LE MARCHÉ CANADIEN DU LOGEMENT : PAS DE NOUVELLES, BONNES NOUVELLES?
RÉSUMÉ
En avril, les ventes de logements au Canada ont fléchi de 1,7 % (en chiffres désaisonnalisés sur un mois), alors que les nouvelles inscriptions ont augmenté de 2,8 %. Ce qui a fait baisser le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions, indicateur de la tension du marché, à 53,4 % (contre 55,9 % pour le mois précédent). Ce chiffre s’inscrit toujours dans la fourchette qui correspond, pour le marché national, à un territoire « équilibré » (soit tout ce qui est compris entre 45 % et 65 %); il est toutefois légèrement inférieur à sa moyenne à long terme de 55 %. On a comptabilisé 4,2 mois de stocks — ce qui est une amélioration par rapport à 3,9 mois en mars et ce qui correspond aux chiffres de novembre 2023 (avant que l’activité de décembre et de janvier vienne à nouveau surchauffer le marché). Si le chiffre de 4,2 mois représente toujours un mois de moins que la moyenne à long terme prépandémique de cet indicateur, soit 5 mois environ, il s’agit d’un sommet depuis la pandémie. Au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, dans l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador, les mois de stocks sont toujours compris entre 4 et 6 mois en deçà de leurs moyennes à long terme prépandémiques, alors qu’en Colombie-Britannique et en Ontario, les mois de stocks sont aujourd’hui de l’ordre de 10 jours de moins.
Parmi les 31 marchés locaux que nous suivons, 19 ont accusé une baisse des ventes. Peterborough a mené la baisse : les ventes d’avril ont plongé de 18 % par rapport à mars. Ce plongeon s’inscrit dans la foulée d’une baisse de 9 % en mars et de 13 % en février. Malgré cette importante séquence baissière, le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions de Peterborough ne s’est jusqu’à maintenant normalisé à la baisse que pour s’inscrire légèrement au-dessus de sa moyenne à long terme de l’ordre de 41 % (les prix ayant augmenté dans cette ville en mars et en avril). C’est Lethbridge qui a accusé la deuxième baisse en importance, soit -10 % (après une hausse de 6 % en mars); elle a été talonnée par la vallée du Fraser (-8 %); les 16 autres marchés ont inscrit des baisses de 6 % ou moins. Par contre, nous avons constaté une hausse des ventes de plus de 10 % à Sudbury (17 %), Regina (15 %), Saskatoon (13 %) et Moncton (12 %), et des hausses plus modestes (de 5 % ou moins) dans six autres marchés.
Les nouvelles inscriptions ont augmenté dans un peu plus de la moitié des marchés que nous suivons. Le nombre de propriétés nouvellement inscrites a augmenté de 25 % (en chiffres désaisonnalisés sur un mois) à Sudbury et de 12 % à 13 % à Barrie, dans la vallée du Fraser et à Halifax, ce qui a éclipsé les baisses plus modestes de 10 % et moins dans 14 marchés. Compte tenu de l’évolution des ventes et des inscriptions, sept marchés se sont installés en territoire acheteur (qui en regroupe maintenant huit au total) et trois se sont inscrits en territoire vendeur (neuf au total), ce qui donne 14 marchés en territoire équilibré en avril contre 24 en février.
Mesurés d’après l’indice des prix des propriétés (IPP) MLS, les prix n’ont pas bougé depuis mars. Le résultat anémique d’avril s’explique par l’augmentation de 0,1 % (en chiffres désaisonnalisés sur un mois) de l’IPP des maisons unifamiliales, ce qui a été entièrement effacé par la baisse de 0,1 % de l’IPP des maisons en rangée et par le repli de 0,4 % de l’IPP des appartements.
CONSÉQUENCES
Les ventes de logements ont reculé en avril dans l’ensemble du pays. La modeste hausse déjà comptabilisée pour mars par rapport à février a été révisée à la baisse, ce qui donne un résultat presque famélique, alors que le marché a aussi enregistré en février une baisse mensuelle par rapport à janvier.
