• Comme prévu, la BdC a abaissé ses taux de 50 points de base, ce qui donne un cumulatif de baisses de 125 points de base.
  • Elle a télégraphié d’autres baisses, en laissant grande ouverte la porte à une surbaisse.
  • La baisse de décembre dépendra des données.
  • Voici ce qu’il faut surveiller entre maintenant et décembre.
  • Les plans de durcissement quantitatif restent inchangés.
  • L’assouplissement s’accélère, les projections restent les mêmes, ce qui avive les inquiétudes.
  • Ainsi, il se peut que la barre soit basse pour une autre surbaisse.

La Banque du Canada a baissé ses taux de 50 points de base, pour porter le taux directeur à 3,75 %, en laissant expressément la porte ouverte à de nouvelles baisses de taux, dont l’importance et le rythme seront déterminés par les données et par l’évolution de la conjoncture. Elle n’a pas modifié les plans de son bilan. Jusqu’à maintenant, l’assouplissement cumulatif représente des baisses de 125 points de base. Ses interventions répondent à nos attentes, en laissant intacts mes points de vue sur les risques à plus long terme que la BdC pourrait frôler si elle continue d’assouplir aussi rapidement sa politique monétaire.

Essentiellement, selon les projections, la croissance et l’inflation ne changent pas, même si la BdC a accéléré le rythme de l’assouplissement monétaire, ce qui pourrait vouloir dire qu’elle a un parti pris : dans la balance, le risque d’un ralentissement de l’économie était plus important et durable, n’eût été un nouvel assouplissement que celui d’une croissance légèrement plus vigoureuse dans l’anticipation d’une accélération de l’assouplissement de la politique monétaire.

Les graphiques 1 et 2 font la synthèse des réactions des marchés dans la foulée des communiqués publiés aujourd’hui. Les marchés n’ont guère réagi : le dollar canadien n’a que très légèrement fléchi par rapport au dollar américain, alors que les rendements obligataires à plus court terme du Canada surclassent légèrement les rendements américains pour la séance. L’anticipation boursière de la prochaine décision qui sera rendue dans sept semaines, le 11 décembre, reste comprise entre une baisse d’un quart de point et une réduction de 50 points. Les cours des taux terminaux continuent de s’inscrire à 2,75 %‑3 % d’ici l’été.

Graphique 1 : Le taux de change USD/CAD; Graphique 2 : Les rendements des obligations du gouvernement du Canada

Je dirais que la BdC s’est assez bien débrouillée aujourd’hui. Elle a réduit ses taux de ‑50 points de base et a laissé tout le monde dans l’expectative : les marchés hésitaient sur l’importance de la prochaine décision, puisque les cours des taux terminaux étaient toujours anticipés aux alentours de 2,75 %‑3 % d’ici l’été prochain.

LA PROSPECTIVE : AUTRES BAISSES À VENIR

Je ne m’attarderai guère à la prospective de la BdC : a) parce qu’elle donne généralement de piètres résultats; et b) parce qu’elle sera portée par les données. Pour ce qu’elle vaut, voici ce que la BdC a déclaré :

« Si l’économie évolue essentiellement de concert avec nos dernières prévisions, nous devrions réduire encore le taux directeur. Toutefois, la chronologie et le rythme des nouvelles baisses du taux directeur seront guidés par les statistiques qui seront publiées et par nos évaluations de leurs incidences sur les perspectives de l’inflation. Nous prendrons des décisions à raison d’une réunion à la fois. »

Voici ce que le gouverneur Tiff Macklem a déclaré dans son allocution liminaire de la conférence de presse :

« Dans l’ensemble, nous considérons les risques entourant notre prévision d’inflation comme étant plutôt équilibrés, Maintenant que l’inflation est revenue à 2 %, nous voulons qu’elle ne devienne ni supérieure ni inférieure à la cible. »

Quand on l’a interrogé expressément, pendant la conférence de presse, sur l’importance éventuelle de la prochaine décision, voici ce qu’il a déclaré :

« Je ne vais pas handicaper la prochaine décision. L’orientation à suivre est assez claire à nos yeux. La chronologie et le rythme des décisions dépendront des données. Nous allons consulter énormément d’information d’ici décembre. »

Nous allons donc surveiller la multitude de données et de faits nouveaux d’ici la prochaine décision. Je ferai toutefois valoir que son point de départ pourrait consister à fixer la barre basse pour une autre baisse considérable.

Ceci dit, si la BdC avait voulu dire qu’il s’agissait d’une surbaisse ponctuelle et exceptionnelle, elle aurait pu facilement le faire. Si elle ne l’a pas fait et qu’elle a plutôt préféré laisser la porte ouverte, c’est parce qu’elle assouplit son discours et qu’elle abaisse la barre en attendant que les données guident une autre surbaisse.

