SYNTHÈSE
- Le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par les Russes a monopolisé l’actualité partout dans le monde, en plus de secouer les marchés mondiaux et de remettre en question les normes et les conventions géopolitiques établies.
- Du point de vue des prix des produits de base, le pétrole a tout de suite été le grand gagnant du conflit, compte tenu de la part de la Russie dans la production mondiale; nous nous attendons désormais à une hausse des valeurs et de la volatilité du brut, au moins à court terme.
- En février, les cours du cuivre, du nickel et de l’aluminium ont aussi inscrit des bonds considérables (graphique 1) : la Russie est un grand producteur de ces trois métaux. Or, la hausse du minerai de fer a été plus discrète en raison de la conjoncture contrastante en Chine.
- En février, les valeurs journalières de clôture des cours de l’or ont varié entre 1 792 et 1 936 $ US l’once; l’environnement macroéconomique est désormais plus favorable au métal jaune.
- Puisque le conflit ne semble pas vouloir prendre fin bientôt, il paraît probable que de fortes pressions feront monter les cours de la plupart des produits de base de l’univers que nous couvrons et que ces pressions seront supérieures à celles que nous avions pronostiquées dans nos prévisions de janvier 2022.
LA GUERRE ÉBRANLE L’ÉCONOMIE POLITIQUE MONDIALE
Le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a dominé l’actualité partout dans le monde, en plus de secouer les marchés mondiaux et de remettre en question l’ordre géopolitique établi. C’est pourquoi nous nous attendons à ce que le parcours assez bien synchronisé de la reprise économique, à l’heure où le variant Omicron est aujourd’hui maîtrisé, soit plus probablement plus cahoteux que ce que nous avions cru.
La conjoncture est très incertaine; au moment d’écrire ces lignes, nous nous attendons à ce que le conflit produise quatre grands chocs économiques, qui devraient tous perdurer dans une certaine mesure. Le premier choc est celui que produira le bond des cours des produits de base en raison des blocages de l’offre : la Russie est le troisième grand producteur de pétrole mondial et le deuxième grand producteur de gaz naturel dans le monde; l’Ukraine est un important exportateur de céréales. Le deuxième choc est celui que produiront l’incertitude économique et la volatilité des marchés boursiers dans la foulée d’une brèche dans les normes de l’après-guerre froide en ce qui concerne les frontières des États souverains : les indices de l’incertitude des politiques et de l’équité et le dollar US comme valeur refuge se sont relevés dans la foulée de l’invasion. Troisièmement, le grippage des circuits commerciaux en Europe viendra probablement renchérir les fléaux existants dans la chaîne logistique et l’inflation : l’IPC américain a atteint ce sommet depuis presque 40 ans en s’inscrivant à 7,5 % sur un an en janvier, avant que la guerre éclate. Quatrièmement, l’industrie aérienne et la demande de carburant d’aviation pourraient être frappées de plein fouet puisque les avions sont cloués au sol partout dans le monde.
Malgré les innombrables incidences de l’incursion pour l’économie réelle, nos hypothèses de base dans la politique monétaire sont inchangées pour l’instant. Les liens financiers entre la Fédération de Russie et le reste du monde sont plus limités depuis l’invasion de la Crimée en 2014, et nous nous attendons à ce que la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine continuent de se consacrer à la lutte contre l’inflation et à ce qu’elles relèvent toutes les deux leur taux directeur de 175 points de base en 2022. Pour le Canada, la vigueur de la croissance du PIB au T4 de 2021 — prédite grâce à notre modèle des actualités prévisionnelles — vient confirmer une hausse des taux cette semaine. Il va de soi que l’escalade mondiale du conflit en cours pourrait modifier nos prévisions.
LES SANCTIONS MULTIPLIENT LES INQUIÉTUDES ACTUELLES SUR L’OFFRE DE PÉTROLE ET SURVITAMINENT LES PRIX
Le pétrole est évidemment aujourd’hui le plus grand gagnant du conflit entre la Russie et l’Ukraine, et nous nous attendons cette année à un net relèvement des valeurs du brut et à un accroissement de la volatilité à court terme. Les indices repères du Brent et du WTI ont récemment franchi la barre des 100 $ US le baril pour la première fois depuis 2014 — année culminante du dernier super cycle des produits de base — et ces deux matières continuent de s’échanger à des valeurs qui frôlent cette barre. Puisque des sanctions ont été adoptées et que la fin de ce conflit n’est pas pour demain, nos prévisions de janvier 2022, à 70 $ US le baril pour le WTI et à 73 $ US le baril pour le Brent au S1 de 2022, ne sont plus viables. Les prévisions consensuelles médianes de Bloomberg supposent des cours de 76 $ US le baril pour le WTI et 78,50 $ US le baril pour le Brent cette année; les courbes à terme — qui ont basculé beaucoup plus considérablement depuis la fin de 2021 — laissent entendre que les valeurs monteront encore cette année et l’an prochain (graphique 2, page 1).
