Par Sarah Walker
Dana Martin s’est forgée une carrière impressionnante dans le domaine des finances, faisant tomber les barrières en tant que dirigeante autochtone à la Banque Scotia. À titre de vice-présidente, Services financiers à la clientèle autochtone, elle milite pour la réconciliation économique et la résilience des peuples autochtones au Canada, grâce aux différentes initiatives qu’elle chapeaute afin de soutenir cette cause.
«Quand j’étais plus jeune, je n’aurais jamais pensé travailler en finance ou qu’il existerait des services financiers destinés à la clientèle autochtone, raconte-t-elle. Aujourd’hui, je célèbre ouvertement ma culture.»
Dana a grandi avec des sentiments mitigés à l’égard de ses origines autochtones.
«Notre famille appartient à la Nation métisse de l’Alberta et ma mère refusait catégoriquement que nous révélions à qui que ce soit que nous étions autochtones, affirme-t-elle. Elle avait peur de ce qu’il pourrait nous arriver ou des situations que cela pourrait créer.»
Ce n’est que lorsque Dana a quitté sa communauté agricole tissée serrée, à environ une heure à l’ouest d’Edmonton, pour déménager en ville, qu’elle a compris que les peurs de sa mère étaient bien fondées.
«Les choses que j’ai entendues, les commentaires désobligeants, c’était horrible, déplore-t-elle. Au début, je réagissais avec colère. Cela vient de personnes qui ne te connaissent pas, qui ne savent pas d’où tu viens. Mais la colère risque de te mener sur le mauvais chemin. Il faut apprendre à s’en servir pour grandir et apprendre à influencer et à éduquer, au lieu d’éprouver du ressentiment.»
D’une ferme bovine à la direction d’une société
Dana a grandi sur une ferme bovine et elle était l’enfant du milieu d’une famille ayant des racines à la fois suédoises et autochtones. La famille de sa mère a des liens forts avec Lac Ste. Anne, un lieu hautement significatif du point de vue social, culturel et spirituel pour les peuples autochtones du Canada.
«Il s’agit d’un lieu de pèlerinage et de rassemblement très important, indique Dana. Lorsque nous étions petits, nous nous y rendions souvent avec ma grand-mère et mon grand-père pour vendre des courtepointes et du bois de chauffage ou pour visiter mes arrière-grands-parents Grannie et Grandpa. C’était vraiment spécial.»
Durant son enfance, l’école de Dana a organisé une sortie avec sa grand-mère pour qu’elle raconte aux enfants l’histoire et la culture des autochtones. Sa grand-mère a expliqué par exemple comment faire une banique au-dessus du feu et a parlé du précipice à bisons Head-Smashed-In Buffalo et de la chasse aux bisons.
À l’école secondaire, Dana savait déjà qu’elle voulait découvrir le monde à l’extérieur des limites de la ferme. Comme elle adorait partir à l’aventure, elle a commencé à voyager (elle a visité 50 pays depuis) et à explorer différentes occasions de carrière.
Elle a donc abouti à la Banque Scotia pour occuper un poste de caissière. Puis, elle a commencé sa graduelle ascension dans l’entreprise, au cours de laquelle elle a accédé à différents postes, notamment ceux de directrice de succursale, de directrice de district, Services bancaires et de vice-présidente de district.
«Je réalisais tout ce que j’avais toujours voulu, mais je continuais à me sentir perdue parce que je n’étais pas à l’aise avec mes origines autochtones, confie-t-elle. J’avais l’impression de ne pas vraiment être à ma place dans le monde colonisé des affaires.»
Fierté culturelle et défense de la communauté
Les rencontres avec les collègues de la Banque Scotia Richel Davies, l’actuelle première directrice, Inclusion des peuples autochtones, et Angie Vieira, directrice principale, Politique d’inclusion des Autochtones, ont complètement changé la donne.