CE QU’IL FAUT SURVEILLER ET QUAND IL FAUT LE FAIRE AVANT LA PROCHAINE DÉCISION

Je n’ai pas encore d’avis à donner sur l’importance de la prochaine décision en décembre. Je ne supposerais toutefois pas qu’il s’agit d’une surbaisse ponctuelle. Les prévisions que nous avons publiées laissent entrevoir une baisse d’un quart de point, ce qui n’est guère valable à cette étape, d’ici à ce que nous puissions consulter la FLOPÉE de données qui seront publiées d’ici là.

PIB :

– En août jusqu’à jeudi prochain, selon le pronostic de septembre. J’ai estimé le PIB d’août à ‑0,1 % sur un mois, en données désaisonnalisées. Nous n’avons pas encore beaucoup de statistiques pour septembre; or, les chiffres comme la baisse de ‑0,4 % sur un mois, en données désaisonnalisées, pour les heures de travail laissent entendre qu’il y a un risque de baisse.

– Septembre et troisième trimestre, selon le pronostic d’octobre le 29 novembre. Il faudra essentiellement savoir comment se déroulera la transition avec le PIB du T4. Si septembre et le pronostic provisoire d’octobre actent un ralentissement, il se pourrait que la BdC s’inquiète davantage que l’économie crée une capacité excédentaire de plus en plus considérable jusqu’à la fin de l’année.

Emplois et salaires

– Les données d’octobre seront publiées le 8 novembre.

– Les données de novembre seront publiées le 6 décembre.

IPC :

– Les prix d’octobre seront publiés le 19 novembre. Il s’agira du seul chiffre sur l’inflation qui sera diffusé avant la décision de décembre.

Les prochaines enquêtes statistiques de la BdC, ainsi que les baromètres des attentes inflationnistes, ne seront pas publiés avant janvier.

Le FOMC rendra une décision (le 7 novembre). Il faut aussi tenir compte, bien entendu, de la présidentielle américaine du 5 novembre.

LES CHANGEMENTS APPORTÉS AUX PRÉVISIONS

Les graphiques 3 et 4 font état des changements intervenus dans les prévisions de la Banque du Canada. Même si elle a relevé l’importance et le rythme de l’assouplissement monétaire, la BdC n’a pas changé ses prévisions de croissance et d’inflation par rapport au cycle précédent, ce qui pourrait vouloir dire qu’elle s’inquiète de plus en plus du risque baissier de ses projections pour compenser l’assouplissement de sa politique monétaire. 

Graphique 3 : Les prévisions révisées de la Banque du Canada pour le PIB; Graphique 4 :  Les prévisions révisées de la Banque du Canada pour l'inflation

Elle a ramené la croissance du PIB pour le T3 à 1,5 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé, contre 2,8 % dans le RPM de juillet. Elle aurait pu abaisser encore plus la croissance du PIB, puisque le traçage de 1 % fait partie du domaine des estimations très semblables; or, il s’agit toujours d’une dégradation marquée. Elle ne publie (expressément) que deux trimestres à la fois; nous avons donc sa première estimation pour la croissance du PIB au T4, qui s’établit à 2 % sur un trimestre en données désaisonnalisées et en rythme annualisé.

Elle n’a pas changé ses prévisions pour la croissance du PIB de l’an prochain, qui sont restées à 2,1 % sur le quatrième trimestre, et elle a abaissé d’un cran les prévisions de 2026 à 2,3 % sur le quatrième trimestre.

L’IPC est resté inchangé à 2 % sur le quatrième trimestre, en 2025 comme en 2026.

Quelle attention faudrait‑il porter aux prévisions de l’inflation de la BdC? Aucune. La BdC ne peut pas prévoir l’inflation. Nous avons actualisé le graphique 5 pour tenir compte des projections d’aujourd’hui. Chaque ligne tiretée correspond à ce que prévoyaient les RPM trimestriels précédents pour l’inflation par rapport à la ligne rouge, qui correspond à l’inflation réelle. Il n’est pas question des points charnières, du sous‑ciblage, du surciblage, et on paraît trop confiant dans les projections à chacune des étapes du parcours. Ainsi, quand la BdC paraît confiante à propos de l’objectif qui consiste à atteindre durablement la cible inflationniste de 2 % dans ses prévisions, il est préférable de ne pas en tenir compte.

Graphique 5 : Les prévisions de la BdC pour l'inflation

LES CHANGEMENTS DANS LES DÉCLARATIONS

La déclaration précise aussi que les cours du pétrole ont baissé de 10 $ de plus que ce qu’on avait supposé dans le RPM de juillet, ce qui est important pour le Canada en raison d’une balance commerciale moins favorable. Elle adoucit peu à peu le discours lorsque la balance commerciale fléchit considérablement.

