LE POINT SUR LA PERFORMANCE DU MARCHÉ NATIONAL EN MAI EN PRÉVISION DE LA DÉCISION DE LA BANQUE DU CANADA SUR LES TAUX

Le marché canadien du logement semble vouloir reprendre son souffle depuis les derniers mois. Les ventes d’avril ont surpassé les attentes : elles ont comptabilisé une hausse phénoménale dans les deux chiffres, après avoir enchaîné deux modestes augmentations mensuelles en février et en mars. Les données nationales sont publiées selon un court décalage par rapport aux statistiques déclarées pour les grands marchés immobiliers du pays. Nous ne rendons pas formellement compte, à intervalles réguliers, de ces statistiques « avancées ». Si nous le faisons aujourd’hui, c’est en raison de l’importance que devrait prendre à nos yeux l’évolution du marché du logement dans la décision que rendra la Banque du Canada le 7 juin. Veuillez consulter la publication Global Week Ahead de Derek Holt pour connaître l’ensemble des facteurs qui expliquent notre point de vue : nous pensons que la Banque du Canada haussera les taux cette semaine.

Du point de vue du logement, l’accélération observée en avril et la réaccélération en mai laissaient entendre que l’activité liée au logement pourrait cesser de peser sur la croissance comme elle l’avait fait pendant une grande partie de l’année écoulée. La Banque du Canada peut à peine se permettre que le segment de notre économie le plus prépondérant en taux d’intérêt reprenne du poil de la bête alors qu’elle met tout en œuvre pour ralentir l’économie et l’inflation.

Les données régionales publiées pour le mois de mai à Toronto, Vancouver, Calgary et dans la vallée du Fraser (le marché qui porte l’essentiel de la récente poussée nationale) et à Montréal laissent entendre que le marché du logement a continué de prendre de la vitesse. Ces villes ou régions donnent une approximation de la performance du marché national en mai, puisque les mouvements qui se sont produits à l’échelle nationale reprennent essentiellement la performance agrégée de ces marchés régionaux dans les annales (graphiques 1, 2 et 3). 

Graphique 1 : Les ventes : ventes agrégées et ventes nationales; Graphique 2 : Les inscriptions : inscriptions agrégées et inscriptions nationales; Graphique 3 : Le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions : ratio agrégé et ratio national

Dans ce cas, puisque les chambres régionales n’ont publié que les variations sur un an en chiffres non désaisonnalisés, nous estimons les variations sur un mois en chiffres désaisonnalisés en appliquant le même taux de croissance sur un an aux données désaisonnalisées de l’an dernier. En principe, le taux de croissance sur un an devrait être relativement comparable s’il est désaisonnalisé, puisqu’il correspondrait à la même période de l’année et à la même saison. Effectivement, lorsqu’on trace le taux sur un an en chiffres désaisonnalisés et en chiffres non désaisonnalisés pour les différentes régions, les deux taux suivent une évolution rapprochée. (Par exemple, le graphique 4 fait état des différents taux de croissance pour les ventes de Vancouver et de Toronto.)

Graphique 4 : Les ventes : ventes désaisonnalisées et ventes non désaisonnalisées

Le tableau 1 fait état des résultats régionaux de mai. 

Tableau 1 : Canada — Ventes et nouvelles inscriptions, mai 2023

Les ventes de logements semblent avoir progressé dans tous les grands marchés régionaux que nous suivons, ce qui pointe sur une performance agrégée en mai qui est supérieure de presque 10 % à celle d’avril. Puisque le marché national suit de près les données agrégées de ces marchés régionaux, on peut penser que les ventes s’annoncent vigoureuses à l’échelle nationale lorsqu’on publiera à la mi‑juin les données nationales. La bonne nouvelle, c’est qu’il semble que le retour des acheteurs sur le marché dans les derniers mois a aussi déclenché le retour de certains vendeurs sur ce marché. Les inscriptions nouvelles avaient plongé spectaculairement lorsque les ventes ont repris de la vitesse, et elles n’ont inscrit qu’une modeste augmentation de 1,6 % en avril, alors que les ventes avaient comptabilisé une hausse dans les deux chiffres. Toutefois, les résultats régionaux de mai laissent entrevoir une augmentation beaucoup plus importante des inscriptions, soit 23 %.

En avril, le niveau des inscriptions a accusé une baisse de 26 % par rapport à la moyenne du mois dans la période comprise entre 2000 et 2019. La hausse mensuelle agrégée estimative de mai permet de croire que la hausse agrégée implicite accuse une baisse de 13 % sur la moyenne du mois pour la période de 2000 à 2019 — ce qui est encore faible, mais ce qui représente une amélioration sur avril.

La normalisation est moindre dans la publication régionale des prix puisque les différentes chambres régionales font appel à des baromètres de prix différents (prix de vente moyen, indice des prix des propriétés MLS et indice repère des prix MLS); c’est pourquoi le tableau n’en fait pas état. Or, effectivement, sans égard au baromètre de prix retenu, tous les marchés ont comptabilisé des hausses mensuelles de leurs différents baromètres de prix, en faisant état d’un gain de prix mensuel à l’échelle nationale, ce qui cadre avec la tension chronique du marché malgré la hausse des inscriptions en mai, puisque les inscriptions restent faibles en raison de la demande refoulée et de la forte croissance d’immigration et de la population.

Toujours est‑il que la hausse plus importante des inscriptions par rapport aux ventes laisse entendre qu’il y a en quelque sorte une détente dans le ratio des ventes sur les nouvelles inscriptions, qui s’inscrit à 66,9 %, contre un résultat agrégé de 75,4 % en avril (soit la somme des ventes dans l’ensemble des marchés régionaux suivis, divisée par la somme de leurs inscriptions nouvelles, ce qui donne un ratio national des ventes sur les nouvelles inscriptions de 70,2 % en avril). Toutefois, ces chiffres sont toujours supérieurs à la moyenne à long terme de 55 % du ratio, et on peut penser qu’il continuera de peser sur les prix, du moins à court terme. Si toutefois cette tendance dans l’augmentation des inscriptions et dans la détente des ratios des ventes sur les nouvelles inscriptions s’avère et qu’elle s’inscrit dans la durée à l’échelle nationale, la pression sur les prix pourrait être moindre de ce qu’elle serait normalement lorsque la demande prendra du mieux.

Si les données nationales de mai cadrent avec le résultat régional agrégé estimé dans cette analyse, le marché du logement porterait énergiquement la croissance économique au T2 grâce à l’investissement résidentiel et à la consommation des biens et des services liés au logement. De concert avec le pronostic éclair d’avril de Statistique Canada et avec la vigueur des données à plus grande fréquence jusqu’à maintenant dans ce trimestre, on peut penser que le risque de hausse est important pour les prévisions de la Banque du Canada, à 1 % sur un trimestre au T2 de 2023, d’après l’hypothèse voulant que le rebond du marché du logement ne se produise pas avant le deuxième semestre de 2023. Cette augmentation vient étayer le plaidoyer en faveur d’une hausse supplémentaire de la Banque du Canada pour contrecarrer l’impact d’une reprise prématurée du marché du logement sur la demande excédentaire et sur les pressions inflationnistes, sans parler des inquiétudes qui pèsent sur la stabilité.