Selon les données de Statistique Canada, il faut environ 10 ans aux nouveaux arrivants pour trouver un emploi qui correspond à leurs compétences et à leur formation, un délai beaucoup plus long que pour les travailleurs nés au Canada ayant des expériences similaires.

Même pour les personnes possédant les niveaux de formation et de qualification les plus élevés, quelques années s’écoulent avant qu’elles ne trouvent un poste à la hauteur de leur potentiel.

Ce décalage ainsi que les autres défis auxquels sont confrontés les nouveaux arrivants lorsqu’ils intègrent l’économie canadienne font l’objet d’un nouveau projet de recherche mené par le Conference Board of Canada.  

« C’est bien trop long, affirme Iain Reeve, directeur associé, Recherche en immigration de l’organisme de recherche sans but lucratif situé à Ottawa.

« Il s’agit d’une période très longue, même pour les personnes les plus qualifiées que nous attirons au Canada. Nous tâcherons d’observer ce phénomène de plus près. »

Intitulé le Centre for Business Insights on Immigration, ce projet servira à mener des recherches et à publier des rapports clés concernant des sujets, tels que l’équilibre entre la demande sur le marché du travail et le capital humain dans le processus de sélection des immigrants ainsi que l’accélération de l’intégration économique de ces derniers.

L’objectif de ce projet, qui jouit de l’appui financier de la Banque Scotia, est d’obtenir des informations susceptibles d’améliorer et d’accélérer l’intégration économique des nouveaux arrivants au Canada et d’aider les employeurs à embaucher, à retenir et à faire progresser les talents issus de l’immigration. Le projet vise également à repérer les lacunes actuelles sur le marché du travail canadien et à fournir des données aux décideurs politiques afin qu’ils puissent prendre des décisions éclairées en matière de politique d’immigration.

Pour soutenir cette recherche essentielle, la Banque Scotia s’est engagée à verser 300 000 $ sur trois ans. En tant que commanditaire, la Banque siègera au sein du comité directeur et aura son mot à dire en ce qui concerne les sujets de recherche. 

Cet investissement s’inscrit dans le cadre de ScotiaINSPIRE, une initiative de 500 M$ sur 10 ans visant à développer la résilience économique des groupes défavorisés.

« Les recherches menées par le Conference Board of Canada sur l’immigration et les nouveaux arrivants sont importantes et ont une incidence, relate Maria Saros, vice-présidente et chef mondiale, Impact social. Nous sommes heureux de soutenir son travail et nous espérons que cette initiative contribuera à renforcer le système d’immigration du pays en permettant de mieux comprendre les besoins et les lacunes et qu’elle mettra en évidence ce que les employeurs peuvent faire pour aider les nouveaux arrivants à bien s’intégrer et à s’épanouir au Canada. »

Le but est de faire ressortir des connaissances qui pourront être appliquées par tous les types d’employeurs dans l’ensemble de l’économie canadienne. Le soutien et le financement du Centre proviennent de plusieurs secteurs, dont ceux du tourisme et de la technologie.

Le Centre for Business Insights on Immigration a été présenté dans le cadre du Sommet ScotiaINSPIRE portant sur la résilience économique, une conférence tenue à Toronto le 12 mai dernier durant laquelle la question de l’inclusion économique a fait l’objet de séances et a été abordée par divers conférenciers.

Les premières recherches du Centre se concentreront sur les « questions d’ensemble », comme l’indique M. Reeve.

Il s’agit notamment de comparer le bassin de talents aux besoins du marché du travail canadien.

Depuis de nombreuses années, l’approche du Canada consiste à faire venir au pays des personnes talentueuses possédant de hauts niveaux d’éducation et d’expérience professionnelle ainsi que la connaissance du français et de l’anglais. Toutefois, M. Reeve a fait remarquer que les candidats ne répondent pas nécessairement aux besoins des employeurs canadiens à un moment donné.

« D’une part, il est logique que les personnes les plus douées et les plus brillantes, soit celles qui sont le plus susceptibles de réussir à long terme, viennent au pays. D’autre part, les besoins de l’économie canadienne seront comblés si on fait venir des immigrants qui répondent aux caractéristiques des postes vacants, ce qui aidera également les nouveaux arrivants à réussir. Notre priorité est donc la recherche d’un meilleur équilibre entre ces deux objectifs. »

M. Reeve donne l’exemple que bien qu’il y ait une pénurie de médecins et d’autres spécialistes et un besoin constant en talents dans le secteur des technologies, il y a également une demande de travailleurs dans l’industrie manufacturière, des transports et de l’habitation.

« Nous avons constaté un changement radical dans la demande de postes de niveau intermédiaire et débutant, fait remarquer M. Reeve. Il y a un équilibre entre tous ces éléments, mais il est clair que l’objectif pour lequel notre système a été créé est différent du contexte dans lequel nous évoluons aujourd’hui. Nous pouvons raisonnablement prévoir que cet état de fait se poursuivra pendant un certain temps. »

L’accent sera également mis sur la phase d’embauche et les obstacles rencontrés lors de la recherche de talents, tels que l’évaluation des compétences, de l’expérience et de la formation des nouveaux arrivants et la contribution de ces éléments au sous-emploi.

M. Reeve souligne que la discrimination et le racisme constituent toujours des facteurs, qu’ils soient intentionnels ou le fruit de préjugés inconscients. Il ajoute par contre que l’enjeu que représente le recours à des méthodes traditionnelles pour évaluer les qualifications d’un candidat, comme communiquer avec un ancien employeur ou consulter les relevés de notes, dans un contexte multilingue ou outre-frontière est un autre obstacle.

Pour M. Reeve, la question est la suivante : « Que pouvons-nous faire pour faciliter le processus d’embauche pour les employeurs afin qu’ils engagent un plus grand nombre d’immigrés et qu’ils tirent parti de tous les talents immigrés qui sont actuellement sous-employés ou qui n’occupent pas le poste qu’ils souhaiteraient et pourraient certainement occuper? »

Il espère que les recherches du Centre permettront de trouver des moyens de réduire de manière significative le délai de 10 ans en matière de recherche d’emploi auquel sont confrontés les nouveaux arrivants.

« J’aimerais que les immigrants trouvent un travail qui les satisfasse et les rémunère équitablement beaucoup plus tôt dans le processus, dit M. Reeve. Ce souhait ne profitera pas seulement à ces personnes, à leurs revenus ainsi qu’à leur satisfaction de vivre et d’être venu s’établir au Canada. Le Canada aussi en bénéficiera. Si tout le monde travaille de manière aussi productive que possible, c’est bon pour la croissance économique. »