LE MARCHÉ CANADIEN DU LOGEMENT : DÉFIER LES LOIS DE LA GRAVITÉ
RÉSUMÉ
En avril, les ventes de logements au Canada ont inscrit un prodigieux gain de 11,3 % (en données désaisonnalisées sur un mois), alors que les inscriptions ont progressé d’à peine 1,6 %. Les ventes enchaînent ainsi une troisième hausse consécutive — qui est aussi la plus importante — de concert avec une timide augmentation des inscriptions après deux mois consécutifs de baisses considérables. Cette progression propulse à 70,2 %, contre 64,1 % le mois précédent, le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions, indicateur de la tension du marché. Il s’agit d’un durcissement brusque et fulgurant de la conjoncture du marché, puisque ce ratio s’est normalisé en plongeant à des niveaux proches de sa moyenne à long terme de 55 % par rapport aux niveaux sans précédent atteints durant la pandémie. Le marché national du logement revient ainsi officiellement en territoire vendeur. De même, les mois d’inventaire ont continué d’infléchir les améliorations, qui ont décroché des creux sans précédent depuis l’automne 2021, en baissant pour le troisième mois d’affilée pour s’établir à 3,3 mois en avril — soit plus d’un mois et demi en deçà de sa moyenne à long terme.
La progression des ventes a été plutôt généralisée dans l’ensemble des marchés locaux que nous suivons, alors que la hausse des inscriptions a été limitée à des marchés moins nombreux. Les ventes ont augmenté dans 24 des 31 marchés locaux que nous suivons, en inscrivant des hausses particulièrement importantes sur les marchés de l’Ontario, menés par Toronto, qui a comptabilisé un bond mensuel de 27 %, puis par la Colombie‑Britannique. Barrie et Vancouver ont talonné Toronto avec des hausses de plus de 20 %, alors que 10 autres marchés de l’Ontario et de la Colombie‑Britannique, en plus de Calgary et d’Halifax, ont enregistré des augmentations mensuelles de plus de 10 %. Par contre, les inscriptions n’ont augmenté que dans 13 marchés locaux, alors que les ventes ont progressé dans 10 de ces marchés — ce qui laisse entendre que l’offre supplémentaire est absorbée immédiatement par la demande refoulée. Il y a maintenant 12 marchés en territoire vendeur, contre sept en mars.
Mesurés d’après l’indice des prix des propriétés (IPP) MLS, les prix ont décollé de 1,6 % (en données désaisonnalisées sur un mois) en avril. Il s’agirait de la deuxième hausse mensuelle consécutive, dans la foulée de 11 baisses mensuelles; la progression de mars a été révisée à la hausse pour passer de 0,2 % à 0,6 %. L’augmentation d’avril a été menée par les maisons unifamiliales (1,9 %), surtout le segment plus important des habitations à deux étages (2,3 %). Les appartements, qui ont été les seuls à s’illustrer en mars, ont talonné les autres segments en inscrivant des gains de prix en avril, même si ces gains ont été modestes à 0,5 %, alors que les habitations en rangée ont gagné 1,3 %. En tenant compte des résultats du mois, l’IPP MLS décroche encore des niveaux atteints avant la pandémie, qu’il dépasse maintenant de 32 %, ce qui réduit à seulement 14 % la correction dans le sillage du pic de mars 2022.
CONSÉQUENCES
On ne sait pas trop sur quel pied danser dans l’analyse du marché du logement, ou de quoi que ce soit d’autre dans la conjoncture économique actuelle : les bonnes nouvelles deviennent de mauvaises nouvelles, et inversement, et l’impact net produit sur le moral, les prix, les taux et l’économie est flou.
