Si votre résolution pour la nouvelle année est de mieux gérer vos finances, le défi pourrait être plus important que prévu. Heureusement, Bruce Sellery, expert en finances personnelles, a quelques astuces à partager. M. Sellery est PDG de Credit Canada Debt Solutions et animateur de Moolala, une émission portant sur les finances personnelles sur SiriusXM. Il offre quelques conseils pratiques pour mieux gérer son argent au cours d’une année marquée par des taux d’intérêt élevés, une forte inflation et la menace imminente de récession.
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Stephen Meurice (S. M.) : Le début d’une nouvelle année est un moment propice aux changements.
Bruce Sellery (B. S.) : Tout à fait. On entend souvent « nouvelle année, nouveau départ. »
S. M. : Vous venez d’entendre Bruce Sellery, expert en finances personnelles. Votre résolution est de prendre vos finances en main? Selon lui, la prochaine année s’annonce un peu plus difficile pour certains.
B. S. : Je crois que cette année sera marquée par le niveau d’endettement faramineux des gens. C’est logique vu le contexte dans lequel nous nous trouvons, la hausse de l’inflation et l’incertitude économique qui plane.
S. M. : Fidèles à notre tradition pour l’épisode du Nouvel An, nous recevons aujourd’hui Bruce, chef de la direction de Credit Canada Debt Solutions. Il est aussi animateur de Moolala, l’émission de radio hebdomadaire sur les finances personnelles de SiriusXM. Comme toujours, il nous donnera des conseils simples et concrets. Cette fois-ci, ils porteront sur la gestion de notre argent dans un contexte d’inflation et de taux d’intérêt élevés afin de rembourser nos dettes, tout en continuant à épargner et à investir.
B. S. : L’argent est un outil. Apprenez à l’utiliser judicieusement pour créer la vie de vos rêves.
S. M. : Nous aimons inviter Bruce à notre balado pour ses sages paroles comme celles-là. Il est à la fois tellement philosophique et modeste.
B. S. : Oh, là, là! C’est bien dit. Est-ce qu’on devrait en faire une affiche?
S. M. : Je m’appelle Stephen Meurice et bienvenue à Perspectives.
Bruce, merci beaucoup de revenir nous voir. Je suis heureux de vous recevoir encore une fois dans notre émission.
B. S. : Bonjour! Tout le plaisir est pour moi.
S. M. : Je suis ravi de vous voir. Les deux dernières fois où vous étiez invité, l’enregistrement était à distance. Vous mettez enfin les pieds dans notre studio aujourd’hui. Qu’en pensez-vous?
B. S. : Je suis certain que vous me trouvez beaucoup plus grand que vous le pensiez. Maintenant que vous me voyez en chair et en os, vous vous dites : « Wow, il est beaucoup plus grand que je le croyais! » J’ai raison?
S. M. : Sans commentaire.
B. S. : Votre studio est magnifique. C’est superbe et très professionnel. Je suis très impressionné.
S. M. : Je suis heureux de l’entendre, parce que nous ne validons que les billets de stationnement des invités qui nous lancent des fleurs!
B. S. : [rires] J’ai pris le métro.
S. M. : Dommage. Nous aimons vous inviter au début de la nouvelle année, parce que les gens peuvent ensuite suivre vos conseils pour planifier le reste de leur année.
B. S. : Vous me mettez beaucoup de pression. Les gens vont planifier leur année d’après mes conseils. OK, très bien.
S. M. : [rires] La pression est forte, mais je suis certain que vous êtes à la hauteur.
B. S. : Je le suis!
S. M. : À ce temps-ci de l’année, est-ce que beaucoup plus de gens vous demandent des conseils étant donné qu’ils prennent leurs résolutions et réfléchissent à l’année à venir?
B. S. : Tout à fait. On entend souvent « nouvelle année, nouveau départ », et ce, de gens de tous âges. Ils se questionnent sur leur santé physique et mentale, leurs relations, ce qu’ils feront pendant leurs vacances et les habitudes qu’ils pourraient adopter pour bien gérer leur argent pendant l’année à venir. Les finances traversent certainement leur esprit. Je crois que cette année sera marquée par le niveau d’endettement faramineux des gens. Il vient bien sûr de l’hypothèque, mais aussi des cartes de crédit, des marges de crédit et de tout le tralala. C’est un véritable problème pour bien des ménages à l’heure actuelle, alors que nous approchons d’une nouvelle vague de renouvellements hypothécaires. Des centaines, des centaines et des centaines de milliers de personnes vont subir tout un choc. Leur paiement de X passera maintenant à X plus 20, 30 ou même 40 %.
