- En Europe et en Chine, la conjoncture se détériore brusquement en raison d’un cortège particulièrement inquiétant de sécheresses, de confinements sanitaires, de conséquences de la guerre en Ukraine et d’efforts soutenus pour mater l’inflation.
- Au Canada et aux États‑Unis, la conjoncture est nettement meilleure, même si la croissance est pénalisée par l’évolution de la situation à l’étranger et par la lutte menée contre l’inflation. Nous continuons de penser que la récession est un risque, et non une certitude.
- Les données qui viennent d’être publiées laissent entendre que l’inflation est sur le point de se ralentir, même si les pressions sur les salaires s’accélèrent. Nous sommes plus rassurés sur le parcours projeté de l’inflation en raison de ces faits nouveaux; or, les risques inflationnistes restent orientés à la hausse.
- La Réserve fédérale américaine et la Banque du Canada (BdC) sont sur le point d’atteindre la fin du cycle de durcissement de leurs taux directeurs. Nous nous attendons à ce que la BdC mette fin à ce durcissement lorsque son taux directeur atteindra 3,75 % en octobre. Nous prévoyons que la Fed cessera d’augmenter son taux cible lorsqu’il atteindra 3,5 % en novembre. Dans un cas comme dans l’autre, nous nous attendons à ce que les taux directeurs restent ensuite inchangés jusqu’à la fin de 2023.
Une récession mondiale est inévitable. Les mesures de confinement sanitaire en Chine, de concert avec les chocs météorologiques et la léthargie dans le secteur de la construction résidentielle, laissent entendre que la croissance plongera à son plus creux depuis 1980, sauf 2020. En Europe, l’impact décalé de la hausse des cours des produits de base, la guerre en Ukraine, les répercussions des vagues de chaleur et la hausse des taux d’intérêt font sombrer en récession les grandes puissances économiques européennes. Puisque ces grandes puissances économiques comptabilisent une performance économique très léthargique, une récession mondiale est assurée.
Chez ces grands acteurs de l’économie, les développements plus pessimistes, de concert avec l’inquiétude soutenue qui plane sur l’ampleur et l’impact des hausses de taux aux États‑Unis, ont donné lieu, dans les dernières semaines, à des baisses brutales dans les cours des produits de base et sur les marchés boursiers. Du point de vue nord‑américain, nous considérons que ces faits nouveaux ont des conséquences macroéconomiques plus importantes, pour les perspectives américaines et canadiennes, que les répercussions directes de la détérioration de la conjoncture en Chine et en Europe.
Nous abaissons nos prévisions pour le Canada et les États‑Unis afin de tenir essentiellement compte de l’impact de la baisse des cours des produits de base et des valeurs boursières. Nous continuons de croire que ces deux pays sauront au besoin éviter une récession, bien qu’il soit évident que la croissance se ralentit. Aux États‑Unis, nous nous attendons désormais à un taux de croissance de 1,8 % cette année et de 0,9 % en 2023. Au Canada, nous continuons de nous attendre à ce que la croissance économique mène largement, en 2022, celle des grands pays industrialisés, grâce à une croissance prévue de 3,1 %. En 2023, la croissance devrait se ralentir brusquement, à 1 %. Dans le contexte canadien, nous nous attendons à ce que les dépenses des ménages se modèrent, mais restent assez résilientes en raison des effets de la réouverture, de la demande refoulée statistiquement élevée, des fortes liquidités et des solides bilans des ménages. Cet avis contredit de nombreux sondages qui laissent poindre des inquiétudes à propos des finances en raison de la flambée de l’inflation et des taux d’intérêt. Or, les données factuelles ne font toujours pas état d’un impact majeur sur les dépenses selon les données moins formelles.
L’inflation continuera de représenter une difficulté dans ces deux pays, même si nous nous attendons à une décélération substantielle de l’inflation dans les 18 prochains mois. Compte tenu des chiffres les plus récents de juillet, soit 8,5 % aux États‑Unis et 7,6 % au Canada, même si son rythme devait se ralentir substantiellement, l’inflation se situerait toujours nettement au‑delà des cibles jusqu’à la fin de 2023. D’après nos prévisions, nous nous attendons à ce que l’inflation s’établisse l’an prochain à une moyenne de 4,4 % aux États‑Unis et de 3,8 % au Canada. D’abondantes statistiques pointent une inversion de certains facteurs qui ont fait grimper l’inflation dans les derniers trimestres; c’est pourquoi nous avons plus l’assurance que la dynamique de l’inflation est en train de basculer. Or, il est absolument évident que les marchés du travail restent excessivement tendus et que les pressions sur les salaires sont de plus en plus fortes. À terme, notre point de vue sur l’inflation est en train de basculer : les facteurs mondiaux cèdent la place à l’évolution de la conjoncture des marchés du travail.
La conjoncture inflationniste justifie d’autres hausses du taux directeur. Au Canada, nous estimons qu’une autre hausse de 50 points de base est nécessaire en octobre et que la BdC mettra fin à son cycle de durcissement à 3,75 %, en gardant à ce niveau les paramètres de son taux directeur jusqu’à la fin de l’an prochain. Aux États‑Unis, nous nous attendons à un autre durcissement de 100 points de base d’ici la réunion de novembre; les taux resteront ensuite fixés à 3,50 % jusqu’à la fin de 2023. Dans ces deux pays, les banques centrales s’attendent à cesser de hausser les taux bien avant que l’inflation revienne sur la cible. Si les taux directeurs se stabilisent longtemps avant que l’inflation revienne sur la cible, nous croyons que la marge prévue pour le durcissement sera suffisante pour faire baisser l’inflation dans les prochaines années, ce qui correspond à la durée type qu’il faut compter pour que la politique monétaire produise tout son impact sur l’inflation. Les risques sont orientés à la hausse pour les taux directeurs, puisqu’ils dépendent de la confirmation prochaine que l’inflation se ralentit effectivement. Si ce ralentissement n’est pas confirmé bientôt, il se pourrait que nous devions reconsidérer nos points de vue sur les taux directeurs terminaux dans les deux pays.
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