Tout le monde n’est pas fait pour travailler dans les communautés les plus au nord de l’Ontario, mais pour Mikail-Kaii Newby, entrer en contact avec Enseigner pour le Canada, est ce qui lui a donné l’occasion d’avoir une influence positive sur la vie des jeunes.

« À la fin de mon parcours scolaire, je pensais que le Canada était un pays parfait. Cette illusion s’est envolée à l’université, durant un cours de deuxième année sur la politique en Ontario où un conférencier invité, un chef d’une Première Nation de la province, a changé ma vision du monde », raconte Mikail-Kaii Newby, qui est maintenant un enseignant-mentor pour l’école secondaire en ligne Keewaytinook (KiHS), dans la communauté de la Première Nation Fort Severn. 

Après sa découverte des pensionnats autochtones, un épisode sombre de l’histoire du pays, l’enseignant a suivi plusieurs cours et lu tout ce qu’il pouvait trouver sur l’histoire des peuples autochtones du Canada. Il était déterminé à enseigner à ses élèves la véritable histoire du pays et de ses relations avec les peuples autochtones pour être un moteur de changement, et c’est durant cette recherche qu’il a découvert Enseigner pour le Canada à une foire aux carrières.  

« C’est la raison pour laquelle j’ai accepté ce poste », explique Mikail-Kaii Newby, qui a commencé son emploi avec Enseigner pour le Canada à la fin de ses études en enseignement, en 2019.  

L’organisme à but non lucratif et dirigé par des Autochtones, qui a vu le jour en 2015, est partenaire de 23 Premières Nations dans le nord de l’Ontario et du Manitoba. Il aide ces communautés à recruter, à former et à soutenir des enseignants engagés, et contribue à la création de nouveaux volets du programme pour mieux répondre aux besoins de la collectivité.  

La motivation principale de l’organisme, c’est le désir d’améliorer l’éducation et les résultats scolaires des élèves des Premières Nations. Quelque 7 000 jeunes ont pu profiter du programme depuis sa création. Dans le Nord, deux défis de taille contribuent aux injustices historiques et aux iniquités systémiques et creusent l’écart entre les communautés des Premières Nations et le reste du pays : le manque d’enseignants et le roulement du personnel. Moins de la moitié (44,8 %) des jeunes adultes issus des Premières Nations qui vivent dans les réserves ont terminé l’école secondaire, comparativement à 88 % des autres Canadiens, selon les données de Services aux Autochtones Canada.  

L’un des obstacles à la diplomation auxquels doivent faire face les élèves autochtones, c’est le haut taux de roulement des enseignants. Enseigner pour le Canada a pour mission de changer cette réalité grâce à son programme estival d’enrichissement de deux semaines, qui prépare les enseignants s’apprêtant à travailler dans le Nord à assumer leurs responsabilités, c’est-à-dire à fournir de bonnes bases scolaires dans un environnement qui reflète la culture et la langue de la communauté. En retour, les enseignants s’engagent de bonne foi à rester dans la communauté pendant deux ans et peuvent bénéficier des réseaux de soutien professionnels et par les pairs pour réussir.

Déménager dans la Première Nation de Fort Severn, une petite communauté accessible par avion d’environ 500 personnes là où la rivière Severn rejoint la baie d’Hudson, afin d’enseigner à KiHS, c’est une décision qui a complètement sorti Mikail-Kaii Newby de sa zone de confort. Ayant grandi dans le Grand Toronto, il n’était jamais allé bien plus loin au Nord qu’à Barrie, et encore moins vécu seul dans un environnement aussi éloigné et froid, loin de sa famille. Pour aider les volontaires à s’adapter, Enseigner pour le Canada fournit l’accès à des services de consultation ainsi qu’à un réseau d’enseignants du Nord. 

Enseigner pour le Canada cherche à étendre sa portée au Canada, à commencer par les communautés des Premières Nations en Alberta et en Saskatchewan, c’est pourquoi la Banque Scotia renouvelle son engagement envers l’organisme en offrant un nouveau financement de 750 000 $ échelonné sur trois ans, pour soutenir le recrutement et la rétention des enseignants dans les écoles des Premières Nations éloignées. Le partenariat s’inscrit dans le cadre de ScotiaINSPIRE, une initiative d’investissement de 500 millions de dollars sur 10 ans visant à développer la résilience économique des groupes défavorisés.

 

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« Nous sommes ravis d’être partenaires d’Enseigner pour le Canada et de soutenir ses efforts de recrutement et de formation d’enseignants désireux de travailler avec des élèves autochtones vivant dans les régions éloignées du Nord et de les aider à bien planifier leur avenir », affirme Meigan Terry, première vice-présidente et chef, Impact social, Durabilité et Communications à la Banque Scotia.  

« [Ce financement] signifie que nous pourrons toucher beaucoup plus de Premières Nations », se réjouit Shardae Fortier, vice-présidente des programmes à Enseigner pour le Canada. « Nous souhaitons faire d’Enseigner pour le Canada un programme véritablement national. »  

Shardae Fortier, qui est Anishinaabe et membre de la bande de Red Rock, dans le nord-ouest de l’Ontario, sait d’expérience quelles peuvent être les perspectives pour les élèves des Premières Nations du Nord. Durant ses études en droit, elle a été stagiaire au cabinet qui représentait la Nation Nishnawbe Aski pendant l’enquête de 2015-2016 au sujet de la mort de sept élèves, décédés entre 2000 et 2011 à Thunder Bay (Ontario) après avoir dû quitter leur communauté pour aller à l’école secondaire. Dans la majorité des Premières Nations du Nord, l’école s’arrête à la 8e année, forçant les élèves à déménager à Thunder Bay, à Sioux Lookout ou à Dryden pour terminer leurs études. 

