- Même si les statistiques économiques laissent entendre que l’économie canadienne connaît une étonnante progression sous‑jacente, l’incertitude extrême suscitée par les changements qui pourraient être apportés à la politique américaine s’est avivée, en modérant dans le court terme les perspectives de croissance. On peut toutefois faire preuve d’un optimisme prudent, puisque par ailleurs, les signaux économiques positifs créent une toile de fond plus résiliente et un environnement moins risqué, dans lequel on peut manœuvrer malgré cette incertitude.
- Nous restons fidèles à notre approche graduelle de décembre en tenant compte des changements qui pourraient être apportés aux politiques migratoires et commerciales américaines, dont la mise en œuvre appelle des précisions. En dépit ou peut‑être même en raison de la volatilité extrême liée récemment aux surtaxes douanières annoncées, nous restons généralement à l’aise de tenir compte d’une fraction des surtaxes annoncées contre le Canada et le Mexique pour justifier la vraisemblance de l’information dont nous disposons. Le ton constructif adopté dans la mise en pause des surtaxes annoncées et l’intérêt exprimé par le président américain pour conclure un pacte économique apportent une certaine assurance que le Canada pourrait être en mesure d’éviter cette rafale de surtaxes.
- Dans l’ensemble, l’incertitude avivée est le premier facteur qui porte l’évolution de ces prévisions. Puisque 2024 s’est terminé en force pour les États-Unis et le Canada, qui peuvent ainsi compter sur un acquis solide en 2025, ces deux pays devraient maintenant connaître un fléchissement de leur croissance en 2025 — en raison d’une hausse plus prononcée de l’incertitude de concert avec la volatilité que nous avons constatée dans les récentes semaines et qui est appelée à perdurer pendant un certain temps.
- Les banques centrales s’adaptent à cette conjoncture économique émergente, qui fait concorder le rendement exceptionnel de l’économie américaine et le choc dévastateur de ses politiques potentielles sur l’activité, ce qui explique le différentiel qui se creuse entre le taux directeur américain et celui des autres banques centrales, puis la vigueur du dollar américain. Nous continuons de penser que le taux directeur américain connaîtra un parcours très élevé par rapport aux autres banques centrales, dont la Banque du Canada, en ajoutant une baisse dans nos prévisions de taux de la BdC.
Les faits nouveaux qui se sont déroulés depuis nos prévisions de décembre 2024 ont apporté un meilleur éclairage sur la divergence entre deux dimensions phares de la conjoncture économique actuelle. D’une part, les données continuent d’indiquer que le Canada connaît une étonnante progression sous‑jacente. D’autre part, l’incertitude extrême suscitée par les changements qui pourraient être apportés aux politiques américaines s’est avivée, pour assombrir considérablement les perspectives et modérer des signaux par ailleurs positifs. Cette incertitude tempère les perspectives de croissance dans le court terme. La mise en œuvre des surtaxes pourrait produire un choc retentissant sur l’offre. Et à nouveau, il se pourrait aussi que les surtaxes continuent de représenter une menace pendant toute la durée de la présidence Trump, même si les États-Unis n’imposent pas de lourdes surtaxes dans les prochains mois. Nous nous trouvons dans la situation exceptionnelle dans laquelle les interventions du président des États-Unis représentent les risques prépondérants pour les perspectives du point de vue mondial. (Ces risques s’appliquent aux États-Unis.)
Au Canada, les indicateurs de la demande intérieure permettent de croire que l’année 2024 s’est terminée en force, grâce à la solide croissance de l’emploi, à la vigueur de la consommation et à un rebond de l’investissement résidentiel à l’heure où la reprise dans les secteurs sensibles aux taux d’intérêt s’accélère. Nous avons donc apporté une légère révision à la hausse dans notre estimation de la croissance de 2024, qui passe de 1,2 % à 1,3 %. Les données limitées publiées jusqu’à maintenant pour janvier nous apprennent que les marchés de l’emploi sont solides et que les ventes d’automobiles s’accélèrent, ce qui indique que l’année 2025 commence sur une assez bonne note.
