Depuis une trentaine d’années, l’Université Concordia, située à Montréal, élabore un plan visant la décolonisation et l’autochtonisation de l’établissement; la célébration des différents savoirs; et l’ancrage de ses actions dans les valeurs d’équité, de diversité, d’inclusion et d’accessibilité. Ce plan a commencé par la création, en 1992, de ce qui est aujourd’hui le Centre de ressources pour les étudiantes et étudiants autochtones Otsenhákta, un service sur le campus pour la population étudiante inuite, métisse et des Premières Nations, dont le nom se traduit par « près du feu ».
À la suite de la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) en décembre 2015, l’université cinquantenaire s’est penchée sur la question de la formation des Autochtones en faisant preuve d’un vif empressement. Elle a commencé à élaborer une feuille de route officielle – le plan d’action sur les directions autochtones – afin d’ouvrir la voie à un avenir plus équitable et plus inclusif pour les étudiants inuits, métis et des Premières Nations en 2019.
Cet automne, Concordia accueillera la première cohorte de son programme de transition autochtone Kaié:ri Nikawerà:ke, qui se traduit en langue kanien'kéha par « les quatre vents », ou « les quatre directions ». Le programme vise à offrir aux étudiants autochtones qui ne répondent pas aux critères d’admission traditionnels de Concordia une voie d’accès à un diplôme dans un domaine d’études en mathématiques et en sciences, tel que l’ingénierie.
Photo: Manon Tremblay, directrice principale des directions autochtones de Concordia
La Banque Scotia investit 1,4 M$ sur cinq ans dans la Campagne pour Concordia : Place à la nouvelle génération pour favoriser la réussite de la population étudiante autochtone et internationale. Le partenariat s’inscrit dans le cadre de ScotiaINSPIRE, une initiative d’investissement de 500 M$ sur 10 ans visant à développer la résilience économique des groupes défavorisés. L’argent servira à financer l’embauche de personnel à temps plein et à temps partiel ainsi que cinq bourses d’entrée par an pour le programme de transition autochtone. Elle financera également le programme de la feuille de route en matière de carrières pour l’excellence des étudiants internationaux (Career Roadmap for International Student Excellence, C-RISE), une plateforme qui aide les étudiants étrangers à mener une carrière fructueuse au Canada après l’obtention de leur diplôme.
« Dans le cadre de ScotiaINSPIRE, nous sommes fiers de nous associer à l’Université Concordia et, ainsi, de contribuer à éliminer les obstacles à l’obtention d’un diplôme et à fournir un soutien crucial pour que les jeunes défavorisés de tous les milieux aient la chance de s’épanouir et de planifier leur avenir », a déclaré Sophia Doulaghsingh, première directrice, Partenariats communautaires et Impact social à la Banque Scotia. « Aider les jeunes défavorisés à obtenir le soutien dont ils ont besoin pour réussir leurs études postsecondaires est essentiel à la construction d’un avenir plus équitable et plus inclusif pour tous ».
Dans son rapport, la Commission de vérité et réconciliation, créée par le gouvernement fédéral pour faciliter la réconciliation entre les anciens élèves des pensionnats indiens, leurs familles, leurs communautés et tous les Canadiens, a lancé 94 appels à l’action. Ce rapport a incité les universités canadiennes, en collaboration avec les communautés autochtones, à définir rapidement 13 principes qui jetteraient les bases d’un avenir meilleur pour les peuples autochtones.
Le plan d’action de Concordia est un guide qui permet aux étudiants et au personnel de réévaluer les programmes d’études du point de vue des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Pour aller de l’avant, il faudrait penser différemment : s’appuyer moins sur un mode d’apprentissage eurocentrique, et prendre davantage conscience des systèmes de connaissance et des traditions autochtones.
Deux ans après la mise en œuvre du plan, il était clair que celui-ci ne parvenait pas à éliminer les obstacles à l’enseignement postsecondaire pour les étudiants autochtones, notamment en ce qui concerne les cours de mathématiques et de sciences requis pour les programmes de sciences, de technologie, d’ingénierie et de mathématiques (STIM). Concordia a conçu l’idée d’un programme qui permettrait aux étudiants autochtones d’acquérir les compétences dont ils ont besoin pour réussir dans les études et les carrières liées aux STIM.
