La technologie est de plus en plus accessible et abordable, et les enfants sont plus à l’aise de l’utiliser dès un jeune âge. Sur Internet, les enfants accèdent à des jeux éducatifs, font leurs recherches pour leurs travaux scolaires, expriment leur créativité ou clavardent avec leurs amis sur les médias sociaux. Il arrive fréquemment que les parents exercent moins de surveillance, par manque de temps. Mais les enfants sont plus à risque que jamais, puisque les prédateurs naviguent dans les médias sociaux quasiment incognito, à la recherche d’enfants à exploiter sexuellement. On pense ici aux photos, aux vidéos et même aux agressions en direct. Et le phénomène s’accentue avec la pandémie, qui isole les gens à la maison et amène les enfants à passer des heures et des heures en ligne.

La traite de personnes est largement motivée par l’appât du gain, mais l’exploitation sexuelle des enfants est un crime horrible souvent perpétré pour d’autres motifs et plus difficile à détecter, explique Stuart Davis, vice-président à la direction et chef mondial, Gestion du risque de crimes financiers de la Banque Scotia, qui a joué un rôle déterminant dans le lancement du projet Shadow.

Les forces de l’ordre peinent déjà à suivre les criminels qui, avec l’aide de la technologie, exercent leurs activités n’importe où dans le monde, se cachant derrière des réseaux privés virtuels et le Web clandestin en utilisant des logiciels de cryptage. M. Davis craint que la pandémie entraîne une augmentation du nombre de personnes assez désespérées pour permettre l’utilisation de leurs enfants dans la production de matériel en ligne en contrepartie de sommes d’argent. Il faut des efforts concertés pour bâtir un environnement en ligne où les enfants sont en sécurité et pour traduire les auteurs de ces crimes en justice.

Le projet Shadow — un partenariat public-privé annoncé officiellement aujourd’hui par le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) — est un nouvel outil dans l’arsenal du Canada pour aider les institutions financières à participer à la détection de ce crime odieux.

« Cette nouvelle collaboration permettra de braquer les projecteurs sur un crime dont nous ne voulons pas, ni à la Banque, ni dans les collectivités », affirme M. Davis. Il souligne toutefois que la participation de tous les partenaires— les organisations non gouvernementales, les sociétés de technologie, les institutions financières, le gouvernement et les forces de l’ordre — est nécessaire si l’on veut réduire les conséquences de ces crimes et aider les victimes.

Dirigé conjointement par la Banque Scotia et le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE), le projet a déjà permis au CANAFE de transmettre aux services de police partenaires plus de 40 déclarations de renseignement financier liées à l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne. Le CANAFE, la cellule canadienne de renseignement financier, émet des alertes opérationnelles qui expliquent aux entreprises de services financiers les spécificités permettant de détecter le blanchiment d’argent et les produits de la criminalité et transmet l’information à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’alerte opérationnelle du projet Shadow a été lancée aujourd’hui.

L’alerte opérationnelle du projet Shadow comprend 40 indicateurs de blanchiment d’argent lié à l’exploitation sexuelle des enfants en ligne. Par exemple, envoi ou réception de fonds d’un délinquant sexuel, frais de voyage avant ou après un virement de fonds dans un territoire où l’exploitation sexuelle des enfants est une préoccupation, achats d’outils de cryptage en ligne, réseaux virtuels privés ou autres services permettant l’anonymat.

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Cette nouvelle collaboration permettra de braquer les projecteurs sur un crime dont nous ne voulons pas, ni à la Banque, ni dans les collectivités. 

-          Stuart Davis, vice-président à la direction et chef mondial, Gestion du risque de crimes financiers de la Banque Scotia

« Il existe certains liens avec la traite de personnes, mais parce qu’il s’agit d’un phénomène en ligne, on a affaire à un groupe plus important et caché de pédophiles et d’autres agresseurs d’enfants qui publient du contenu — parfois de membres de leur famille immédiate. Il y a aussi de petits réseaux privés de personnes qui se transmettent du matériel absolument atroce », souligne M. Davis.

« Beaucoup de gens croient à tort que personne ne vend de matériel, mais c’est loin d’être le cas. En réalité, l’enjeu s’est complexifié », explique M. Lloyd Richardson, premier directeur des TI du CCPE, dont les services au grand public sont répartis en trois volets : intervention, prévention et éducation. « Nous sommes vraiment ravis que des joueurs comme la Banque Scotia et le CANAFE participent, car nous estimons que le projet Shadow est très important. »

Les statistiques démontrent que, déjà immense, la quantité de matériel en ligne a explosé avec la pandémie qui a touché le monde entier. Par exemple, la fondation Internet Watch, organisme de bienfaisance établi au Royaume-Uni qui signale et retire les photos et vidéos d’exploitation sexuelle d’enfants en ligne, rapporte un nombre record de signalements, ses analystes ayant traité 15 258 signalements en septembre, une hausse de 45 % par rapport à la même période l’an dernier.

Le CCPE, qui a mis sur pied une ligne nationale de signalement d’agressions sexuelles et de leurre informatique d’enfants appelée Cyberaide.ca, explique que sa participation au projet Shadow se concrétise dans le Projet Arachnid, un outil automatisé détectant les lieux où des images d’agressions pédosexuelles permettent aux prédateurs d’en tirer des gains pour ensuite les faire retirer d’Internet.

Le CCPE constate une tendance encore plus alarmante : « Ce n’est pas l’augmentation des signalements de contenu illustrant des agressions sexuelles d’enfants sur Internet, mais plutôt l’augmentation marquée – environ 80 % — des signalements de leurre informatique et autres formes de violence de cet ordre. Nous voyons également dans les conversations entre les prédateurs sexuels dans le Web clandestin que les enfants courent certainement de plus grands risques, en raison de la pandémie qui entraîne des conséquences imprévues », souligne M. Richardson.

Pour évaluer la réussite du projet Shadow, M. Davis mentionne plusieurs choses qu’il aimerait voir : la perturbation des activités; une plus grande sensibilisation, des campagnes d’information pour montrer aux enfants à se protéger; une meilleure capacité des forces de l’ordre à obtenir davantage de condamnations; et une plus grande responsabilité des entreprises à tous les niveaux. « Ce ne sont pas seulement les banques qui doivent se pencher sur ce problème », rappelle-t-il.

La Banque Scotia veut aussi se servir des thèmes du projet Shadow pour être porteuse de changements dans les pays où elle exerce ses activités, notamment en Amérique latine et dans les Antilles. Elle s’est d’ailleurs jointe récemment au comité consultatif de WePROTECT, un centre de lutte contre l’exploitation des enfants partout dans le monde qui est basé au Royaume-Uni et qui veut aussi aider les différents pays d’Amérique latine et des Antilles à mettre fin aux agressions sexuelles d’enfants en ligne. « L’exploitation des enfants au Canada est peut-être différente de celle qui sévit dans certains de ces pays, mais nous devons protéger les plus vulnérables, les enfants, partout », conclut M. Davis.