Du côté de l’offre, d’autres facteurs haussiers continuent de produire leurs effets. On craint toujours que l’OPEP+ ne puisse pas relever sa production à la hauteur des taux cibles, et nous nous attendons toujours à une rigueur cruciale dans le secteur des hydrocarbures de schiste américains, selon les prévisions des pétrolières. Ce dernier effet s’inscrit naturellement dans la foulée de plusieurs années de volatilité des cours des produits de base, même si la vigueur même des récents gains des valeurs du brut et l’augmentation de la probabilité des effets tenaces de ces gains comportent un potentiel de hausse des prévisions sur ce front.
Au Canada, les bonds des cours du pétrole viennent rehausser des perspectives qui sont déjà en train de s’améliorer dans les provinces productrices de pétrole. Le WCS suit généralement les indices du brut léger, qui ont passé la semaine dernière la barre des 80 $ US le baril pour la première fois depuis 2014; cette hausse des valeurs du brut intervient à l’heure où la production, l’investissement et la nouvelle capacité d’emport semblent déjà vouloir se relever. Au Canada, les investissements dans les infrastructures pétrogazières ont continué d’augmenter au quatrième trimestre de 2021, et la production albertaine de brut — même si elle s’est légèrement repliée en décembre 2021 — continue de se rapprocher d’un sommet absolu. Les premières projections paraissaient déjà prometteuses avant que les inquiétudes pointent sur l’offre : dans son budget de la semaine dernière (cf. notre analyse en cliquant sur ce lien), l’Alberta a révisé nettement à la hausse, en 2025, les investissements dans le secteur pétrogazier traditionnel — plus sensible aux mouvements de prix — (graphique 3), et l’enquête de Statistique Canada sur les intentions d’investissement pour 2022 permettent de constater qu’on s’attend à une forte hausse de 22 % dans les dépenses en immobilisations sectorielles.
LES GAINS DES MÉTAUX DE BASE SONT PLUS MODESTES; DE NOUVEAUX PICS SONT TOUJOURS POSSIBLES
En février, les cours du cuivre, du nickel et de l’aluminium ont inscrit des hausses considérables : il s’agit à nouveau d’un résultat compréhensible, puisque la Russie est un important producteur des trois métaux (graphique 4). Le nickel a atteint son plus haut depuis 2011, alors que l’aluminium a pulvérisé un record absolu. Les valeurs du zinc et du cuivre, pour lesquels la Russie représente une plus faible part de la production mondiale, ont augmenté plus modestement que les autres métaux de base. Les cours du métal rouge ont eux aussi progressé après que le Chili — premier producteur mondial de cuivre — ait publié des données confirmant la léthargie de sa production, qui peut s’expliquer par les travaux d’entretien des mines et la météo inclémente : les cours se sont établis à une moyenne supérieure à 4,50 $ US la livre pour la première fois depuis mai 2021, mois au cours duquel ils avaient établi un record absolu. Il va sans dire que tant que les inquiétudes perdurent sur l’offre russe, il y a un risque de hausse des prévisions de cours que nous avons établies pour ces métaux en janvier 2022.
Même si à la fin de février, les valeurs du minerai de fer ont évolué à la hausse en raison des craintes que fait peser le blocage de l’offre, leur progression s’est faite plus discrète à cause d’autres facteurs. Au début du mois, le gouvernement chinois a annoncé des enquêtes sur les stocks de minerai de fer et sur l’activité transactionnelle portant sur ce minerai; la nouvelle s’est enchaînée avec des frais de transactions pour certains contrats à terme et un plongeon d’environ 15 $ US la tonne. La production chinoise de l’acier — dont le minerai de fer est une matière d’amont importante — a elle aussi fléchi en janvier en raison des contingents en cours dans les émissions polluantes relativement aux Jeux olympiques d’hiver de Beijing (graphique 5). On avait espéré de meilleurs résultats après que les données de la fin de 2021 aient fait état d’un certain succès dans la maîtrise de la production et des niveaux de pollution. La Chine semble prête à rehausser encore ses dépenses d’infrastructures — grâce au financement apporté par les obligations à vocation spéciale qui n’ont pas d’incidence sur les chiffres de synthèse relativement à la dette de l’État — pour soutenir la reprise économique sur fond de ralentissement du secteur immobilier, ce qui est une meilleure nouvelle. L’État chinois apportera des précisions pendant le Congrès national populaire qu’il tient depuis le 5 mars, ce qui offre un potentiel de hausse dans la demande de l’acier et dans la consommation du minerai de fer à terme.
L’INCERTITUDE REHAUSSE L’OR COMME VALEUR REFUGE
En février, les valeurs de clôture journalière des cours de l’or ont varié entre 1 792 et 1 936 $ US l’once; l’environnement économique paraît aujourd’hui plus favorable pour le métal jaune. Les valeurs du lingot ont commencé à dériver à la hausse après qu’on ait déclaré que l’inflation américaine — à laquelle l’or sert de valeur refuge — avait atteint en janvier un sommet en près de 40 ans. L’or a ensuite bondi le 24 février lorsque les investisseurs se sont rués sur cette valeur refuge après que la Russie ait envahi l’Ukraine et que les spéculations se soient multipliées sur les possibilités que la Russie liquide ses réserves de lingots pour couvrir les coûts liés aux sanctions mondiales. L’or devrait rester bien étayé dans cet environnement d’incertitude plus forte que prévu, créée par le conflit géopolitique, de même que par l’appréciation des prix potentiellement plus forte qu’attendu.
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