manquent simplement de rigueur.
Comment décrire autrement un marché qui a permis de créer 91 000 nouveaux emplois en chiffres nets dans le mois écoulé, 156 000 nouveaux emplois dans les trois derniers mois, 222 000 dans les six derniers mois, et le prodigieux chiffre de 413 000 emplois pour l’ensemble de 2024?
La composition de cette hausse est elle aussi très impressionnante. Je vais revenir sur les détails de décembre. Or, les tendances laissent entrevoir de solides chiffres sur l’embauche pour les salaires du secteur privé (+53 000 sur trois mois, +111 000 sur six mois et +191 000 pour toute l’année) comme pour ceux du secteur public (68 000 sur trois mois, 77 000 sur six mois et 159 000 sur l’ensemble de l’année) de même que pour le travail autonome (34 000 sur trois mois, autant sur six mois et 64 000 pour l’ensemble de l’année). Les données sur les emplois salariés sont tendanciellement « plus précises » que celles du travail autonome à mon avis. Le nombre de fonctionnaires ne bouge aujourd’hui presque plus (‑13 000 sur trois mois, aucune variation sur six mois, mais toujours en hausse de 159 000 pour l’année).
LES RENDEMENTS MONTENT!
Les effets conjugués des solides gains de l’emploi au Canada et aux États-Unis, où le nombre d’emplois salariés a crû de 256 000, ont fait exploser les marchés obligataires. Le rendement à 2 ans des obligations du Canada a gagné 11 points de base dans la séance, ce qui correspond jusqu’à maintenant au dégagement des bons du Trésor américain. Dans l’ensemble, la courbe des obligations du Canada évolue à la hausse, notamment pour les obligations à 10 ans, alors que les bons du Trésor américain ont progressé de 5 points de base et que les obligations du Canada ont augmenté de 7 points de base. Le rendement à 5 ans des obligations du Canada — essentiel pour le marché du crédit hypothécaire à taux fixe — a monté de 10 points de base pour s’inscrire à 3,14 %. Le dollar CA fait bonne figure par rapport au dollar US et surclasse dans l’ensemble toutes les autres grandes monnaies, sauf le yen. Les titres boursiers n’aiment pas cette bonne nouvelle, qui est en fait une mauvaise nouvelle, puisque le TSX et le S&P 500 ont tous deux flanché de plus de 1 % dans la séance.
Pourquoi? Parce que les marchés parient moins sur une détente monétaire de la BdC et de la Réserve fédérale. Les marchés ont rogné 3 points de base sur les cours boursiers pour la réunion du 29 janvier; or, ils penchent aujourd’hui pour une baisse anticipée de 17 points de base sur 25. Tout dépend essentiellement des nouvelles qui seront annoncées, notamment dans l’éventualité dans laquelle la nouvelle administration américaine applique les tarifs douaniers annoncés et la réaction du Canada. Les marchés ont aussi rogné environ 12 points de base sur l’assouplissement cumulatif des taux cette année et parient désormais sur une baisse de moins de 50 points de base des taux de la BdC en 2024 par rapport à nos prévisions actuelles pour une seule autre baisse. Cette éventualité sera elle aussi beaucoup mieux éclairée par le cours des événements qui se dérouleront dans un terme relativement proche. Si le Canada ne riposte pas aux tarifs américains, la BdC abaisserait davantage ses taux; une riposte importante du Canada à l’encontre des tarifs douaniers américains pourrait enrayer la détente monétaire et même donner lieu à un nouveau durcissement de la politique. Nous modéliserons des scénarios intermédiaires quand nous aurons plus d’information dans le contexte d’une évolution fluide qui se déroule à vive allure.
Pourquoi la croissance de l’emploi aurait pu être encore plus forte que celle qui a été constatée
De surcroît, le gain du marché de l’emploi en décembre aurait pu être plus solide, n’eussent été du vaudou et des séances auxquelles a fait appel Statistique Canada pour calculer les facteurs de désaisonnalisation. Le graphique 2 fait état du facteur de désaisonnalisation de décembre, qui s’est inscrit au deuxième rang des facteurs de désaisonnalisation les plus faibles par rapport aux autres mois de décembre.
