Myles Zyblock, stratège en chef des placements de Scotia Gestion mondiale d’actifs (SGMA) – qui gère plus de 190 milliards de dollars pour des millions d’investisseurs au Canada et ailleurs dans le monde – nous fait part des dernières observations de SGMA sur le marché et les placements.

Ce mois-ci, M. Zyblock discute des effets de l’inflation et des mesures prises par les banques centrales sur les marchés mondiaux, et de la façon dont les investisseurs devraient réagir.

Nous sommes dans un marché (presque) totalement baissier. La chute des cours a débuté avec les obligations d’État en 2021, avant de s’étendre à la plupart des devises autres que le dollar américain et aux titres d’emprunt, puis aux marchés boursiers mondiaux au début de 2022. Au cours des derniers mois, de nombreux produits de base ont rejoint la liste.

Les inquiétudes suscitées par les tendances inflationnistes mondiales semblent à l’origine de ce mouvement. La hausse d’une ampleur imprévue des prix de presque tout, des aliments au carburant, a contribué à faire tomber le marché des obligations d’État de son piédestal. Les dernières données montrent que le taux d’inflation mondial a dépassé 9 %, un rythme qui n’avait pas été atteint depuis au moins 30 ans. La baisse des cours des obligations qui a résulté de l’augmentation rapide et généralisée de l’inflation a depuis grugé environ 13 000 milliards de dollars de la valeur marchande des obligations mondiales. Sans les banques centrales, le récit aurait pu se terminer là.

Or, le « tsunami » inflationniste a obligé les banques centrales à intervenir. Elles se sont mises à resserrer leur politique monétaire (dans les faits, en augmentant les taux d’intérêt) pour lutter contre la montée des risques inflationnistes, d’abord dans les économies émergentes puis, au début de 2022, dans les pays développés. Les banques centrales n’avaient guère le choix, étant donné que les taux d’inflation dans presque tous ces pays étaient bien supérieurs à la cible et à leur niveau de confort.

Le resserrement monétaire s’est non seulement accentué à mesure que le cycle progressait, mais il s’est élargi pour inclure des économies où on ne l’attendait pas, comme la zone euro, dans laquelle la banque centrale craignait plutôt les risques de déflation structurelle. N’oublions pas que la Banque centrale européenne (BCE) a été l’une des premières grandes banques centrales à mettre en place une politique de taux d’intérêt négatifs au cours des dernières années. Ce n’est plus le cas. Le taux cible de la BCE se situe à +0,75 %, et les marchés financiers s’attendent à ce qu’il atteigne 2,5 % d’ici le milieu de 2023.

Le resserrement monétaire est appliqué à l’échelle mondiale avec une vigueur qu’on n’avait pas observée depuis le début des années 1980. La Réserve fédérale américaine, par exemple, a relevé son taux directeur de 300 points de base depuis mars – la plus forte hausse depuis 1981. Des scénarios similaires se sont déroulés au Canada, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Australie et ailleurs dans le monde.

C’est le rythme du resserrement qui est au cœur du problème pour les marchés financiers mondiaux. Alors que les hausses de taux d’intérêt des banques centrales s’accéléraient, les prix des actifs, en plus des obligations d’État, plongeaient dans une spirale.

Après des années, voire des décennies, de baisse des taux d’intérêt, on ne s’attendait guère à ce que la situation change. Les ménages, les entreprises et même les gouvernements se sont comportés comme si cet environnement de bas taux d’intérêt, et même de recul des taux d’intérêt, était pour persister. Les ménages canadiens, par exemple, ont été pris au dépourvu, le ratio dette/revenu disponible atteignant un niveau sans précédent de 170 %.

À l’heure actuelle, nous sommes d’avis que les titres négociés sur marchés financiers – actions, obligations et certaines devises – sont incroyablement survendus. Il est toujours difficile de prévoir quand un rebond aura lieu, mais celui-ci semble de plus en plus probable, car les prix des actifs évoluent rarement en ligne droite.

Pour faire fructifier des placements à long terme, il faut concevoir un portefeuille adapté à différentes éventualités économiques et financières. Prévoir l’avenir avec une précision utile est presque impossible. L’inflation pourrait rester élevée pendant de nombreuses années en raison de la hausse des coûts associés à la délocalisation et à la relocalisation de la production, de conflits commerciaux prolongés ou de conflits géopolitiques. Mais peut-être que les forces irrépressibles de l’innovation et le vieillissement de la population reprendront le dessus et ramèneront l’inflation sur une trajectoire descendante. Nous ne pouvons être sûrs de rien.

La diversification, dont les avantages en gestion de portefeuille sont bien établis, part du postulat que l’avenir ne peut être prédit. En règle générale, elle vise l’ensemble du marché obligataire, et elle tient compte des régions géographiques, des styles, de la durée et de la qualité du crédit. Même si ces facteurs sont essentiels, une perspective plus large s’impose, qui tient compte des actifs réels, des marchés privés et d’autres véhicules de placement non traditionnels. Gestion mondiale d’actifs Scotia a travaillé fort au cours des dernières années pour proposer à ses investisseurs de nouvelles options dans ces catégories d’actif.

En examinant les rotations liées à l’approche de placement, plus précisément celles entre les stratégies de valeur et de croissance basées sur le S&P 500, nous avons relevé qu’elles ne durent habituellement qu’environ deux trimestres (au plus six). Depuis 1995, l’approche située en tête a changé 53 fois, mais dans environ la moitié des cas, le changement n’a duré qu’un seul trimestre. Cela montre à notre avis que les chances ne sont pas du côté de ceux qui voudraient profiter de chaque revirement.

En conclusion, nous recommandons une approche de diversification axée sur le long terme. C’est toujours facile voir quelle stratégie aurait été la plus profitable en rétrospective, mais c’est extrêmement difficile en pratique de ne pas se tromper. Chaque erreur a un coût, et les ajustements excessifs nuisent au rendement à long terme du portefeuille. Il est plus prudent de s’assurer un rendement dans la moyenne sans nécessité de déjouer les marchés.

Myles June Headshot

Jouissant d’une grande renommée en Amérique du Nord, Myles Zyblock a recours à une méthode alliant finance et psychologie pour mettre à profit les points d’inflexion majeurs dans les marchés des capitaux. Fort de plus de 25 années d’expérience en répartition de l’actif, il guide et conseille un éventail de clients institutionnels et de particuliers dans le monde entier. Entré au service de la firme en 2013 à titre de stratège en chef des placements, Myles Zyblock travaille en étroite collaboration avec l’équipe des placements. Sa vaste expérience englobe plusieurs catégories d’actif dans différentes régions du monde.