Ces indicateurs sont assombris par les risques des politiques commerciales américaines, qui plongent les entreprises et les ménages dans un climat de vive incertitude. Les premiers jours de février nous ont donné une primeur sur l’évolution fulgurante qui nous attend, ce qui nous amène à muscler nos hypothèses sur l’incertitude. Le lundi 3 février 2025, la Bourse de Toronto (TSX) a ouvert sa séance en accusant une baisse de plus de 4 % sur son cours de clôture du vendredi 31 janvier, dans la foulée de la nouvelle annoncée durant la fin de semaine, selon laquelle les États-Unis imposaient au Canada et au Mexique des surtaxes généralisées. À la fin de la journée du lundi, les deux pays ont pu s’entendre sur des pauses d’un mois sur ces surtaxes, et le mercredi 5 février, la Bourse de Toronto avait repris tout le terrain perdu. Bien qu’il semble qu’on ait évité la catastrophe pour l’instant, ce type de volatilité et d’incertitude a une rançon économique, puisque les ménages et les entreprises du Canada retardent leurs décisions d’investissements et de dépenses. Même si nos prévisions de décembre tenaient déjà compte d’une plus vive incertitude liée au commerce et comparable à celle du premier mandat du président Trump, une hausse plus prononcée que prévu en décembre nous amène à abaisser nos prévisions de croissance pour 2025, malgré la progression constatée dans les récentes statistiques économiques (graphique 1). Nous avons aussi retranché dans nos prévisions les chèques fédéraux désormais annulés ou en veilleuse qui avaient déjà été annoncés et qui devaient donner un certain élan aux dépenses. L’annulation de ces chèques vient encore ralentir la croissance par rapport à décembre et décaler une partie de la croissance du premier semestre 2025 pour la reporter dans l’année et sur 2026. Nous prévoyons aujourd’hui que l’économie du Canada croîtra de 1,8 % en 2025 et de 1,6 % en 2026, contre 2,1 % et 1,5 % dans nos précédentes prévisions.

Aux États-Unis, les estimations initiales du PIB pour le T4 de 2024 laissent entrevoir un autre solide trimestre, ce qui met en relief la résilience de l’économie et son rendement exceptionnel par rapport aux pays comparables. Les premières estimations laissent entrevoir un premier trimestre tout aussi solide en 2025, porté par la vigueur de la consommation et de l’investissement et par la résilience remarquable du marché du travail. Toutefois, au Canada comme aux États-Unis, ces signes positifs sont éclipsés par l’incertitude avivée. En somme, nous pouvons nous attendre à une légère hausse de la croissance en 2024 et à une légère baisse en 2025 par rapport à décembre. Nos prévisions de décembre tenaient déjà compte des résultats bénéficiaires positifs et des effets sur la richesse du programme de déréglementation attendu de la nouvelle administration et des baisses d’impôts planifiées, ainsi que des effets négatifs et inflationnistes des déportations massives. Nous continuons de supposer que les déportations se chiffreront à 3,5 millions sur le mandat de quatre ans, puisque les difficultés administratives, juridiques et logistiques devraient en entraver la mise en œuvre.
Nous sommes toujours généralement à l’aise avec les hypothèses que nous avons adoptées sur les surtaxes dans nos prévisions de décembre. Ces hypothèses, qui restent essentiellement inchangées, ont été légèrement redressées pour tenir compte de l’information récente. Nous supposons désormais que les États-Unis imposeront une surtaxe de 10 % sur les importations de la Chine et que ce pays ripostera; nous supposons aussi que les États-Unis imposeront une surtaxe de 5 % sur la moitié des importations canadiennes et mexicaines et que le Canada et le Mexique riposteront en imposant une surtaxe de 5 % sur un peu moins d’un quart des importations américaines. Nous supposons aussi que les États-Unis imposeront des surtaxes de 5 % sur la moitié des importations des différents pays chez nos voisins du Sud. Ces chiffres représentent une fraction des surtaxes annoncées pendant la campagne présidentielle et que les États-Unis ont menacé d’imposer dans les dernières semaines. Nous ne sommes pas du tout convaincus que les surtaxes seront aussi élevées qu’annoncé, ni même qu’il y en aura; or, du point de vue prévisionnel de la gestion des risques, nous croyons qu’il est préférable de prévoir des surtaxes hypothétiques, pour établir des prévisions orientationnelles en attendant plus de précisions. Nous sommes rassurés par le ton constructif de la déclaration annonçant le report d’« au moins » 30 jours, pour savoir, selon le président Trump, s’il est possible de conclure avec le Canada un pacte économique. On peut donc penser qu’il y aura des entretiens plus monopolisés par l’économie et le commerce et que l’on consentira éventuellement des concessions qui pourraient nous permettre d’éviter des tarifs en rafale généralisés. Ainsi, au‑delà des effets négatifs de l’incertitude qu’ils suscitent, les surtaxes apportent peu de changement dans cette mise au point des prévisions par rapport à décembre. Selon cette mise au point prévisionnelle, l’économie américaine devrait croître de 1,9 % en 2025, avant de se ralentir pour progresser de 1,7 % en 2026.