S. M. : Oui, absolument. Nous y reviendrons un peu plus tard. J’aimerais simplement situer un peu le contexte. Vous pourriez peut-être d’abord nous livrer vos impressions actuelles et les échos de vos clients. Est-ce que plus de gens font appel à Credit Canada aujourd’hui qu’il y a un an, par exemple? Comment la situation a-t-elle évolué en un an?
B. S. : Nos chiffres ont bondi de 38 %.
S. M. : Wow.
B. S. : 38 % en un an. Évidemment, nous sommes ravis de pouvoir aider les gens, mais le téléphone ne dérougit pas. C’est logique vu le contexte dans lequel nous nous trouvons, la hausse de l’inflation et l’incertitude économique qui plane. Nous sommes inondés d’appels, mais nous nous y préparions depuis un bon moment. Honnêtement, nous sommes surpris que cette hausse ait pris autant de temps à se faire sentir. Nous sommes anticycliques. Quand l’économie ralentit, les gens ont plus de mal à rembourser leurs dettes. Alors nous nous y attendions. Et tadam! Nous y voilà.
S. M. : La crise est attendue depuis un certain temps, comme vous l’avez dit, en raison de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation. Certaines personnes subissent déjà les contrecoups de leur renouvellement hypothécaire, mais la situation ne fait que commencer à faire des ravages.
B. S. : Elle commence vraiment à faire des ravages. Par contre, le marché du travail demeure assez solide, je dois le souligner. Actuellement, la plupart de nos clients sont au chômage ou sont sous-employés. Toutefois, notre plus grande crainte, celle que nous gardons toujours en tête, est l’augmentation du nombre de mises à pied. Nous voyons bien à la une des journaux que c’est ce qui se trame, mais les grands indicateurs économiques ne le reflètent pas encore. Bien des gens auront beaucoup plus de difficulté à joindre les deux bouts.
S. M. : Les récessions précédentes ont été marquées par des vagues de licenciements massifs dans les usines et ailleurs. C’est beaucoup moins le cas cette fois-ci, du moins jusqu’à présent. Vous avez mentionné que beaucoup de vos clients actuels sont au chômage ou sont sous-employés. Y a-t-il des salariés qui font appel à vos services? Même les banques alimentaires constatent une hausse du nombre de salariés qui ont recours à leurs services.
B. S. : Oui, tout à fait.
S. M. : D’accord. Je vois. Vous avez parlé de certains des facteurs à la base de cette augmentation du recours à vos services, comme la hausse des taux d’intérêt. Même s’ils sont stables depuis quelques mois, ce qui est très bien, ils demeurent assez élevés. L’inflation semble commencer à être maîtrisée, mais il est certain que les prix des produits alimentaires et d’autres articles sont plus élevés qu’auparavant. Que vous disent les gens sur les conséquences de ces hausses?
B. S. : Ils nous disent : « Je n’arrive plus à joindre les deux bouts. » Ils n’arrivent plus à tout payer. Ils ne nous appellent pas pour dire : « Je n’ai pas les moyens d’acheter une copropriété à Cabo cette année. » Ils appellent pour dire : « Je n’ai pas les moyens de faire le plein de ma voiture et, sans essence, je ne peux pas me rendre au travail. » Selon moi, la grande coupable est l’inflation, combinée aux causes profondes courantes qui sont présentes peu importe la situation économique, comme les problèmes physiques, de santé mentale ou de dépendance qui empêchent les gens de travailler, les séparations, etc. Il y a tout un tas de causes profondes à l’origine du problème, et la dette n’en est que le symptôme. Ce n’est qu’un symptôme. Les gens disent souvent « J’ai un problème d’endettement » ou « Les gens sont trop endettés. » Peut-être, mais je dirais que c’est seulement un symptôme. Nous devons vraiment nous attaquer à la cause profonde du problème des gens afin de pouvoir les aider à mettre en place des changements durables.
