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Le budget présenté cette semaine par le ministre des Finances du Québec, Éric Girard, démontre que la reprise économique au Québec est encore plus forte que prévu à la fin de l’année dernière et continue à démontrer du dynamisme, selon Marc Desormeaux, économiste principal à la Banque Scotia.

« Nous estimons que la croissance économique au Québec va ralentir cette année. Par rapport aux niveaux records de l’année dernière, la croissance économique est plus lente cette année, comme partout au Canada, mais demeure tout de même forte. »

Dans ce balado animé par Stephen Meurice de la Banque Scotia, M. Desormeaux estime que l’octroi d’un crédit d’impôt remboursable de 500 $ à 6,4 millions de Québécois aurait pu être plus ciblé et risque de contribuer à la demande et à l’inflation.

 

Marc and Stephen

Transcription:

Stephen Meurice

Bonjour et bienvenue à Perspectives, je m’appelle Stephen Meurice.

Clip de Marc : « Pour le Québec et son économie… C’est vraiment l’histoire d’une économie qui performe mieux que le reste du Canada »

Vous écoutiez la voix de Marc Desormeaux, économiste principal à la Banque Scotia. Il nous parlait, il y a quelques mois, du soi-disant miracle de l’économie québécoise. Eh bien, avec la présentation d’un nouveau budget à Québec cette semaine, nous avons invité Marc à venir nous parler encore une fois pour voir si le miracle se poursuit.

Marc, bienvenue encore une fois à Perspectives.

Marc Desormeaux
Merci de m’accueillir, Stephen.

SM : Le gouvernement caquiste a donc déposé son budget cette semaine. Peux-tu nous donner les faits saillants ? Évidemment, on parle surtout d’un paiement direct de 500 $ que recevront la majorité des Québécois, mais que retrouve-t-on dans ce budget ?

MD : On constate une position financière améliorée, un plan assez prudent, une grande mesure à court terme, comme vous venez de le mentionner, ainsi que des mesures d’appoint à long terme pour le système de santé et pour stimuler la croissance économique. La mesure qui retient le plus l’attention est le transfert de 500 $ à chaque adulte ayant un revenu de 100 000 $ ou moins, qui vise à atténuer les impacts de l’inflation. Celle-ci coûtera 3 milliards de dollars pour l’année financière 2021-22.

SM : Est-ce qu’on retrouve d’autres points intéressants dans le budget, des choses qui auraient un impact direct sur les Québécois ?

MD : Les nouvelles politiques sont dominées par des mesures pour le système de santé, auquel on alloue environ 9 milliards de dollars pendant les 6 prochaines années. Ces mesures servent principalement à augmenter la capacité du système et à améliorer son accessibilité.

Il y a aussi des nouvelles mesures pour soutenir la croissance économique à long terme, dont 1,3 milliards de dollars jusqu’à l’année financière 2027 pour une nouvelle stratégie québécoise de recherche et d’innovation.

Les frais de scolarité exigés pour les étudiants étrangers sont réduits afin d’augmenter la rétention de ceux-ci dans les régions les plus frappées par la pénurie de main-d’œuvre.

SM : D’accord, intéressant. Nous allons revenir sur le paiement direct aux Québécois. Mais avant cela, peux-tu nous parler un peu des finances publiques ? En général, dirais-tu que les finances publiques du Québec sont en bonne forme, que ça continue de bien aller ? Qu’est-ce qu’on retrouve dans le budget en ce sens ?

MD : Oui, le budget présente une reprise économique encore plus forte que prévu. On a donc augmenté les prévisions de revenus gouvernementaux de 4 à 5 milliards de dollars dans les trois premières années du plan. Le solde budgétaire s’est aussi amélioré, alors la province anticipe un déficit de 3 milliards de dollars pour l’année financière 2023 et un surplus dans la prochaine année, soit une année plus tôt que prévu dans la mise à jour économique financière publiée l’année dernière. Il faut toutefois considérer aussi le déficit structurel, c’est-à-dire les déficits moins les dépôts dans le Fonds des générations. Celui-ci a été aussi réduit par rapport aux prévisions de la mise à jour publiée en novembre. Alors des déficits réduits par rapport aux dernières prévisions, et la province prévoit encore que sa dette nette en pourcentage du PIB diminuera pendant les prochaines années. Cela signifie que la position financière s’est améliorée, ce qui transparaît dans les statistiques financières.

SM : Comment se compare le Québec avec les autres provinces ou avec la situation au fédéral au niveau du déficit et de l’endettement public ?

MD : Par rapport à la dette nette, le Québec a un fardeau un peu plus élevé que plusieurs autres provinces, mais la réduction de cette dette nette, depuis les premières années 2010, est vraiment impressionnante. Dans les années 2010, la dette nette comme proportion du PIB au Québec était de plus de 50 %. En contraste, la province anticipe maintenant que cette proportion sera de 37 % du PIB dans l’année financière 2026. Il s’agit vraiment une réduction importante et d’un redressement impressionnant par rapport au niveau des premières années 2010.

