L’un des plus grands défis auxquels font face les dirigeants du monde entier est de savoir comment nourrir les 8,1 milliards d’habitants de la planète, tout en essayant de ralentir une crise climatique qui ne cesse de s’aggraver. Dans les zones d’affleurements rocheux très reculés du globe, il est difficile de cultiver des fruits et des légumes frais. Pour y produire de la nourriture de manière durable tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, il faudra trouver de nouvelles façons d’utiliser les outils existants.

Telle est la mission d’une équipe de chercheurs en sciences de l’environnement du campus Grenfell de l’Université Memorial de Terre-Neuve, à Corner Brook. L’équipe, menée par la professeure adjointe, Christina Smeaton, et le professeur, Lakshman Galagedara, a pour objectif de déterminer si la pratique séculaire consistant à répandre des algues sur les champs et les jardins peut produire des aliments frais riches en nutriments tout en augmentant la séquestration du carbone dans le sol et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES).

« Les algues sont potentiellement une bonne source de nutriments », a déclaré Madame Smeaton. « Elles capturent également le dioxyde de carbone de l’atmosphère pendant leur croissance et permettent d’éviter l’utilisation d’engrais synthétiques, qui émettent de l’oxyde nitreux, un gaz à effet de serre très puissant. »

Two hands removing a clump of seaweed from water

Photo crédit : Lorilee Pike, Grenfell, l’Université Memorial


À Terre-Neuve-et-Labrador, les producteurs de denrées alimentaires se heurtent à plusieurs obstacles (une période de culture courte, et un sol rocailleux et infertile). Par conséquent, pour s’approvisionner en produits frais, les habitants de la région dépendent du système de transport, par ailleurs précaire, et ce, pendant la majeure partie de l’année. L’an dernier, cette chaîne d’approvisionnement a été mise à rude épreuve lorsque Fiona, devenu un cyclone extratropical, a dévasté une grande partie de Port aux Basques, le principal port d’entrée de marchandises de la province. Si cette dernière veut cultiver davantage de produits frais – surtout si elle espère se rapprocher des objectifs de carboneutralité fixés pour 2050 par l’Accord de Paris –, les chercheurs pensent qu’un accès facile à des engrais de haute qualité pourrait être essentiel. Le projet de l’Université Memorial – qui vise à encourager l’usage d’algues comme engrais pour réduire l’empreinte carbone en vue d’atteindre la carboneutralité – est l’un des dix projets à bénéficier cette année d’une subvention du Net Zero Research Fund (NZRF) de la Banque Scotia, fonds qui totalise 10 millions de dollars. Celui-ci a été créé en 2021 pour offrir des subventions allant jusqu’à 100 000 $ à des projets de recherche individuels qui font avancer la recherche ayant des retombées positives sur l’environnement, dans le cadre des engagements de la Banque Scotia sur le climat. Depuis sa création, le fonds a versé deux millions de dollars à 21 organisations des Amériques qui étudient la décarbonatation et le changement dans les systèmes liés au climat. Le fonds NZRF fait partie de l’initiative du Centre d’excellence sur les changements climatiques de la Banque Scotia, qui permet à la Banque de contribuer au débat international à ce sujet et de construire un monde meilleur pour tous.

« L’un des objectifs du Net-Zero Research Fund est d’aider les projets qui soutiennent directement et entreprennent des initiatives de décarbonatation. Le secteur agricole représente environ 11 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et un ratio similaire de 8,1 % des émissions du Canada. Nous sommes heureux de voir que les projets de l’Université Memorial et de trois autres lauréats de cette année consacrent d’importantes recherches à la résolution des problèmes liés à la séquestration du carbone, aux pratiques agricoles durables et aux recommandations sur les politiques dans ce secteur », a déclaré Kim Brand, vice-présidente et chef mondiale, Durabilité, à la Banque Scotia.

« Les recherches de l’Université Memorial peuvent contribuer à lutter contre l’insécurité alimentaire et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes fiers de soutenir l’équipe de recherche qui tente de comprendre le rôle que pourraient avoir les algues dans la production durable d’aliments », a affirmé Mme Brand.

« Les changements climatiques demeurent une priorité absolue pour la Banque Scotia, qui continue de permettre à des établissements d’enseignement supérieur ainsi qu’à des laboratoires d’idées de premier plan au Canada et à l’internationale de mener des actions environnementales positives par l’entremise de leurs recherches », a assuré Mme Brand.

Woman walking along beach with seaweed washed up

Photo crédit : Lorilee Pike, Grenfell, l’Université Memorial
 

Émissions de méthane

Selon une évaluation réalisée par les Nations Unies, plus de la moitié des émissions mondiales de méthane proviennent des activités humaines, essentiellement de trois secteurs : des combustibles fossiles (35 %), des déchets (20 %) et de l’agriculture (40 %). Dans ce dernier, les émissions du bétail (provenant du fumier et de la fermentation entérique) en représentent environ 32 %. Les mesures actuellement proposées pourraient permettre de réduire les émissions de ces secteurs de 45 % d’ici 2030, selon l’évaluation.