S. M. : Bien dit. J’aimerais que nous passions à vos conseils tant attendus. Vous nous avez expliqué le contexte. Maintenant, donnez-nous vos conseils pour les personnes réellement aux prises avec des problèmes d’endettement, mais aussi pour monsieur et madame Tout-le-Monde. Tout le monde a besoin de conseils financiers. Quelle est la première chose à laquelle les gens devraient penser dans leur planification pour l’année 2024?
B. S. : La première question que je voudrais que les gens se posent est la suivante : « Quelle est ma plus grande priorité? » Pour y répondre, je recommande d’utiliser le modèle que nous appelons « la pyramide des priorités ». Rappelez-vous la hiérarchie des besoins de Maslow, que vous avez apprise un jour ou l’autre à l’école. À la base de cette pyramide se trouvent la nourriture et le logement. Au sommet de la pyramide se trouvent l’accomplissement et le dépassement de soi, inatteignables pour la plupart des gens, qui n’y pensent même pas. Le même principe peut être appliqué aux finances personnelles. La pyramide se présente comme suit : le bas de la hiérarchie correspond au flux de trésorerie. Vos revenus sont-ils supérieurs à vos dépenses? Si oui, vous passez à l’endettement. À cet échelon de la pyramide, nous cherchons à ramener nos dettes à zéro et à les maintenir à zéro pour toujours. Si vous le faites déjà, passez à l’échelon de l’épargne. On passe ensuite aux moyens fiscaux, comme le CELIAPP, le REER, le REEE, le CELI, etc. Ensuite, vous passez à l’échelon de l’investissement. Cette pyramide est importante parce que, souvent, les gens essaient de faire trop de choses en même temps. Pour une personne qui n’a pas un revenu supérieur à ses dépenses, il n’est pas pertinent d’investir dans la cryptomonnaie, le cannabis ou le marché boursier. Ce serait totalement inutile, puisqu’il lui serait plus avantageux de rembourser sa dette de carte de crédit, dont le taux d’intérêt varie de 25 à 30 % dans la plupart des cas. Cette structure est vraiment importante pour établir une marche à suivre et éviter de se sentir dépasser ou d’entreprendre trop de choses en même temps. Quand je la présente aux gens, ils me disent : « Êtes-vous en train de me dire que je dois avant tout augmenter mon revenu ou réduire mes dépenses? OK, je vais me concentrer là-dessus et nous nous occuperons des 50 000 autres choses quand je passerai au prochain échelon de la pyramide. »
S. M. : Le premier échelon est donc la dette à la consommation.
B. S. : Le premier échelon est le flux de trésorerie parce que, sans flux de trésorerie positif, il est impossible de faire quoi que ce soit. Certaines personnes doivent donc augmenter leur revenu, que ce soit en acceptant un quart de travail supplémentaire ou en trouvant un petit boulot. D’autres doivent procéder à une évaluation réelle, brutale et rigoureuse de leurs dépenses. En dehors de toutes mes dépenses essentielles, où puis-je couper? Dès que vous avez un flux de trésorerie positif, utilisez vos liquidités – votre surplus – pour dresser un plan d’élimination de votre dette à la consommation.
S. M. : C’est donc une évaluation pure et simple des entrées et des sorties d’argent.
B. S. : Exactement. Nous utilisons le modèle du niveau de dépenses viable, parce que nous savons que personne ne peut se serrer la ceinture éternellement. Nous voulons aider les gens à trouver un moyen de vivre de manière viable, sans avoir à surveiller chaque sou en permanence. Cette méthode consiste donc à analyser votre situation, à réfléchir et à changer A, B, C. Nous analysons vos entrées et sorties d’argent, nous trouvons des idées pour améliorer considérablement vos chiffres et vous en mettez deux ou trois en pratique. Tout le monde a une volonté limitée. Personne ne dispose d’une volonté sans faille. Ne la gaspillez pas pour vous empêcher d’acheter le classique café. Faites une introspection : « Je dépense trop en livraison de nourriture. Mes dépenses en repas à emporter sont problématiques. » Vous devrez faire preuve de volonté pour passer de quatre livraisons par mois à une seule ou à la fréquence qui vous permettra d’avoir un flux de trésorerie positif.