SM : Intéressant. Je reviens sur la question de ces paiements directs aux Québécois. Si je comprends bien, environ 90 % des contribuables québécois vont recevoir ce paiement. Ce sont tout de même des chiffres assez importants, qui visent à atténuer l’impact de l’inflation ressentie par tout le monde ces jours-ci. Est-ce que ces paiements vont vraiment avoir comme effet d’aider les gens ou est-ce qu’une grande injection de fonds dans l’économie risque au contraire d’aggraver le problème de l’inflation ? Est-ce que ces deux scénarios peuvent être vrais en même temps ?

MD : Oui, le transfert de 500 $ s’applique à chaque adulte ayant un revenu de 100 000 $ ou moins par année et le gouvernement estime que 6,4 millions de Québécois et Québécoises profiteront de cette mesure. Nous aurions préféré une initiative plus ciblée pour quelques raisons. L’inflation que nous connaissons actuellement est un problème d’offre. Après une période de confinement de plus de deux ans pendant la pandémie, les chaînes mondiales d’approvisionnement ne sont pas capables de fournir tous les produits et services que nous désirons, ce qui crée une rareté pour plusieurs produits et services et contribue à des hausses de prix.

De plus, la guerre en Ukraine contribue encore davantage à la rareté des produits de base parce que ce pays et la Russie sont tous deux d’importants producteurs mondiaux. Il y a donc un problème d’offre. Cette mesure pourrait stimuler la demande et contribuer à l’inflation. Un transfert aux personnes à faible revenu aurait peut-être été plus efficace, en créant moins de stimulus, et la recherche indique clairement que ce sont ces gens qui sont les plus frappés par l’inflation.

La mise à jour de novembre a annoncé un crédit d’impôt pour les personnes à faible revenu, alors que la mesure du budget publié hier s’applique à une plus grande partie de la population et pourrait contribuer à la demande et à l’inflation.

SM : Quelle est la situation de l’inflation au Québec ? Est-elle comparable au reste du pays ?

MD : Oui, l’inflation au Québec est comparable à celle au niveau national. L’inflation est en fait très forte partout au pays et il s’agit d’une situation à laquelle tout le monde fait face. C’est une question importante en ce moment quand on considère l’économie mondiale.

SM : On parle depuis quelque temps d’une pénurie de main-d’œuvre qui peut freiner la croissance économique au Québec, est-ce toujours le cas et le budget avait-il quelque chose à dire à ce sujet ?

MD : Ah oui ! La pénurie de main-d’œuvre est une question importante. Dans les sondages, particulièrement chez les entreprises indépendantes, c’est un facteur qui est toujours identifié comme pouvant ralentir la croissance économique et diminuer les profits des entreprises. La pénurie de main-d’œuvre est réelle au Québec et elle est vraiment élevée. Il y a beaucoup de postes vacants. Le budget offre encore plus de soutien pour pallier cette situation : il y a du soutien pour l’apprentissage du français pour les immigrants, pour les aider à mieux intégrer le marché du travail et combler la pénurie de main-d’œuvre.

Il y a également une réduction des frais de scolarité exigés pour les étudiants afin d’augmenter leur rétention. Elle s’applique aux régions identifiées dans le programme Opération main-d’œuvre qui sert à soutenir les endroits et secteurs les plus frappés par la pénurie de main-d’œuvre au Québec. Ce sont pour la plupart des mesures d’appoint qui vont appuyer les politiques déjà mises en place pour combler la pénurie de main-d’œuvre.

SM : On a commencé en posant la question : est-ce que le miracle de l’économie québécoise se poursuit ? Qu’en pensez-vous, après avoir vu le budget hier, et que prévoyez-vous pour l’année à venir ?

MD : J’ai commencé en disant que la reprise économique au Québec est encore plus forte que prévu à la fin de l’année passée. Il y a encore du dynamisme dans l’économie québécoise, ce qui a contribué à des revenus élevés et une position financière améliorée comme on l’a vu dans ce budget. Nous prévoyons un ralentissement de la croissance économique au Québec cette année. L’année dernière a vu une croissance économique record, dans un contexte de réouverture de l’économie. On s’attend à une croissance plus lente cette année, comme partout au Canada, mais encore assez forte. L’économie québécoise a déjà récupéré les pertes d’emploi pendant la vague Omicron, alors il y a encore du dynamisme à ce niveau. Autrement dit, nous prédisons une croissance forte, sans atteindre le niveau record de l’année dernière.

SM : D’accord, nous allons terminer sur ce ton optimiste ! Merci encore une fois, Marc, d’avoir participé à ce balado.

MD : Ce fut un plaisir. Merci, Stephen.

SM : Je parlais avec Marc Desormeaux, économiste principal à la Banque Scotia. Merci à vous tous de nous avoir écoutés, à une prochaine fois.