Le programme a un rôle à jouer dans les plans de décolonisation des programmes d’études de Concordia et beaucoup d’efforts seront mis sur l’enseignement et l’apprentissage.
« Dans l’enthousiasme de ce premier lancement, quelques recommandations nous ont échappé », explique Manon Tremblay, directrice principale des directions autochtones de Concordia. « L’une d’elles était de savoir comment nous, en tant qu’université, pouvions aider les étudiants potentiels qui, pour diverses raisons, n’ont pas les prérequis pour accéder à l’enseignement postsecondaire ».
« Dans de nombreuses communautés éloignées du Québec, le manque d’enseignants signifie que certains cours ne sont pas offerts et que de nombreux étudiants ne sont pas en mesure d’obtenir leur diplôme d’études secondaires et de passer au Collège d’enseignement général et professionnel (CÉGEP) ou à l’université », a fait remarquer Mme Tremblay.
Au cours de l’année pilote, les étudiants souhaitant obtenir un baccalauréat en génie (BEng) à l’École de génie et d’informatique Gina Cody bénéficieront de cours conçus par le Centre pour la réussite des étudiantes et étudiants (Student Success Centre) afin de les aider à compléter le programme de mathématiques et de sciences prérequis et à renforcer leur capacité à réussir leurs études en matière d’écriture, d’aptitudes à l’étude et de gestion du temps. Ils acquerront également des compétences générales qui les aideront à gérer leur budget et à s’adapter à la vie montréalaise.
Mme Tremblay a indiqué que Concordia prévoyait d’étendre le programme à d’autres départements de STIM. L’établissement espère également que le programme attirera suffisamment d’étudiants pour qu’il puisse proposer des sections de cours spécialement destinés aux étudiants autochtones.
« Le programme a un rôle à jouer dans les plans de décolonisation des programmes d’études de Concordia et beaucoup d’efforts seront portés sur l’enseignement et l’apprentissage. Les étudiants autochtones n’apprennent pas nécessairement de la même manière que le Canadien moyen, c’est pourquoi nous pourrions adapter les méthodes d’enseignement pour permettre un apprentissage plus interactif, par exemple en allant à l’extérieur pour transmettre certains concepts scientifiques », a-t-elle déclaré.
Le programme de transition autochtone permet également aux étudiants d’accéder au Centre de ressources pour les étudiantes et étudiants autochtones Otsenhákta, qui peut leur fournir des services allant du suivi hebdomadaire individuel à la mise à disposition d’autres ressources sur le campus, en passant par la recherche d’une aide financière ou d’une bourse. C’est également un espace où les étudiants autochtones peuvent se réunir et retrouver une communauté.
Photo: Mariah St. Germain,coordonnatrice de la réussite des étudiants autochtones au Centre de ressources pour les étudiantes et étudiants autochtones Otsenhákta
« Je m’efforce de créer un environnement chaleureux et accueillant pour les étudiants – leur maison loin de chez eux », a déclaré Mariah St Germain, coordonnatrice de la réussite des étudiants autochtones au Centre de ressources pour les étudiantes et étudiants autochtones Otsenhákta. « Je veux m’assurer qu’ils savent que quelqu’un les soutient pendant cette période de transition, et qu’ils essaient de réussir. »
« Passer d’un mode de vie autochtone – où la communauté est la pièce maîtresse de l’identité, de la culture et de la langue – à un mode de vie d’étudiant universitaire peut être bouleversant », affirme-t-elle. « Qu’ils soient métis, inuits ou des Premières Nations, ces étudiants tirent un sentiment de fierté et d’appartenance à la communauté du fait de pouvoir partager leur culture et leurs traditions au Centre. »
« Le plan d’action de Concordia et le programme de transition autochtone ne visent pas uniquement à aider les étudiants à accéder à l’enseignement postsecondaire d’un point de vue individuel, a déclaré Mme Tremblay. Il s’agit également d’investir dans l’avenir des communautés autochtones. Les étudiants autochtones ont tendance à choisir des programmes qui les aident à donner un sens à leur vie et à réinvestir dans leurs communautés », a-t-elle fait remarquer.
« Chaque diplômé qui sort d’un programme comme celui-ci et qui est ensuite admis dans le programme de son choix a un fort potentiel de devenir un chef de file dans le développement socio-économique de sa communauté », a déclaré Mme Tremblay.