S. M. : D’accord. Je suppose que cette règle s’applique autant aux personnes qui croulent sous les dettes qu’à celles qui ont accumulé une dette sur différentes cartes de crédit pendant le temps des Fêtes pour acheter des cadeaux, faire des sorties ou participer à des activités. Donc, cette règle pourrait s’appliquer même à court terme, pour reprendre le dessus.
B. S. : Tout à fait.
S. M. : Une fois que nous nous sommes attaqués au problème, que nous avons remboursé notre dette à la consommation ou que nous sommes sur la bonne voie pour y arriver, à quoi devrions-nous penser?
B. S. : L’épargne. Demandez-vous : « Quelle vie est-ce que je veux vivre? » La réponse variera selon vos valeurs. Vous pourriez par exemple vouloir préparer votre retraite et payer les études de vos enfants. Si vous êtes propriétaire d’une maison, vous savez qu’il y aura des travaux d’entretien à faire. Tout ce qui vous vient à l’esprit doit être associé à un objectif d’épargne. Ensuite, classez-les par ordre de priorité selon leur importance à vos yeux. Même en tant que parent, je vous dirais qu’il faut épargner pour notre retraite avant d’épargner pour leurs études. Dans le pire des scénarios, ils n’auront pas d’argent de votre part. Ils devront se trouver un emploi d’été, recevoir des pourboires dans un restaurant, etc. C’est préférable à celui d’espérer que votre enfant vous aide à vivre à la retraite, parce que je ne parierai pas là-dessus. Vous devez vous concentrer sur vos priorités. Demandez-vous : « Bon, je n’ai que 500 $ ou 1 000 $ à épargner. Où est-il plus judicieux de l’investir? » Une fois que vous avez atteint l’échelon de l’épargne, pensez virements automatiques, virements automatiques, virements automatiques. Si vous avez les liquidités et les moyens de le faire, mettez en place un virement automatique pour cotiser à votre CELI. L’argent disparaitra dès votre jour de paie. Prévoyez un virement automatique pour atteindre la cotisation maximale à votre REER. Aussitôt reçu, aussitôt investi. Vous aimez prendre des vacances une fois par année? Mettez en place un virement automatique pour accumuler la somme d’argent nécessaire à ce voyage sur une base annuelle. Je ne le répéterai pas assez : utilisez les virements automatiques.
S. M. : Hum. C’est intéressant. Vous avez mentionné qu’épargner pour la retraite devrait être une priorité. Faut-il aussi épargner pour se constituer un fonds d’urgence? Si oui, est-ce qu’il devrait passer avant l’épargne à long terme?
B. S. : Les fonds d’urgence font beaucoup jaser ces temps-ci. Par contre, il y a deux pièges à éviter. Premièrement, certaines personnes mettent de l’argent de côté pour se constituer un fonds d’urgence alors qu’elles ont une dette de carte de crédit, ce qui est absolument illogique. Ne mettez pas 3 000 $ de côté si vous avez une dette de 3 000 $ sur votre carte de crédit. Remboursez-la d’abord et avant tout. Deuxièmement, ce conseil vous paraîtra vraiment odieux et vous surprendra parce que ce n’est pas mon genre, mais évitez de tout qualifier d’« urgence ». Ce que je veux dire par là, c’est que les gens pigent dans leur fonds d’urgence pour un tas de raisons qui ne sont pas de véritables urgences. Une réparation de voiture n’est pas une urgence. Vous possédez une voiture. C’est inévitable : elle va briser à un moment ou à un autre. Vous êtes propriétaire d’une maison. C’est inévitable : votre fournaise va briser à un moment ou à un autre. Ce ne sont pas des urgences. Ce sont des dépenses occasionnelles. Elles sont périodiques et non mensuelles. Vous devez prévoir votre budget et établir votre niveau de dépenses viable en tenant compte de tout, même de ces dépenses occasionnelles. On les ressent souvent comme des urgences. Je dois avouer que le jour où mon chauffe-eau a lâché et a inondé mon sous-sol, je me suis senti en situation d’urgence, mais le coût de cet incident était normal pour un propriétaire de maison. Il y a relativement peu de choses qui sont de véritables urgences. Je dirais donc qu’il faut se préparer aux situations d’urgence plutôt que se constituer un fonds d’urgence. Il faut voir ce petit coussin judicieusement.