« Cette enquête a motivé mon engagement à réduire les iniquités entre les écoles fédérales des Premières Nations et le système scolaire public », explique la vice-présidente.  

En raison des lacunes de l’éducation dans le Nord, les élèves de ces Premières Nations se trouvent déjà deux ans en retard comparativement au reste de la province. Shardae Fortier s’inquiète que la baisse des présences connue par Enseigner pour le Canada depuis les confinements de la COVID-19 pourrait aggraver encore le retard. Elle a pourtant bien remarqué qu’aux endroits où l’organisme offre son soutien et ses programmes, le taux d’absence n’a pas autant grimpé. 

Dans son poste à KiHS, Mikail-Kaii Newby aide les élèves à avancer en science, en mathématiques, en histoire et en littérature, et ainsi à décrocher, en ligne, leur diplôme d’études secondaires de l’Ontario. L’école offre aux étudiants l’accès aux trois filières de cours accrédités par la province : théoriques, appliqués ou élaborés à l’échelon local; un choix qui n’est pas toujours possible pour les élèves qui quittent leur communauté.   

L’école KiHS a ouvert ses portes virtuelles en 2000 à la demande des chefs de Keewaytinook Okimakanak (Oji-Cri pour les chefs de conseil tribal du Nord) afin que les jeunes n’aient plus à quitter leur famille pour aller à l’école secondaire. 

Mikail-Kaii Newby s’inquiète lui aussi du taux d’absentéisme. « À ma première année, nous avions 50 inscrits, ce qui est énorme, à ce qu’on m’a dit. Mais des 50, seule une dizaine d’élèves se présentait en classe. » Avec le temps, il a pu comprendre que cet absentéisme pouvait s’expliquer par le trauma générationnel : « ça pourrait être parce qu’ils ont perdu un membre de la famille ou que les choses se passent mal à la maison ». 

L’absentéisme combiné au haut taux de roulement des enseignants à l’école primaire, c’est ce qui explique qu’un grand nombre d’élèves de 9e année n’ont pas les compétences logiques et la littéracie attendues de leur niveau. « Je suis censé les aider à étudier Shakespeare, mais ils ne connaissent pas les bases de la grammaire », expose l’enseignant. « Il faut mettre de côté le programme traditionnel et retourner aux bases pour s’assurer que tout le monde a un niveau de connaissances égal avant d’y rajouter le programme d’enseignement secondaire. » 

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Nous sommes ravis d’être partenaires d’Enseigner pour le Canada et de soutenir ses efforts de recrutement et de formation d’enseignants désireux de travailler avec des élèves autochtones vivant dans les régions éloignées du Nord et de les aider à bien planifier leur avenir.

Meigan Terry, première vice-présidente et chef, Impact social, Durabilité et Communications à la Banque Scotia.  

Robin Chamney, principale à l’école Wasaho de la Nation Cri et membre du conseil consultatif d’Enseigner pour le Canada, est aussi d’avis que la constance pourrait réduire le retard des élèves des Premières Nations.  « Il faut bâtir la confiance avec les élèves et les communautés, qui protègent de près leurs enfants », ajoute-t-elle. 

Robin Chamney, qui travaille à cette école depuis cinq ans, a vu 15 enseignants se succéder, mais tous ne venaient pas d’Enseigner pour le Canada. « C’est vraiment dur pour les enfants. Quand nous revenons du congé de mars, ils commencent déjà à demander si nous serons là l’année suivante. » 

Bien qu’il soit difficile de mesurer la réussite en fonction de la participation des élèves, surtout après les perturbations de la pandémie, Enseigner pour le Canada note une augmentation de la rétention des enseignants. Selon Shardae Fortier, c’est en moyenne 89 % des enseignants qui finissent leur première année, 67 % d’entre eux entament leur deuxième, et 95 % de ce nombre terminent l’année scolaire. Enfin, 98 % ou plus des enseignants qui passent la barre des deux ans ont tendance à rester quelques années de plus.  

L’année dernière, Enseigner pour le Canada a établi un partenariat avec la School of Education de la Trent University, qui offre un baccalauréat en éducation autochtone, afin d’offrir un stage pratique aux étudiants de dernière année. Deux candidats ont saisi l’occasion et Enseigner pour le Canada espère que d’autres participeront cette année.  

« Notre programme de stage dans le Nord donne aux futurs enseignants une expérience de 3 à 7 semaines avec une Première Nation pour qu’ils décident si c’est le bon choix de carrière pour eux », explique Shardae Fortier. 

À plus long terme, Enseigner pour le Canada espère inspirer les élèves pour qu’ils deviennent enseignants agréés dans leur propre communauté, ce qui éliminerait le besoin de recruter à l’externe. 

« Après tout, l’éducation, c’est l’avenir de nos communautés. Nous souhaitons aux Premières Nations d’avoir des écoles stables et efficaces, dont la direction et les employés sont des membres de la communauté, et de s’assurer que les élèves autochtones ont accès à une éducation de qualité chez eux. »