Le taux de décrochage du Canada au niveau secondaire est d’environ 10 %, ce qui est faible comparativement à celui de ses pairs. Mais la réussite et la persévérance scolaires peuvent être difficiles pour des dizaines de milliers de jeunes. Dans les milieux à faible revenu, les jeunes font face à d’autres obstacles importants – l’instabilité financière, le manque de ressources et de soutien éducatif, la barrière de la langue, entre autres — qui compliquent l’obtention de leur diplôme d’études secondaires.

Selon le Conference Board du Canada, les citoyens plus éduqués sont plus actifs dans la société; font de meilleurs choix quant aux facteurs jouant sur la qualité de vie (p. ex., alimentation, usage du tabac, exercice); et gagnent un revenu plus élevé que les personnes moins éduquées. Les personnes plus éduquées et plus formées contribuent de façon plus importante aux innovations, à la productivité et à la performance économique du pays.

« Depuis 20 ans, le Canada va dans la bonne direction, puisque de moins en moins de jeunes ne terminent pas leurs études secondaires dans la plupart des provinces, souligne Nicolas Greenfield, directeur, Développement des programmes nationaux, YMCA du Québec. Mais il y a des provinces où le taux de décrochage est beaucoup plus élevé et il existe des populations où la proportion de jeunes décrocheurs est nettement plus marquée. »

« Mais pour un jeune qui se fait suspendre de l’école et dont les études en souffrent, le fait que la moyenne ait diminué ne veut absolument rien dire. Son expérience est la même, qu’il soit l’un de ces 10 % ou 20 % de décrocheurs », rappelle M. Greenfield. Il souligne au passage qu’environ 80 % des jeunes qui ne terminent pas leurs études secondaires ont été suspendus à répétition, et particulièrement les jeunes autochtones, noirs et de couleur et les jeunes LGBT+.

 

   
Nicolas Greenfield    

 

M. Greenfield supervise le programme Alternative Suspension (AS) à l’échelle nationale. Créé par les YMCA du Québec en 1999, ce programme aide les jeunes à risque – ceux qui sont suspendus ou qui présentent les indicateurs qu’ils sont engagés dans cette voie – à développer la résilience, l’autonomie et leur capacité de persévérer à l’école avec l’aide d’intervenants qualifiés.

Le programme AS, qui vise à transformer une suspension en expérience de vie positive, cadre parfaitement avec l’initiative ScotiaINSPIRE, qui cherche à augmenter le taux de diplomation au secondaire et à encourager la poursuite d’études postsecondaires. La Banque Scotia a annoncé qu’elle faisait un don de 2,15 millions de dollars sur trois ans à ce programme. ScotiaINSPIRE, c’est une initiative d’investissement de 500 millions de dollars sur 10 ans visant à développer la résilience économique des groupes défavorisés.

« Dans le cadre de ScotiaINSPIRE, nous sommes fiers d’appuyer le programme Alternative Suspension du YMCA, qui vise à faire en sorte que les suspensions scolaires deviennent des occasions d’aider les élèves à acquérir la confiance nécessaire pour poursuivre et terminer leurs études, explique Meigan Terry, première vice-présidente et chef, Impact social, Durabilité et Communications à la Banque Scotia. Notre engagement nous permettra de soutenir le programme dans environ 50 sites pour aider des élèves de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick et du Québec. »

« Les suspensions sont les signes avant-coureurs des élèves qui se désengagent de l’école et qui pourraient aller jusqu’à décrocher, affirme Sonalin Bhayani, directrice, Engagement des jeunes, YMCA de Calgary. Nous cherchons à développer la résilience des jeunes, un à la fois, et à les aider à réussir lorsqu’ils retournent à l’école et dans leur vie sociale. »

Au début de sa carrière de professeur en Inde, elle enseignait à des élèves aux prises avec toutes sortes de difficultés (problèmes d’apprentissage, familles dysfonctionnelles, difficultés économiques, défis sociaux) qui limitaient leur capacité à se concentrer à l’école et elle rêvait d’un programme comme le programme AS. « Ce programme est une excellente ressource pour le système scolaire canadien et pour les jeunes, et je pense que ses répercussions se feront sentir à long terme », renchérit-elle.

