LE MARCHÉ CANADIEN DU LOGEMENT : NOUVEAU MOIS, MAIS TOUJOURS AUTANT D’INCERTITUDE
RÉSUMÉ
En octobre, les ventes de logements au Canada ont reculé de 5,6 % (en données désaisonnalisées sur un mois). Les inscriptions leur ont emboîté le pas, en cédant 2,3 %. Parce que les ventes ont plus baissé que les inscriptions, le ratio des ventes par rapport aux nouvelles inscriptions, indicateur de la tension du marché, s’est encore réduit pour plonger à un creux en 10 ans. Ce ratio s’inscrit aujourd’hui à 49,5 %, ce qui est nettement inférieur à son récent pic d’avril, soit 68,3 % (sans oublier son pic de janvier 2022, à plus de 80 %), ce qui se situe à un cran de moins que sa moyenne à long terme de 55,2 %. C’est ce qui fait basculer le marché national en territoire acheteur, du moins par rapport aux écarts statistiques. Les stocks se chiffrent à 4,1 — en hausse sur le creux de 3,1 en mai cette année, ce qui est toutefois encore inférieur à la moyenne à long terme de l’ordre de cinq mois.
Sur les deux tiers des marchés locaux que nous suivons, les ventes et les inscriptions ont fléchi en octobre. Les ventes ont plongé dans 20 des 31 marchés que nous suivons, en inscrivant des baisses de 10 % ou plus à Vancouver, Montréal, Ottawa, Victoria, dans la vallée du Fraser, à Barrie, Saint John et Charlottetown; elles ont été dominées par une baisse de presque 30 % à Peterborough. Par contre, les baisses de plus de 10 % des inscriptions ont été limitées à quatre marchés : Okanagan-Mainline, Kitchener‑Waterloo, Peterborough et Lethbridge, qui a pour sa part accusé la plus forte baisse, soit environ 14 %. Malgré la baisse des inscriptions en octobre, les précédentes hausses comptabilisées entre mai et septembre, soit une augmentation mensuelle moyenne de l’ordre de 5 %, ont porté les inscriptions à des niveaux qui cadrent avec les moyennes observées à long terme. En octobre, le niveau des inscriptions a été parallèle au niveau moyen de 2010‑2019 observé pour ce mois, alors que le niveau des ventes d’octobre s’est établi à 12 % de moins que le niveau moyen de 2010‑2019 pour le mois.
Les prix, mesurés selon l’indice des prix des propriétés (IPP) MLS, ont perdu à peine 0,8 % (en données désaisonnalisées sur un mois) en octobre — pour enchaîner une deuxième baisse mensuelle d’affilée. On a toutefois relevé des différences régionales : les prix ont augmenté dans près de la moitié des marchés locaux que nous suivons et ont été compensés par des baisses sur les autres marchés. Malgré ces baisses, les prix restent nettement supérieurs à ce qu’ils étaient avant la pandémie dans l’ensemble, et certains marchés, soit Calgary, le Grand Moncton, Québec et Saskatoon, inscrivent des résultats qui continuent d’être supérieurs aux niveaux de février 2022, soit le mois qui a précédé le début des hausses de taux de la Banque du Canada, ce qui a marqué le début d’une correction sur un an dans le marché du logement. À l’échelle nationale, les prix se situent désormais à 11 % à peine de moins que le pic de février 2022 et aux environs de 38 % au‑delà des niveaux atteints avant la pandémie. La baisse du mois de septembre a été menée par les maisons unifamiliales (‑1,0 %), suivies par les habitations en rangée (‑0,5 %), alors que les prix des appartements ont relativement peu changé (0,1 %).
CONSÉQUENCES
Dans l’ensemble du pays, les ventes de logements sont restées fidèles à leur tendance baissière en novembre, pour inscrire leur troisième baisse mensuelle de suite, en tirant les prix à la baisse pour un deuxième mois. Le scénario est le même : le loyer de l’argent augmente de concert avec l’incertitude avivée sur l’évolution éventuelle de l’inflation, des taux d’intérêt et de l’économie. La situation s’est particulièrement détériorée récemment en raison des rendements souverains et des tensions géopolitiques qui viennent encore brouiller les perspectives. C’est ce qui amène de nombreux acheteurs à faire preuve d’attentisme, d’ici à ce que la conjoncture se précise.