Ces thèmes divergents creusent encore plus l’écart entre la Réserve fédérale américaine et les autres banques centrales. La banque centrale américaine n’a pas changé son taux directeur en janvier, en évoquant la vigueur de la croissance économique, la résilience du marché du travail et l’inflation, qui reste supérieure à la cible. De plus, si les États-Unis mettent en œuvre des surtaxes, il ne fait aucun doute qu’elles seront inflationnistes. Cette résilience sous‑jacente apporte à la Réserve fédérale américaine la marge de manœuvre qui lui permet d’évaluer patiemment les impacts potentiels des changements apportés au fur et à mesure aux politiques. C’est pourquoi nous n’avons pas modifié nos prévisions de taux pour la Réserve fédérale, dont le rythme des baisses de taux devrait se ralentir légèrement cette année. Le taux directeur américain ne devrait donc pas bouger dans le premier semestre de 2025, pour atteindre 4 % d’ici la fin de 2025 et recommencer à baisser en 2026, en clôturant l’année à 3,5 %.
Par contre, les banques centrales des pays soumis aux menaces de surtaxe, dont le Canada, le Mexique et l’Europe, s’inquiètent plus de l’impact dévastateur de l’incertitude sur la demande et sur l’activité économique. Cette inquiétude explique le différentiel qui se creuse entre le taux directeur américain et les taux directeurs des autres banques centrales, ce qui vient étayer la vigueur du dollar américain par rapport à un vaste ensemble de devises.
Comme attendu, la Banque du Canada a abaissé à 3,0 % son taux directeur en janvier. Malgré les signaux forts lancés par le marché de l’emploi et les ménages au début de l’année et même si on s’inquiète que les indicateurs sous‑jacents de l’inflation laissent entrevoir des risques que l’inflation soit supérieure à la cible, le bilan des risques a basculé et est devenu légèrement plus négatif qu’en décembre en raison de l’incertitude avivée. C’est ce qui nous a amenés à ajouter une autre baisse dans nos prévisions de taux de la Banque du Canada, avec d’énormes intervalles de confiance de part et d’autre. Nous nous attendons aujourd’hui à ce que la BdC abaisse une fois de plus les taux en mars, en portant le taux directeur à 2,75 %, soit le point milieu de sa fourchette neutre. La réaction observée du gouvernement du Canada aux surtaxes avant la pause constitue un nouvel élément d’information à noter. Le Canada a décidé de riposter aux surtaxes généralisées en imposant des surtaxes sur un peu moins du tiers des importations américaines, ce qui est inférieur au seuil à franchir, selon nos estimations, pour hausser son taux directeur, et ce qui permettrait à la BdC de prioriser l’impact sur la croissance plutôt que le résultat sur l’inflation. Au moment d’écrire ces lignes, nous n’avons pas d’information complémentaire justifiant un plus fort basculement de nos prévisions de taux. Si par exemple les surtaxes annoncées et les représailles se matérialisent après la pause de 30 jours, nous serions dans un univers prévisionnel entièrement différent. S’ils sont imposés pendant une durée prolongée, ces surtaxes et ces représailles, selon lesquelles le Canada riposte sur un peu moins d’un tiers des importations américaines, plongeraient le Canada dans une récession, et le taux directeur aurait tôt fait de se rapprocher de la limite inférieure effective de sa fourchette.




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