S. M. : D’accord, mais encore faut-il avoir l’argent.
B. S. : Oui, il faut avoir l’argent.
S. M. : D’accord. C’est tout de même en quelque sorte un fonds. Vous ne constituez pas un fonds d’urgence, mais plutôt un fonds pour l’entretien de votre voiture, un fonds pour les dépenses de votre ménage.
B. S. : Oui, tout à fait.
S. M. : Parfait. Nous avons réglé nos dettes de consommation et nous avons commencé à épargner égoïstement pour notre retraite avant les études de nos enfants.
B. S. : Et probablement pour certaines interventions esthétiques de prévention du vieillissement. Un fonds pour le botox, les chirurgies esthétiques, l’entraîneur personnel et tout le reste. Je plaisante… ou pas!
S. M. : [rires]
B. S. : Pourquoi pas?
S. M. : Une fois que c’est fait et que notre épargne est automatisée, que devons-nous faire?
B. S. : À cet échelon de la pyramide, il est temps de s’attarder davantage aux comptes que vous utilisez. Les gens se questionnent souvent sur les différences entre le CELI et le REER pour l’épargne-retraite. Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété est une belle option, une très bonne option. Ensuite, nous pouvons commencer à investir. Ce que je m’apprête à dire peut sembler présomptueux de ma part étant donné que j’ai passé une grande partie de ma carrière à BNN Bloomberg, mais il peut être très facile d’investir. Ce sont les gens qui font paraître ça très compliqué. À cet échelon, vous mettez en place un portefeuille diversifié à faible coût qui vous ennuiera à mourir. Ce n’est pas stimulant. Vous n’avez pas à suivre l’actualité. C’est très ennuyeux. Le dernier échelon de la pyramide est ce que l’on appelle l’« optimisation du rendement ». À cette étape-là, vous pouvez vous dire : « J’utilise des options d’achat et de vente ou des instruments dérivés. Je crois en ce secteur et j’aime le chef de direction. Je l’ai vu à BNN Bloomberg et il a l’air très compétent. » Ne passez à cet échelon qu’une fois que vous avez un portefeuille qui atteint le rendement de l’indice de référence au fil du temps.
S. M. : Donc, il faut simplement investir notre argent et l’oublier? Il ne faut pas examiner ce qui se passe sur le marché tous les jours?
B. S. : Bon. C’est une question que les gens me posent souvent. On me demande : « Qu’est-ce que tu penses du marché des valeurs mobilières? Qu’est-ce qui s’en vient? » Je ne sais pas. Je n’y prête pas attention. Je trouve que nous avons une trop grande fixation sur des choses hors de notre contrôle. Nous avons le contrôle sur notre taux d’épargne, notre diversification et les frais que nous payons. Tous ces éléments relèvent entièrement de nous et même le simple fait d’approfondir la relation avec votre conseiller financier. Devenez son client de prédilection. Les bons conseillers financiers aiment les clients qui s’intéressent à leur dossier et qui ont une vision d’ensemble. C’est ce que les bons conseillers aiment. C’est donc ce que je ferais. Si vous faites affaire avec un conseiller, demandez-lui combien vous le payez, il vous le dira et faites tout en votre possible pour en avoir pour votre argent.
S. M. : C’est intéressant. Vous avez parlé au tout début de la crise hypothécaire qui se dessine pour plusieurs personnes à l’approche d’une vague de renouvellements à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés. Elle touchera entre autres les personnes ayant contracté des prêts à un taux fixe de 2 % il y a cinq ans et qui se retrouvent aujourd’hui face à des taux beaucoup plus élevés. L’histoire est tout autre pour les taux variables. Quels sont les échos de vos clients concernant les prêts hypothécaires? Est-ce l’une des principales causes des difficultés auxquelles les gens sont confrontés? Que leur dites-vous?
