LE MARCHÉ CANADIEN DU LOGEMENT : QU’EST-CE QUI EST NORMAL EN SOMME?
SYNTHÈSE
En février, les ventes de logements au Canada ont fléchi de 3,1 % (en données désaisonnalisées sur un mois), alors que les nouvelles inscriptions ont gagné 1,6 %. Le fléchissement des ventes et la hausse des inscriptions ont détendu, pour la première fois en cinq mois, le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions, indicateur de la tension du marché. Après avoir augmenté chaque mois depuis septembre, le ratio a reculé pour s’établir à 55,6 % en février, contre 58,3 % en janvier. Il s’est ainsi établi sur un pied d’égalité avec sa moyenne à long terme de 55 %, ce qui indique que le marché national reste en territoire équilibré, du moins par rapport aux valeurs statistiques normales. On a comptabilisé 3,8 mois d’inventaire — ce qui représente une légère amélioration sur les 3,7 mois de janvier, mais ce qui est toujours inférieur, de plus d’un mois, à la moyenne à long terme de l’ordre de cinq mois.
Les ventes se sont repliées dans les deux tiers des 31 marchés locaux que nous suivons. Peterborough et Kelowna ont mené les baisses, puisque les ventes dans ces deux villes ont plongé d’environ 15 % (en données désaisonnalisées sur un mois); ces marchés ont été suivis de St. Catharines, Toronto, Moncton, Brantford et Kitchener-Waterloo, qui ont toutes enregistré des baisses mensuelles de plus de 10 %. La hausse de 24 % à Thunder Bay, l’augmentation de 12 % à Saint John et les progrès relativement plus modestes accomplis ailleurs ont été largement éclipsés, ce qui a donné lieu à une baisse dans l’ensemble du pays. À l’échelle des provinces, il est utile de noter la hausse des ventes mensuelles de 6,3 % au Québec, qui contraste avec les autres provinces et qui représente plus de trois fois l’augmentation la plus importante ensuite, soit 1,9 % au Manitoba. Le niveau des ventes de février a accusé un recul de 3 % sur le niveau moyen observé pour ce mois dans la période comprise entre 2010 et 2019.
Les inscriptions ont progressé dans plus de la moitié (17) des marchés locaux que nous suivons. Le nombre de propriétés nouvellement inscrites a augmenté de 14 % (en données désaisonnalisées sur un mois) à Kelowna et de 12 % à Moncton, puis de 9 % dans chacune des villes de St. Catharines, Lethbridge et Thunder Bay. En raison de la progression nationale qui en découle, le niveau des inscriptions de février accuse un retard d’environ 4 % sur le niveau moyen observé pour ce mois dans la période comprise entre 2010 et 2019. Compte tenu des mouvements dans les ventes et les inscriptions, 19 marchés ont été en territoire équilibré en février par rapport à 22 en janvier, alors que 8 ont été en territoire vendeur contre 9 en janvier. St. Catharines, Barrie, Victoria et Kelowna, qui ont été en territoire équilibré en janvier, sont passés en territoire acheteur en février.
Mesurés selon l’indice des prix des propriétés (IPP) MLS, les prix n’ont pas bougé par rapport à février après avoir baissé pendant cinq mois consécutifs. Le chiffre en berne de février indique qu’il n’y a pas eu de changement dans le segment des maisons unifamiliales, malgré les légères baisses de 0,3 % et de 0,7 % (en données désaisonnalisées sur un mois) dans les habitations en rangée et les appartements.
INCIDENCES
Après ce qui semble constituer un rebond étonnamment hâtif dans l’activité du marché du logement qui a commencé en décembre l’an dernier, les ventes de logements de février ont été inférieures à celles de janvier. Autant nous hésitions à déclarer que les bonds accomplis en décembre et en janvier auguraient le début des hausses mensuelles continues à venir, autant nous hésitons aujourd’hui à déclarer que la baisse de février n’est rien d’autre qu’un repli mensuel de l’activité des ventes.
En nous penchant attentivement sur les variations mensuelles dans les ventes de logements, nous pouvons surinterpréter l’évolution haussière ou baissière d’un mois à l’autre. Si, pour février, les ventes ont inscrit une baisse mensuelle par rapport à janvier, le nombre de transactions de vente est tout de même demeuré supérieur à celui de décembre. En fait, il a été supérieur à chacun des trois mois précédents. Autrement dit, il s’est vendu chaque mois plus de logements en février qu’en septembre, octobre, novembre et décembre. Il faut donc dire qu’il est important de se rappeler que le basculement entre les variations mensuelles positives et négatives est une caractéristique permanente d’un marché aussi oscillant que le marché du logement. C’est une caractéristique qui a peut-être été oubliée durant la période au cours de laquelle des hausses adossées ont propulsé le niveau des ventes mensuelles à des sommets intenables et sans précédent, ce qui a été naturellement suivi d’une période de baisses adossées, qui s’est matérialisée par un niveau des ventes mensuelles qui cadre mieux avec les normes statistiques.
En fait, sur les 21 marchés dans lesquels les ventes mensuelles ont fléchi en février, 17 ont inscrit une hausse des ventes mensuelles en janvier, alors que les quatre autres avaient comptabilisé une hausse des ventes en décembre. Sur 16 d’entre eux, les hausses des deux mois précédents ont été plus importantes que la baisse de février.
Un retour aux hauts et aux bas pourrait constituer ou non le signe de périodes plus normales : seuls le temps et les données nous le confirmeront. En surveillant les données qui seront publiées et en gardant une vue d’ensemble de la situation, on peut naviguer sur le marché dont la couverture médiatique et analytique est saturée lorsqu’il s’agit de prendre la décision de vendre ou d’acheter.
Ceci dit, il est important de se rappeler que la « normalité » n’est pas synonyme d’un marché équilibré, abordable ou sain, loin de là. La normalité désigne dans ce cas une variable naturellement volatile qui permet de mesurer les ventes mensuelles, plutôt qu’une variable cumulative dans le temps, qui s’inscrit tendanciellement dans la durée. En réalité, le marché du logement continue d’afficher des déséquilibres importants entre la demande et l’offre, des prix qui sont depuis longtemps déconnectés des revenus et de la capacité des Canadiens de se les offrir et ne peut guère espérer, jusqu’à maintenant, qu’un ensemble peu prometteur de solutions à mettre en œuvre par les gouvernements.
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