En avril, les ventes nationales de logements ont inscrit une hausse phénoménale dans les deux chiffres, après avoir enchaîné deux gains mensuels plus modestes en février et en mars. Il s’agit de la plus longue séquence de hausses consécutives depuis que le marché du logement a entamé sa phase de correction en février 2022, ce qui vient conforter la conviction que la correction du marché du logement est peut‑être prématurément terminée. Cette évolution coïncide avec une augmentation relativement négligeable des inscriptions, qui venait d’enchaîner deux baisses mensuelles importantes, ce qui a donné lieu à un redurcissement rapide de la conjoncture du marché et à une deuxième hausse mensuelle de l’IPP MLS.
Nous nous attendions à une stabilisation de l’activité du marché du logement et, finalement, à un relèvement de la demande et des prix, porté par la demande refoulée et par la forte augmentation de l’immigration, de concert avec l’offre limitée; or, l’ampleur et la rapidité de l’évolution apparente de la conjoncture dépassent nos précédentes attentes. Bien qu’on puisse penser que le marché est résilient et que les finances des ménages sont solides, cette conjoncture représente d’autres difficultés pour la Banque du Canada, qui tâche de ralentir l’économie et de ramener l’inflation sur sa cible de 2 %.
Chaque hausse mensuelle fait augmenter la probabilité que la correction soit terminée. À l’heure où ils entrevoient les signes d’une augmentation de l’activité et des prix, les acheteurs sont tentés de revenir précipitamment sur le marché avant que les prix remontent, ce qui fait peser une pression encore plus forte sur l’activité et sur les prix. C’est en partie ce qui explique les solides résultats d’avril, après deux mois de signes d’un relèvement de la demande. Certains acheteurs, qui n’avaient pas bougé parce que les taux augmentaient et que les prix baissaient ont pu cumuler suffisamment d’épargne pour une mise de fonds et étaient prêts à regagner le marché dès les premiers signes d’un fléchissement. S’il n’y a pas de hausse significative parallèle de l’offre, il y aurait à nouveau des déséquilibres sur le marché, ce qui effacerait certains gains constatés dans la dernière année alors que le marché et la conjoncture revenaient plus durablement à l’équilibre, ce qui a encore retardé l’amélioration à apporter à la conjoncture de l’abordabilité des logements. Et même si la hausse des ventes d’avril dans les deux chiffres peut laisser entendre qu’il faut s’attendre à des pressions plus lourdes, il faut tout remettre en perspective, puisque la hausse s’inscrit dans la foulée d’un niveau d’activité exceptionnellement faible par rapport aux moyennes statistiques. Avec les progrès des trois derniers mois, le niveau des ventes d’avril se situe toujours à 6 % de moins que la moyenne de 2000‑2019 pour ce mois, alors que le niveau des inscriptions d’avril s’établit à 26 % de moins que la moyenne à long terme du mois. Les autres gains dans la colonne des inscriptions du bilan du marché pourraient favoriser la progression de l’activité des ventes lorsque le marché absorbera les nouveaux stocks.
Compte tenu des niveaux statistiquement faibles de l’abordabilité en raison des prix toujours aussi élevés (graphique 1) et de la flambée des taux d’intérêt, il semble que le marché du logement défie les lois de la gravité, grâce à la demande refoulée et à la forte croissance de l’immigration et de la population, ainsi que du redurcissement de la conjoncture à l’heure où le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions progresse rapidement et alors que la baisse des taux hypothécaires fixes est appelée à peser sur les prix.
La dynamique de la population continuera de jouer un rôle prépondérant dans la détermination des résultats du marché du logement. À l’heure actuelle, le rythme de la croissance de la population est le plus fulgurant des 50 dernières années (graphique 2). Le gouvernement fédéral continue de hausser les cibles de l’immigration : il s’est engagé à accueillir plus d’immigrants économiques, ce qui a pour effet de muscler la croissance de la population et la demande. Même si cette progression a pour effet d’atténuer en partie les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur de la construction et dans l’ensemble de l’économie, dans un marché dans lequel l’offre est inférieure à la demande, on peut s’attendre à ce que cette conjoncture continue de peser sur les prix et sur l’abordabilité.
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