B. S. : Ils pèsent lourd dans la balance. Ceux qui ont opté pour un taux variable subissent les contrecoups de cette situation depuis un bon moment déjà. Ceux ayant choisi un prêt hypothécaire à taux fixe ne s’attendent probablement pas à le renouveler au même taux. Ils auront malgré tout un choc quand ils verront leur nouveau pourcentage. Ils devront revoir leurs dépenses mais, pour la plupart des familles, il n’y a pas de gras à couper. Ils devront couper dans les biens de première nécessité. Ils vont se dire « Je dois réduire ma facture d’épicerie. J’avais l’habitude de manger de la viande quatre soirs par semaine, maintenant ce sera seulement deux. » et faire d’autres compromis du genre. Donc, le conseil que je donnerais aux gens est de revenir à un niveau de dépenses viable : A, B, C. Voici notre nouvelle réalité. Voici notre nouvelle mensualité hypothécaire. Comment parviendrons-nous à concilier ce paiement, d’un montant fixe hors de notre contrôle, et les autres choses que nous essayons de faire? Il n’y a pas de bonne réponse. Chaque famille procèdera différemment, mais des choix seront nécessaires à court terme. Si vous avez des enfants en bas âge ou si vous avez des problèmes de santé, vous pourriez vous dire : « Bon. J’arrête d’épargner pour ma retraite pendant un an ou quelques années, parce que je n’arriverai pas à tout payer. »
S. M. : D’accord. Tous ces éléments mis ensemble donnent l’impression que les gens devraient vraiment toujours penser à leur argent et toujours planifier leur avenir…
B. S. : Oui.
S. M. : … pour essayer de limiter les mauvaises surprises auxquelles ils se heurteront.
B. S. : Exactement. J’aimerais toutefois apporter une petite nuance. Selon moi, il ne faut pas penser constamment à l’argent. Cette approche donne presque l’impression que c’est un loisir, mais il y a des façons bien plus agréables de passer le temps, je dois l’admettre. Par contre, je pense qu’il faut réfléchir sérieusement à son argent de façon périodique. Laissez-moi vous présenter quelques-unes des pratiques que j’adopte chaque année. Premièrement, le 1er janvier (bon, en réalité c’est peut-être plutôt le 9 janvier, mais ne le dites à personne), je calcule mon avoir net. Cet exercice fascinant permet de voir comment nous pouvons nous constituer un patrimoine au fil du temps. C’est une des choses que je fais. Ce n’est pas un exercice qui incite nécessairement au changement, mais il permet de réaliser : « Oh, j’ai fait des progrès de ce côté, mais pas dans cette sphère. » Le deuxième exercice à faire plus d’une fois par année, mais tout de même pas chaque trimestre, est de prendre le temps de discuter avec les personnes les plus chères à vos yeux, comme votre partenaire, vos parents ou vos enfants. Que ferons-nous en 2024 pour faire plus de choses que nous aimons, pour faire avancer les projets qui nous tiennent à cœur? Pour certains, c’est rénover la maison. Pour d’autres, c’est voyager ou vivre des expériences. Il n’y a pas de bonne réponse. Elle est propre à chacun.
S. M. : Nous avons parlé du long terme. Croyez-vous qu’il vaut mieux suivre notre budget de près tous les jours et noter chaque achat d’un café ou d’un café au lait?