 

   
Sonalin Bhayani    

 

Le programme AS peut servir de point d’accès à d’autres services communautaires pour aider les jeunes éprouvant d’autres difficultés.

Le programme AS peut combler les écarts entre les suspensions de courte durée et de longue durée, pour des périodes de trois à cinq jours, explique M. Greenfield. Les suspensions d’un jour ou deux sont habituellement gérées à l’école même, l’élève faisant ses travaux scolaires dans le bureau du directeur adjoint ou la bibliothèque. Pour les suspensions de six jours ou plus, de nombreux conseils scolaires au pays ont mis en place des services pour que les élèves ne restent pas à la maison à ne rien faire. Il rappelle qu’en Ontario, depuis l’entrée en vigueur en 2001 de la Loi sur la sécurité dans les écoles, il est obligatoire pour les conseils scolaires d’organiser la prestation de programmes parallèles d’études en cas de suspension de longue durée.

« Je pense que la partie la plus importante de notre travail d’intervenant auprès des jeunes, c’est de nouer la relation », explique Teresa Weatherby, superviseure, Programmes jeunesse, Alternative Suspension, YMCA du Grand Vancouver. Les intervenants s’entretiennent en privé avec les jeunes et ils organisent des ateliers de groupe pour parler des choix qu’ils font. « Nous parlons de valeurs comme le respect et la responsabilité, et des raisons pour lesquelles elles sont importantes. Nous parlons aussi d’adversité, de résilience, de colère, d’émotions, de drogues et de l’école. Puis nous élaborons un plan avec le jeune, et nous sommes là pour le soutenir pour son retour à l’école, continue‑t‑elle. C’est important que le jeune se sente entendu et que nous le laissions prendre ses décisions. »

 

   
Teresa Weatherby    

 

Le programme AS, qui aide environ 3 000 jeunes à risque de plus de 200 écoles de plus de 30 conseils scolaires chaque année, a été conçu comme une intervention hors de l’école pour les jeunes de 12 à 17 ans en crise. Les participants développent une relation de confiance avec un adulte jouant un rôle de modèle positif (l’intervenant), ils comprennent les défis qu’ils doivent surmonter et ils reçoivent les outils dont ils ont besoin pour développer leur résilience et se préparer à un retour réussi à l’école.

Le programme AS a fait ses preuves. Sur le plan des problèmes de comportement, le programme entraîne des changements positifs pour 85 % des jeunes à moyen terme, et pour 50 % des jeunes à long terme, selon CAC International, une firme d’évaluation indépendante. Les administrations scolaires rapportent que la plupart des participants (65 %) reçoivent moins de mesures disciplinaires après leur participation au programme, contre 40 % dans un groupe témoin. Sur le plan académique, une étude récente montre que les participants au programme sont plus susceptibles de réussir, 44 % des participants ayant atteint ou surpassé les attentes sur le plan des apprentissages à la fin de de l’année scolaire, comparativement à seulement 29 % des membres du groupe témoin.

Teresa Weatherby, qui est une intervenante depuis 12 ans, note que cette année, après plus de deux ans de pandémie, elle constate un plus grand désengagement chez les élèves. « Ce sont les cas que je reçois le plus souvent à l'heure actuelle. Peut-être qu’ils se sont battus, qu’ils prennent de la drogue ou qu’ils échouent toutes leurs matières, mais en fin de compte, quand on parle avec eux en privé, on s’aperçoit qu’ils ont de la difficulté à voir la pertinence des études. »

Grâce au don de la Banque Scotia, les sites offrant ce programme pourront passer moins de temps à chercher du financement et plutôt voir à ce que les intervenants et les jeunes ont tout ce dont ils ont besoin pour réussir, explique M. Greenfield. Le don permettra aussi d’étendre ce programme dans de nouvelles collectivités au Canada.