Compte tenu des mouvements sur les marchés dans les derniers mois, on peut dire qu’ils ont simplement tourné la page sur leur flambée inattendue en décembre et en janvier : les ventes avaient alors inscrit des hausses mensuelles étonnamment importantes. Nous nous attendions à ce que la demande reprenne; il faut toutefois admettre que nous avons été pris de court par le moment de cette reprise. Nous avons hésité à considérer qu’il s’agissait du début de la période au cours de laquelle nous nous attendions à ce que la demande refoulée s’exprime sur le marché, compte tenu du caractère très volatil et oscillant du marché du logement. Depuis, l’activité a été réduite à de modestes baisses mensuelles. Dans les trois mois qui ont précédé avril, la hausse de plus de 4 % en janvier a été effacée, ce qui ramène le niveau des ventes mensuelles à ce qu’il était en décembre. Nous ne savions pas non plus si les prix, qui avaient continué de baisser en décembre et en janvier, allaient suivre la hausse des ventes de ces deux mois avec un décalage (comme les prix le font généralement après un revirement de l’activité des ventes). Portés en partie par la hausse des inscriptions, les prix se sont plutôt maintenus à leur niveau de janvier, sans augmenter ni baisser. Il est utile de noter que le niveau auquel ils se situent approximativement est de l’ordre de 14 % de moins que le pic de février 2022, mais de 33 % de plus que les niveaux atteints avant la pandémie.
Il semble donc que ce soit le signe d’un marché plombé par une grande incertitude et d’énormes enjeux, sans oublier les taux de crédit toujours aussi élevés. Les perspectives sont très incertaines, et bien des facteurs dépendent de la prochaine décision de la Banque du Canada et de la réaction des marchés à cette décision. C’est soit le meilleur moment d’investir selon certains ou le pire moment d’après d’autres. Ces paris polarisés donnent lieu à un marché national qui évolue anxieusement en zigzag, à un niveau légèrement inférieur à ses moyens à long terme, mais « pas tant que ça », pourrait-on ajouter. La moyenne des ventes depuis le début de l’année se situe à peine à 4 % de moins que la moyenne de 2010-2019. On peut donc considérer qu’il s’agit d’une bonne nouvelle ou, du moins, qu’il n’y a rien de neuf, ou peut-être même pourrait-on dire « pas de nouvelles, bonnes nouvelles ! ». En fait, de nombreuses bonnes nouvelles mettent en lumière le communiqué publié aujourd’hui par l’ACI, si on est d’humeur à en prendre connaissance. Les inscriptions augmentent au point où nous atteignons un niveau d’optionnalité « plus sain » pour les acheteurs. (La moyenne des nouvelles inscriptions depuis le début de l’année se situe aussi à 4 % de moins que la moyenne de 2010-2019, alors qu’elle était nettement inférieure depuis un bon moment déjà). Au rythme auquel les logements s’achètent et s’inscrivent, le nombre global de propriétés sur le marché et le nombre de mois de stocks se situe aujourd’hui à leurs « plus hauts » depuis le début de la pandémie. Parce que ces indicateurs de l’offre et de la demande comptabilisent des résultats élevés comparables à ce qu’ils étaient avant la pandémie, le marché revient à la normale par rapport à ce qu’il était juste avant que la pandémie le sorte entièrement de son parcours (relativement plus) durable. Le résultat, c’est que les prix ont été « essentiellement stables » dans les trois derniers mois.
Il semble donc que la situation revienne à la normale; or, on ne sait pas vraiment si cette tendance s’inscrira dans la durée ni pendant combien de temps elle durera. Il ne fait aucun doute qu’à l’heure actuelle, l’incertitude freine probablement la demande de logements. Cependant, une reprise de la demande ne s’apparentera probablement pas à ce qu’elle était pendant la pandémie compte tenu des nombreux facteurs périodiques de cette remontée.
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