B. S. : Non! Ce serait un véritable cauchemar.
S. M. : Vraiment.
B. S. : Je ne le recommande pas. Je ne pense pas que ce soit une approche viable ni qu’elle s’attaque aux problèmes à la source. Vous n’allez pas défoncer votre budget avec un café au lait. Vous défoncez votre budget en achetant une deuxième voiture alors que vous n’en avez vraiment, vraiment pas besoin, en vivant dans une demeure plus grande que vous ne pouvez pas vous permettre ou en inscrivant vos enfants à des activités parascolaires au-dessus de vos moyens, ce qui, soit dit en passant, est une décision crève-cœur à prendre pour les parents. Évidemment, l’entraîneur vous dira : « Votre enfant a du talent. Il a le potentiel de se rendre dans la LNH. Nous voulons qu’il fasse l’équipe. » Vous devez penser : « Oui, mais l’inscription coûte 6 000 $. Comment vais-je arriver à la payer? » Selon moi, le problème ne vient pas des petits choix au quotidien. Je crois plutôt qu’il faut prendre un pas de recul, penser à nos valeurs, analyser notre situation, réfléchir, puis apporter quelques grands changements qui nous permettront de ne pas avoir à nous soucier des moindres dépenses constamment. Laissez-moi vous donner un exemple. Il y a quelques années, j’ai consulté une nutritionniste qui m’a beaucoup aidé. Elle m’a entre autres montré la taille que devraient avoir mes portions de nourriture. J’étais stupéfait. Je me suis dit : « Ce n’est pas une portion. C’est à peine une collation. J’ai besoin de manger plus. » Elle m’a ensuite fait remarquer combien de calories il y a dans une bière. J’aime boire une bière de temps en temps, mais je pourrais m’en passer sans problème. Par contre, me dire que je ne pouvais plus manger de tartelettes au beurre aurait eu l’effet de planter le dernier clou dans mon cercueil, parce que j’ai la dent sucrée. Elle m’a donc dit : « Fais ton choix. » Je ne bois pas beaucoup d’alcool, mais j’ai du mal à résister à une table de desserts. C’est pareil quand vous pensez à votre argent. Vous devez faire des choix difficiles et vous demander : « Qu’est-ce qui compte vraiment pour moi? » Si vous êtes un adepte de la diffusion en continu, vous pouvez vous abonner à 17 services. Mais vous n’irez probablement pas voir une comédie musicale de Broadway. Si, au contraire, vous vous dites : « Non, non, je veux absolument voir tel spectacle. » Allez-y, mais désabonnez-vous des services de diffusion en continu.
S. M. : Merci pour ces bons conseils très précis. Nous pourrions peut-être terminer sur une note un peu plus philosophique.
B. S. : Quelle bonne idée! Allons-nous citer Sylvia Plath ou Socrate?
S. M. : Non, nous allons citer Bruce Sellery.
B. S. : Oh, mon Dieu, bon choix. Il peut être un peu intense. Je pense qu’il est un peu excessif.
S. M. : [rires] À petites doses, il est agréable.
B. S. : À petites doses, il est agréable, mais je ne voudrais pas vivre avec lui.
S. M. : [rires] Avez-vous un grand conseil à donner aux gens en ce début d’année 2024, qui s’annonce difficile en raison de l’inflation et des taux d’intérêt élevés, et qui sait, peut-être d’une récession? Quel est le mantra de Bruce Sellery?
B. S. : J’en ai beaucoup, mais je vais vous en donner un et je vous laisse là-dessus.
S. M. : Parfait.
B. S. : L’argent est un outil. Apprenez à l’utiliser judicieusement pour créer la vie de vos rêves. Dans notre rôle de parents, nous passons beaucoup de temps à apprendre des choses à nos enfants, par exemple, à utiliser un épluche-légumes. Je me souviens d’avoir appris à mon enfant à le faire quand il avait trois ans. D’autres parents me disaient : « Vous laissez vraiment votre enfant de trois ans se servir d’un épluche-légumes? » Oui, et je vais vous dire pourquoi. Il ne se coupera qu’une seule fois. Et c’est vrai : notre enfant se débrouille bien en cuisine. Il sait comment utiliser tous les outils. Revenons aux parents, dans leur rôle de citoyens. Quels sont leurs outils? L’argent est un outil très, très, très utile. Il est à la base d’une grande partie de notre monde et savoir bien le gérer donne un bon coup de pouce dans la vie. Que vous vouliez acheter la plus grosse maison au pays ou verser une immense somme à une cause qui vous tient profondément à cœur, l’argent est un outil. Apprenez à l’utiliser.
S. M. : Très bien dit.
B. S. : Oh, mon Dieu. C’était bien dit.
S. M. : Mieux que Socrate.
B. S. : Presque, presque.
S. M. : Bruce, merci beaucoup de votre présence aujourd’hui. J’ai beaucoup aimé notre discussion.
B. S. : Tout le plaisir est pour moi. Merci de l’invitation.
S. M. : Vous venez d’entendre Bruce Sellery, expert en finances personnelles et chef de la direction de Credit Canada Debt Solutions. Il est également l’animateur de Moolala, l’émission de radio hebdomadaire sur les finances personnelles diffusée sur SiriusXM.