Vous ne pouvez pas être ce que vous ne voyez pas. Nous assistons à un vent de changement. Les gens font beaucoup d’efforts pour comprendre et valoriser la culture autochtone partout au pays, pas seulement à la Banque Scotia.
«Richel et Angie m’ont mise en contact avec le groupe de ressources pour les employé(e)s du Réseau Autochtones Scotia et l’extraordinaire communauté autochtone au sein de l’organisation, raconte Dana. Elles m’ont grandement encouragée. Grâce à elles, j’ai compris que je n’avais rien à craindre de parler de mes origines autochtones. J’ai réussi à m’ouvrir et à me sentir moins craintive». Richel et Angie, ainsi qu’un groupe soudé d’amis autochtones et d’alliés, ont été les plus grands supporters de Dana.
Aujourd’hui, Dana porte ses boucles d’oreilles en perles avec fierté. Elle déploie beaucoup d’efforts pour inspirer les membres de son équipe, autochtones et non autochtones, à être fiers de qui ils sont.
Elle se porte maintenant haut et fort à la défense des droits des autochtones en matière de finance partout au Canada.
«À cause de la Loi sur les Indiens, nous avons dû faire preuve de créativité pour soutenir les clients autochtones, que ce soit les petites entreprises ou les Premières Nations et le développement économique de leurs entreprises autochtones, raconte-t-elle. La façon de faire des affaires avec les peuples autochtones est différente, et nous le comprenons véritablement. Il ne s’agit pas de se rendre simplement dans une communauté pour proposer de conclure une transaction. Il faut d’abord apprendre à connaître les gens, puis partager un repas et rencontrer les aînés. Nous participons à la création d’une communauté, pas seulement un partenariat. Nous savons que la confiance est à reconstruire.»
Une des façons de rétablir la confiance consiste à soutenir les communautés autochtones autrement que par des ententes financières. Par exemple, la Banque Scotia s’est engagée à remettre des dons sur plusieurs années à Indspire, le plus important organisme de charité dirigé par des autochtones et pour les autochtones au Canada afin de soutenir les jeunes des Premières Nations, Inuits et Métis.
«Aujourd’hui, je suis dans une position où je peux inspirer les autres, affirme Dana. Vous ne pouvez pas être ce que vous ne voyez pas. Nous assistons à un vent de changement. Les gens font beaucoup d’efforts pour comprendre et valoriser la culture autochtone partout au pays, pas seulement à la Banque Scotia.»
Même sa mère parle maintenant ouvertement de ses origines autochtones.
«Il y a quelques années, ma mère m’a demandé qu’un tipi soit érigé devant chez elle, chose qu’elle n’aurait jamais faite dans le passé, raconte Dana. Je lui ai demandé la raison pour laquelle elle voulait un tipi et elle m’a répondu qu’elle ne craignait plus de révéler qui elle était, en partie grâce à mon travail.»
Elle ajoute qu’elle espère que les personnes non autochtones qui lisent cet article continueront d’écouter les histoires autochtones que de nombreuses autres personnes arrivent enfin à dévoiler et qu’ils en tirent des leçons. Dana espère également que les gens commencent à se plonger dans la culture et les traditions remplies de richesse des peuples autochtones.
«C’est génial de suivre un cours ou de lire un livre, mais cela ne vous permettra pas de découvrir profondément qui nous sommes, alors allez à la rencontre des autres pour établir une connexion authentique, renchérit-elle. Visitez la communauté autochtone près de chez vous, assistez à un pow-wow public, découvrez nos traditions. Cela vous aidera à répliquer lorsque vous entendrez des injustices.»
Et concernant sa communauté autochtone? «Nos ancêtres n’ont pas survécu depuis des temps immémoriaux pour que nous finissions cachés et honteux. Soyez fiers de qui vous êtes, soyons fiers de qui nous sommes. Nous occupons une place importante dans notre histoire. Nous existons. Nous sommes fiers. Nous n’avons pas à voir peur comme cela a été le cas pour ma mère.»
Cet article a d’abord été publié dans Women of Influence et est republié avec autorisation.