L’agriculture émet principalement deux gaz à effet de serre, a expliqué Madame Smeaton. Le premier est le méthane, qui provient de l’estomac des vaches et de la décomposition du fumier dans les champs des agriculteurs ou lors du stockage, et qui compte pour l’essentiel des émissions du secteur. Le second, dont on parle moins en revanche, est l’oxyde nitreux, un gaz à effet de serre très puissant issu des engrais à base d’azote, poursuit-elle.

Des études sont en cours pour expliquer comment le composé organique bromoforme, que l’on trouve dans les algues, contribue à réduire le méthane émis par les vaches, a-t-elle déclaré, ajoutant que l’équipe de l’Université Memorial cherche à appliquer cette découverte aux sols agricoles. « Les microbes présents dans l’estomac des vaches et responsables de la production de méthane se retrouvent également dans le sol. Nous souhaitons donc déterminer si l’utilisation d’algues en tant qu’engrais réduira les émissions de méthane. Nous sommes les premiers à examiner les avantages des engrais à base d’algues en vue d’atténuer les changements climatiques », a-t-elle affirmé.

Approvisionnement en algues et accès aux connaissances

Shorefast – une entreprise sociale de l’île Fogo qui rassemble des organisations, des initiatives et des programmes communautaires pour renforcer le développement économique de la collectivité (surtout connue pour avoir été le fer de lance du Fogo Island Inn, de renommée mondiale) – s’est associée au projet pour assurer l’approvisionnement en algues et faciliter l’accès aux connaissances locales, a indiqué Madame Smeaton.

Compte tenu de cette longue tradition agricole sur l’île Fogo et des liens étroits que l’entreprise entretient avec la communauté, Shorefast joue un rôle d’intermédiaire essentiel dans la transmission des connaissances à l’équipe de l’Université Memorial concernant l’utilisation tant ancestrale qu’actuelle d’engrais à base d’algues par les producteurs locaux.

« Nous pouvons aborder cette question d’un point de vue très scientifique, tout en reconnaissant la valeur des connaissances traditionnelles », a soutenu Madame Smeaton.

Objectif final

L’un des objectifs de l’équipe de recherche est de déterminer les concentrations de bromoforme et de nutriments dans différents types d’algues recueillies sur l’île Fogo et dans l’ouest de Terre-Neuve. Un deuxième objectif est de mener des expériences en laboratoire pour savoir quel type d’algue serait le plus efficace à la fois pour fertiliser les sols et pour réduire les émissions de méthane et d’oxyde nitreux.

Woman standing in water

Photo crédit : Lorilee Pike, Grenfell, l’Université Memorial


« En fin de compte, j’aimerais que l’on établisse des lignes directrices pour une récolte responsable des algues dans des zones désignées et que l’on puisse éventuellement s’en inspirer pour l’aquiculture végétale et ses applications futures », a déclaré Madame Smeaton.

En tant que chercheuse débutante dans une région assez éloignée, Madame Smeaton est reconnaissante envers la Banque Scotia de la subvention. Celle-ci finance l’analyse des échantillons, le travail sur le terrain et le salaire d’un an de l’étudiant en maîtrise qui travaille sur le projet. « Il existe peu de sources de financement privées pour les projets créatifs dont l’objectif est de favoriser l’atteinte de la carboneutralité. J’apprécie également le fait que le fonds soit offert à tous les pays des Amériques, et qu’il permette d’explorer des perspectives différentes, provenant de pays étrangers », a-t-elle précisé.

En définitive, pour atteindre la carboneutralité, il faudra mettre au point des solutions innovantes dans tous les secteurs économiques, y compris l’agriculture.

« Si notre projet n’est pas la solution miracle pour accélérer l’atteinte de la carboneutralité du secteur agricole, selon moi, il peut certainement s’inscrire dans une réflexion holistique axée sur la durabilité », a affirmé Madame Smeaton.

« Et peut-être découvrirons-nous que les producteurs de denrées alimentaires de Terre-Neuve-et-Labrador ont déjà contribué à réduire les émissions de gaz à effet de serre et que d’autres peuvent s’inspirer de notre expérience. »


Consultez le Centre d’excellence sur les changements climatiques de la Banque Scotia pour découvrir les projets réalisés par tous les bénéficiaires du Fonds Net Zero Research Fund de 2023.

Apprenez-en davantage sur la manière dont le fonds Net Zero Research Fund soutient la recherche sur des résultats environnementaux positifs dans les articles mis en évidence ci-dessous.

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