Le graphique 3 indique ce qu’aurait été la croissance de l’emploi si on avait fait appel à d’autres facteurs de désaisonnalisation compris dans la fourchette des derniers mois de décembre. Dans l’ensemble de la fourchette des facteurs de désaisonnalisation possibles pour un mois de décembre, le Canada aurait créé à concurrence de 190 000 emplois selon les autres scénarios des facteurs de désaisonnalisation représentés dans le graphique. Ce qui ne serait toutefois pas crédible pour une enquête sur les ménages dont l’intervalle de confiance de 95 % est titanesque : +/-57 000. Mieux vaut tasser le tout et éviter les questions embarrassantes! Ceci dit pour plaisanter, mais pas seulement.
Les salaires ont rebondi
Les salaires ont rebondi en inscrivant une hausse de 4,1 % en données désaisonnalisées et annualisées pour les employés permanents, après avoir baissé de 5,7 %, ce qui est une anomalie par rapport à la tendance qui s’inscrit dans la durée (graphique 4).
Les heures de travail ont été solides en décembre et la léthargie du T4 se transpose dans le rebond du T1
Les heures de travail ont gagné 0,5 % sur un mois en données désaisonnalisées, ce qui est une très bonne nouvelle pour le PIB de décembre, puisque le PIB est le résultat des heures de travail multipliées par la productivité des travailleurs. Ceci dit, les heures de travail n’ont pas bougé pour l’ensemble du T4 à +0,1 % sur un mois en données désaisonnalisées et annualisées (graphique 5). Les heures de travail de décembre auraient été encore plus solides — de même que celles de novembre — n’eût été une explosion des heures de travail perdues en raison des grèves (graphique 6). La manière dont le T4 s’est soldé pour les heures laisse entrevoir un redémarrage sur les chapeaux de roues au T1, grâce à un gain de 1 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et annualisées pour les heures de travail du T1 uniquement d’après la manière dont s’est soldé le T4 et selon la moyenne du T4 avant même de connaître les données réelles du T1.
Une ampleur impressionnante
L’ampleur du gain du marché de l’emploi a été impressionnante (graphique 7). Seuls quelques secteurs ont comptabilisé de légères baisses, et plusieurs autres ont inscrit des gains plus considérables.
Le taux de chômage évolue à la baisse
Le taux de chômage a reculé d’un cran, ce qui cadre avec mon estimation des valeurs aberrantes et ce qui est inférieur de deux bons dixièmes au consensus (graphique 8). En effet, le gain de 90 900 emplois a surclassé la hausse de 66 700 travailleurs actifs. Il s’est créé plus d’emplois que le nombre de candidats à la recherche d’un emploi. Ceci dit, je suis étonné par les gains soutenus de la taille de la population active, surtout dans la foulée de la progression de 138 000 travailleurs en novembre. C’est dire que 205 000 candidats de plus ont recherché du travail sur deux mois.
En effet, la croissance de la population a de nouveau été forte (+67 000), et essentiellement dans ce gain, la totalité du groupe d’âge des 15 ans et plus s’est intégrée dans la population active. La population a augmenté de 1,17 million d’habitants en 2024, soit un gain de 3,6 % sur un an pour l’ensemble de 2024. Cette progression reste énorme et d’envergure mondiale parmi les économies industrialisées comparables.
Il faut rappeler que je ne suis pas un apôtre de l’argument selon lequel la BdC doit abaisser les taux à cause de la hausse tendancielle du taux de chômage au fil du temps. La plus grande partie de cette hausse s’explique par le fait que l’ensemble des résidents temporaires (non permanents) a progressé beaucoup plus rapidement que l’emploi de ces résidents. Cette évolution s’explique par la politique trop conciliante sur l’immigration des résidents temporaires dans le bilan également constitué des étudiants internationaux, des travailleurs étrangers temporaires et des demandeurs d’asile (graphique 9). La politique se durcit, et nous devrions en constater les effets dans la baisse des employés temporaires en 2025. Aussi, pourquoi abaisser les taux pour donner du travail à plus d’employés temporaires s’ils sont moins productifs que d’autres, tout en surstimulant l’économie pour le reste de la population?
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