La BdC renchérit sur ses inquiétudes sur la consommation par habitant et sur le rebond attendu. Je crois qu’elle a tout à fait tort d’être aussi obnubilée par la consommation par habitant. Si on exclut les temporaires (étudiants internationaux, travailleurs étrangers temporaires et demandeurs d’asile), la consommation ne baisse pas (graphique 6). Les temporaires ne dépensent pas naturellement comme les autres : les étudiants développent le capital humain, alors que les travailleurs étrangers temporaires dépensent un peu au pays, mais envoient leur argent à l’étranger ou repartent avec le capital accumulé à la fin de leur séjour. En outre, les temporaires représentent une population transitoire qui pourrait être ici un moment et partir l’instant d’après, pendant que le Canada durcit ses chiffres. La BdC ne devrait pas chercher à les attirer. 

Graphique 6 : La consommation réelle du Canada par habitant

LE RELEVÉ DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE

J’ai tenté ci‑après de relever sommairement ce que je crois qui était pertinent dans les questions et les réponses pendant la conférence de presse.

Q1. À quel rythme, à votre avis, le taux directeur devrait‑il revenir à un seuil où il n’est plus restrictif?

R1. Tiff Macklem : Nous avons précisé clairement l’orientation à suivre, et nous prendrons nos décisions une réunion à la fois. Nous avons décidé aujourd’hui d’aller plus loin en raison de l’information récente. Premièrement, l’inflation de synthèse a beaucoup baissé. L’inflation fondamentale continue de s’apaiser peu à peu. L’inflation des prix des logements a commencé à se ralentir, et nous avons de plus en plus l’assurance qu’elle continuera de le faire. L’offre est toujours excédentaire dans l’économie. L’inflation attendue a baissé et se rapproche aujourd’hui de la normale. L’économie progresse, mais est toujours en situation d’offre excédentaire. Le marché du travail manque de souffle. Nous avons révisé à la baisse la croissance à court terme. À nos yeux, il était approprié d’aller plus loin aujourd’hui. Nous avons aussi indiqué que nous prévoyons d’autres baisses, à raison d’une à la fois. Aujourd’hui, nous tâchons vraiment de veiller à ce que l’inflation reste proche du milieu de la fourchette de 1 % à 3 %. Puisque les forces haussières qui pèsent sur l’inflation s’apaisent, il faut que la croissance reprenne du mieux. Nous allons surveiller la croissance et l’inflation d’ici décembre.

Q2. Dans quelle mesure a‑t‑il été question d’une baisse de 25 ou de 50 points de base, ou d’une baisse encore plus importante?

R2. Tiff Macklem : Le consensus était clair : il était approprié d’aller plus loin aujourd’hui. Nous publierons la synthèse des délibérations dans quelques semaines, ce qui vous donnera une meilleure idée.

Q3. L’accélération des baisses de taux veut‑elle dire que vous avancerez le calendrier de la fin du durcissement quantitatif?

R3. Carolyn Rogers : Nous n’avons pas vraiment changé notre position sur le durcissement quantitatif. Le processus de normalisation comporte deux volets.

Q4. Vous inquiétez‑vous davantage du sous‑ciblage de la cible inflationniste?

R4. Tiff Macklem : Selon nos prévisions, l’inflation restera proche du milieu de la fourchette. Puisque les taux baissent, la croissance peut reprendre des couleurs. La conjoncture est assez prometteuse : la croissance remonte et l’inflation recule.

Q5. Qu’en est‑il des inquiétudes qui pèsent sur le logement?

R5. Carolyn Rogers : Les prévisions sur le logement reprennent effectivement du mieux. Le calendrier et l’ampleur représentent des risques dans les deux sens.

Q6. Dans quelle mesure est‑il probable que vous puissiez abaisser encore les taux de 50 points de base en décembre?

R6. Tiff Macklem : Je ne vais pas handicaper la prochaine décision. Nous avons précisé assez clairement l’orientation à suivre. Le calendrier et le rythme dépendront des données qui seront publiées. Nous allons consulter beaucoup d’information d’ici décembre.

Q7. Dans quelle mesure la Banque tient‑elle compte des attentes des marchés obligataires? Si les rendements devaient commencer à remonter, dans quelle mesure les perspectives des marchés auraient-elles une incidence sur vos attentes vis‑à‑vis d’un assouplissement supplémentaire nécessaire au Canada?

R7. Tiff Macklem : Réponse évasive. Il a déclaré que la Banque se pencherait sur l’ensemble des conditions et qu’elle fera essentiellement ce qu’il faut.

Q8. Quel serait l’impact, sur le Canada, d’éventuels tarifs douaniers imposés par les États‑Unis? Quel en serait l’impact sur la politique monétaire?

R8. Tiff Macklem : Nous allons tenir compte des risques et des changements dans la politique. Or, à cette étape, les politiques n’ont pas encore été annoncées.

Comparaison des déclarations du Banque du Canada