Puisque les rendements obligataires du gouvernement du Canada servent de repères pour les prêts hypothécaires à taux fixe dont les durées sont correspondantes, les mouvements des rendements, à la hausse ou à la baisse, se répercutent directement sur le coût de l’endettement hypothécaire. Le graphique 1 indique que les prêts hypothécaires à taux fixe dont les durées sont comprises entre trois et cinq ans représentent désormais la plus large part des prêts hypothécaires nouveaux et que les prêts hypothécaires dont la durée est comprise entre un et trois ans s’inscrivent au deuxième rang. Il s’agit d’un compromis logique entre l’option la plus populaire auparavant, soit le prêt hypothécaire à taux fixe sur cinq ans, qui verrouillerait les taux élevés d’aujourd’hui pour cinq ans sans capter les baisses de taux prochaines attendues, ainsi que les prêts hypothécaires à taux variable et les prêts hypothécaires à taux fixe de moins d’un an, qui n’apporteraient pas la tranquillité d’esprit dans la conjoncture incertaine et très volatile d’aujourd’hui. Même s’ils ont décroché des pics récents, les rendements des obligations du gouvernement du Canada dont l’échéance est comprise entre trois et cinq ans ont gagné en moyenne de 10 à 14 points de base en octobre par rapport à septembre. C’est ce qui explique l’augmentation de 10 à 20 points de base du taux affiché pour les prêts hypothécaires traditionnels à trois et à cinq ans, sans oublier la hausse de 16 points de base du taux affiché pour les prêts hypothécaires à un an (graphique 2). Si ces hausses ne sont probablement pas assez importantes pour empêcher de prendre une décision d’acheter, elles pointent l’incertitude qu’affrontent les acheteurs qui pourraient s’inquiéter de l’évolution des taux avant de se stabiliser et finalement de se renormaliser à la baisse.
Il faut aussi se souvenir que le marché du logement a tendance à exacerber les mouvements dans les deux sens chaque fois que le marché prend un virage. Une tendance perçue dans le ralentissement de la demande et une baisse des prix ne feraient qu’encourager ces deux tendances à l’heure où les acheteurs pourraient attendre que les prix baissent encore, ce qui aura pour effet de ralentir encore plus la demande au moment même où les vendeurs pourraient se précipiter à nouveau sur les marchés pour sécuriser les prix de vente avant que d’autres baisses se produisent. Le contraire est vrai : une tendance perçue d’un relèvement de la demande et une hausse des prix pourraient encourager les acheteurs à se précipiter de nouveau sur les marchés avant que les prix remontent encore, ce qui aura pour effet d’augmenter les pressions qui pèsent sur la demande et sur les prix.
Ce ne sont que quelques‑uns des nombreux facteurs qui se répercutent sur les résultats du marché du logement et qu’il faut surveiller dans les prochains mois à l’heure où l’incertitude avivée perdure. Il est utile de tirer une conclusion en prenant un peu de recul sur la situation actuelle des prix. Dans nos précédents rapports, nous avons parlé de la nature des rajustements de prix et de leur volatilité mensuelle. Les prix peuvent augmenter et baisser dans le même mois en raison de nombreux facteurs, et en rivant les yeux sur les mouvements de prix à court terme, on peut se priver d’une vue d’ensemble, dans laquelle les prix restent assez élevés par rapport à il y a trois ans malgré tous les épisodes de baisses dont nous avons été témoins depuis. En outre, généralement, les mouvements de prix dans ces fourchettes élevées (et inabordables) ont tendance à être plus évidents dans les régions dans lesquelles les hausses depuis les jours qui ont précédé la pandémie étaient plus prononcées (et intenables).
Le graphique 3 trace, pour chaque marché, l’évolution des prix entre octobre et août 2023 et l’évolution entre les prix prépandémiques et ceux d’août 2023. À l’exception de Moncton, nous pouvons constater qu’en septembre et octobre, les prix ont baissé sur les marchés, alors que les prix d’août ont continué de gagner 40 % ou plus sur les niveaux atteints avant la pandémie, malgré la correction de l’an dernier. Nous constatons aussi que ces baisses de prix sur deux mois se concentrent essentiellement, jusqu’à maintenant, sur les marchés de l’Ontario, alors que les marchés de la Colombie‑Britannique rejoignent lentement le peloton : ces deux provinces ont connu la plus forte appréciation des prix depuis le début de la pandémie.
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